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Poèmes-textes....
o
17 mars 2010 22:54
...

Les poètes naissent-ils de la matrice du malheur ?
Le poète n'est-il qu'un coup de poignard sans remède porté au cœur ?
Ou bien suis-je le seul
Dont les yeux résument l'histoire des pleurs ?

Je dirai au cours de l'instruction
Comment ma biche fut tuée
Par l'épée de Abu Lahab,
Tous les bandits, du Golfe à l'Atlantique
Détruisent, incendient, volent,
Se corrompent, agressent les femmes
Comme le veut Abu Lahab,

Tous les chiens sont des agents
Ils mangent, se soûlent,
Sur le compte de Abu Lahab,
Aucun grain sous terre ne pousse
Sans l'avis de Abu Lahab
Pas un enfant qui naisse chez nous
Sans que sa mère un jour
N'ait visité la couche de Abu Lahab,
Pas une tête n'est décapitée sans ordre de Abu Lahab

La mort de Balkis
Est-elle la seule victoire
Enregistrée dans toute l'Histoire des Arabes ?

Balkis, ô ma bien aimée, bue jusqu'à la lie !

Les faux prophètes sautillent
Et montent sur le dos des peuples,
Mais n'ont aucun message !

Si au moins, ils avaient apporté
De cette triste Palestine
Une étoile,
Ou seulement une orange,
S'ils nous avaient apporté des rivages de Ghaza
Un petit caillou
Ou un coquillage,
Si depuis ce quart de siècle

Ils avaient libéré une olive
Ou restitué une orange,
Et effacé de l'Histoire la honte,
J'aurais alors rendu grâce à ceux qui t'ont tuée
O mon adorée jusqu'à la lie !
Mais ils ont laissé la Palestine à son sort
Pour tuer une biche !

Balkis, que doivent dire les poètes de notre siècle !
Que doit dire le poème
Au siècle des Arabes et non Arabes,
Au temps des païens,
Alors que le monde Arabe est écrasé
Ecrasé et sous le joug,
Et que sa langue est coupée.

Nous sommes le crime dans sa plus parfaite expression ;
Alors écartez de nous nos œuvres de culture.

O ma bien aimée, ils t'ont arrachée de mes mains,
Ils ont arraché le poème de ma bouche,
Ils ont pris l'écriture, la lecture,
L'enfance et l'espérance.
Balkis, Balkis, ô larmes s'égouttant sur les cils du violon !
Balkis, ô bien aimée jusqu'à la lie !
J'ai appris les secrets de l'amour à ceux qui t'ont tuée,
Mais avant la fin de la course,
Ils ont tué mon poulain.

Balkis, je te demande pardon ;
Peut être que ta vie a servi à racheter la mienne
Je sais pertinemment
Que ceux qui ont commis ce crime
Voulaient en fait attenter à mes mots.

Belle, dors dans la bénédiction divine,
Le poème après toi est impossible
Et la féminité aussi est impossible.

Des générations d'enfants
Continueront à s'interroger sur tes longues tresses,
Des générations d'amants
Continueront à lire ton histoire
O parfaite enseignante !
Les Arabes sauront un jour
Qu'ils ont tué une messagère
QU'ILS…ON….TU…E…UNE….MES…SA…GERE

Nizar Kebani
o
17 mars 2010 23:25
AVEC LE FLEUVE

Avec le fleuve
cet automne
cette pierraille et ces faibles nuages
J'ai consacré toute une matinée dans la morosité
d'un arrière-goût de perte à scruter une immensité déferlant depuis les rochers
Des légions d'air ont accouru
Des foyers de sommeil successifs s'accumulèrent à
mon genou Bruissement
de feuilles
Ton calme est le premier à m'avoir enseigné comment
en toi s'apaisent les tempêtes
Voici un semblant de brouhaha au passage furtif
Des variétés de pierre à
chaux parsemées au milieu des végétaux
La ronde des oiseaux autour d'une chose qui tient de l'obscurité
Le nuage qui modifie sa position Une langue que j'ai
failli entendre balbutier
La transparence qui s'éloigne

