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Grand Angle

Quand l’opposition battait le pavé contre la politique étrangère du Maroc

Rares sont les épisodes de désapprobation exprimée par l'opposition au Maroc des  décisions royales relevant de la politique étrangère. Les protestations estudiantines de février 1979 contre la présence du shah d’Iran au Maroc et la grande marche de Rabat de février 1991 condamnant les bombardements de la coalition internationale en Irak, sont deux moments phares d'une divergence de vues entre les deux parties. 

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Une semaine après l’annonce de la reprise des relations entre le Maroc et Israël, les groupes anti-normalisation ne sont pas encore parvenus à s’entendre sur l’organisation d’une grande manifestation à Rabat ou Casablanca. Principal motif avancé par certaines associations pour éviter une confrontation directe avec le Palais royal : la pandémie du Covid-19. Un argument qui ne semble pas convaincre Al Adl wal Ihsane.

La Jamaa tente de faire cavalier seul en organisant des sorties nocturnes, en petits groupes à M’diq, Taroudant et Meknès. Une manière de se démarquer des autres associations anti-normalisation, tout en évitant de provoquer l'escalade face à l'Etat. La prudence des différentes associations s'explique par l'histoire. Les formations politiques, mouvements et organisations au Maroc ne sont pas habituées à entrer dans une opposition frontale avec le pouvoir sur des questions relevant de la politique étrangère, une prérogative royale.

Les rares fois où la politique étrangère a été contestée

Certains épisodes de contestations populaires ont cependant marqué l'histoire du Maroc. Le 16 janvier 1979, le shah d’Iran est contraint de quitter son pays. Le 22 janvier, le roi Hassan II l’accueille en grande pompe à l’aéroport de Marrakech et met à la disposition de son ami le palais de «Jenane el Kébir». Une générosité que des groupes de gauche et d’extrême gauche ne voient pas d’un si bon œil. Aussi, ils laissent à leurs sections estudiantines le soin de transmettre leur colère au souverain. Les universités de Rabat et Casablanca connaissent alors de fréquentes protestations contre la présence du shah d’Iran.

A l’époque, la gauche au Maroc croyait à la lune de miel entre les communistes iraniens du Parti Toudeh et les islamistes de Khomeini. Elle déchantera trois années plus tard avec l’interdiction du PT et l’emprisonnent et l’exécution de milliers de ses membres. Le 30 mars 1979, le shah quitte Marrakech.

Il faut attendre l’invasion du Koweït par l'Irak, le 2 août 1990, pour retrouver une fronde des organisations syndicales vis à vis du Palais royal, suite à la décision de Hassan II d’envoyer 1.200 soldats des Forces armées royales en Arabie saoudite pour participer à la coalition internationale contre Saddam Hussein. Le début des bombardements, le 16 janvier 1991, encourage l’opposition à passer à l’acte et arracher le feu vert des autorités pour deux grands événements. Le 28 janvier de la même année, les syndicats organisent une grève nationale en solidarité avec l’Irak. Les forces de l’ordre n'interviennent pas pour disperser les protestataires à l'instar du débrayage du 14 décembre 1990.

Après trois semaines de bombardements intensifs et aveugles des membres de la coalition internationale, la colère des Marocains monte d’un cran. Le 3 février, les autorités sont forcées d’autoriser une grande marche à Rabat qui réunit entre 300 000 à 500 000 Marocains. Une protestation qui réuni côte à côte les partis de l’opposition, USFP, Istiqlal et l'OADP de Bensaid Aït Idder, et les islamistes d’Al Adl wal Ihsane et la Jamaa Islah wa Attajid (Réforme et Renouveau) d’un certain Abdelilah Benkirane.

La marche qui sillonne les rues de la capitale est un fort message adressé au pouvoir pour initier de profondes réformes politiques. Des consultations ont lieu entre le Palais et les partis de la Koutla, créée en 1992, couronnées par la formation en avril 1998 du gouvernement d’alternance dirigé par Abderrahmane Youssoufi.

Aujourd'hui ce type de contestation de la politique étrangère et d'autant plus difficile que la mobilisation syndicale n'est plus aussi massive et les partis de l'opposition de l'époque sont pour la plupart membres du gouvernement actuel.

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