Mohammed Bennis



Modifié 1 fois. Dernière modification le 17/03/10 23:38 par oryct2010.
o
17 mars 2010 23:37
LE POEME ET LA CHIMERE



Badr Chakir Al-SayyabMes funérailles ont lieu dans la nouvelle chambre
où j'ai pris mes quartiers.
Un long cri est lancé :" Ecris le poème! "
J'écris
ce que charrie mon sang,
je barre, je rature,
jusqu'à ce que l'idée têtue acquière enfin
la souplesse voulue.
Ma nouvelle chambre
est vaste, plus vaste en tout cas que ne sera
mon tombeau.
Si la fatigue me saisit en plein éveil,le sommeil
n'en prend que plus de saveur.
Il jaillit jusque des orbites creuses
de la pierre,
jusque de la cheminée solitaire
en son angle rencognée .
Le cri des obsèques arides, usées,
rapiécées
jaillit de la haute bouche et tombe
joyeusement le long des murs,
caressant avec allégresse le miroir,
les bouteilles.
Pourquoi tous ces recoins demeurent- ils
dans l'ombre,
comme la terre pour l'homme
impatient de briser cette chaîne
à force de vin et d'or
et de beautés femelles,
à force de mensonges en son coeur,
sur sa langue,
dans son désir de ramener tout excès
à l'immobilité d'une eau dormante?
Et la face du miroir, qu'a-t-elle à offrir
sinon son désert,
en l'absence d'une beauté
aux lèvres de corail éclairées par deux yeux où
danse
l'attendrissement des soirs?
Beauté aux seins pour moi dénudés!
Comme ce miroir, la terre un matin
se montrera sans vie.
Et dans les nuits livrées à l'obscurité totale,
à l'heure même du repos, seuls les vents
lanceront leurs abois!
Dieu alors, craignant l'ombre des défunts, tirera la mott à
lui et s'y endormira,
comme on s'enveloppe dans la couverture
épaisse
au long des nuits d'hiver.
Le poète est ainsi à l'heure où jaillit
le poème.
Il ne le voit pas battre son rythme
d'éternité.
Il détruira ce qu'il aura bâti,
il éparpillera
les pierres de son édifice, puis les enfouira
sous la cendre du silence
et du repos.
Lorsque lui viendra une idée nouvelle,
il la tirera vers lui comme un voile où
se perdront
ses yeux.
Si le passé doit faire retour sur nous,
qu'il soit détruit : car les choses
ne croissent et ne lèvent
que sur leurs cendres consumées
jetées à tous les vents
de l'horizon...
Ainsi naît le poème !

Bader Chakir Al-Sayyab
o
17 mars 2010 23:44
DANS LA NUIT

La chambre a sa porte close,
le silence est profond,
les rideaux tirés de ma fenêtre
tombent jusqu'au sol.
Il se peut que la rue
prête l'oreille pour m'écouter,
pour me guetter derrière la fenêtre.
Et mes habits,
tels ceux d'un épouvantail planté en plein
champ
sont noirs.
La porte close leur a donné une âme.
Elle a enfoui en eux des lambeaux
de sentiments;
elle va les réveiller de cette mort
qui les tient,
et les voilà prêts à me chuchoter à l'oreille,
dans le silence profond:
" Il ne reste plus un seul ami,
pour venir te visiter
dans la nuit terne,
et la chambre a sa porte close."
J'ai revêtu mes habits
comme en un rêve
et je me suis faufilé dans la nuit :
viendra certainement à ma rencontre
ma mère
dans cette terre des morts, là-bas,par ses enfants
abandonnée.
Et elle me dira: " Où cours-tu ainsi
en cette nuit aveugle
sans même un ami?
Tu as faim? Veux-tu goûter avec moi
les caroubes du champ des morts?
L'eau, tu l'aspireras à brèves gorgées
du sein de la terre.
Ne vois-tu pas dans quel état sont tes habits? Prends donc
ce bout de drap arraché
à mon linceul!
C'est une étoffe que le temps même
ne saurait user.
C'est `Azrîl, l'Ange de la Mort,
qui l'a tissée,
et viendrait-elle à se fatiguer
qu'il la raccommoderait! Allons, viens-t'en
chez moi dormir:
j'ai préparé une place dans ce lit
profond
pour toi, qui m'es plus cher encore
que le désir,
ce désir que les morts conservent du soleil
et de l'onde paresseuse...
ce désir qui attend l'heure
où le chant du coq viendra sonner
à tous les horizons
au Jour de la Résurrection! "
Alors je m'en irai par les chemins du rêve
alors je marcherai vers l'ultime rencontre
et celle qui viendra
sera encore ma mère!

Bader Chakir Al-Sayyab
o
17 mars 2010 23:51
L’aube

Aube

Viens donc ! Regarde le soleil à son méridien,

et de l’autre côté la nuit foule déjà sous ses pieds

le Maroc.


Dante


I

L’aube

rien qu’une aurore
pour l’apparition de ces dunes
mal arrimées qu’une rétine vague
avance à mon insu
espace d’envol d’ultimes paraboles
esquisse dans les fièvres de soleils rétrécis

c’est surgis d’entre les rêveries que m’émeuvent ici
le feuillage et son écrit
en ornement qui s’exténue
rétention de passereaux
sur les murs du délirium
régions mortes d’autres périphéries

rien qu’une aurore
extension de moi-même au hasard des nues
au paroxysme de la nuit niée
y compris celle dont je m’affranchis
mes phalanges blêmes pour mesurer sa trace
ont capturé des lieux que de jour
le corps hallucine

Mostafa Nissabouri
o
17 mars 2010 23:57
Le monde tel que nous ne connaissons pas


Si j’avais la lampe de notre seigneur Aladin et j’avais invoqué un Djinn je lui demanderais trois vœux

1. le cheval du vent
2. le livre
3. le canon laser

Tu me répliqueras (sûrement !) j’ai compris ton cheval volant et les livres le malheur c’est les canons
Le canon laser
Comme si tu étais l’excellence général Tommy Franks

***

Les oiseaux ne tarderont pas à dormir. Au muraille, une pigeonne s’absentera aussi. L’herbe est devenu bleu. Aux entrelacements de l’horizon, le lac scintille, son eau crépusculaire est au couleur de plomb. Mon jardin s’apprête au sommeil ...les corolles délicates se replient. Les couleurs perdent leurs éclats.Le dernier cri des morillons. Mon miroir est opaque.

***

Jamais!
Mon ami ne m’a dit quelque chose sur le cheval du vent. A-t-il associé les objets aux poètes ? c’est-â-dire à la vanité et à l’idiotie…peut-être. En revanche, je suis au comble de ma raison : le cheval volant =l’ultime échappatoire. Je ne t’ai jamais raconté ce que m’a fait les aéroports des capitales ? Ne t’ai-je jamais dit comment j’étais séquestré pendant des jours comment j’étais soumis à des interrogatoires dans un certain aéroport

***

Vient le soir…
Mais le soir nous surprend ,instantanément, sombre comme s’il était une roche de basalte noire se jetant à notre cou pour nous étrangler et étouffer notre souffle dans un lendemain. Les rêves nous guideront ainsi qu’un chameau. Nous serons des morts ou des bergers…
Dans le désert : les loups tentent les arbres. Peut-être, ils les grimperont. Où est notre salut ? Dans la nuit l’ombre de la nuit.

***

Jamais !
Mon ami n’a songé aux hypothèses du livre. Comme si le fait de citer le livre est le livre ou l’écriture… nous sommes une tribu nous n’avons rien fondé pour que nous soyons .Notre pays s’est érigé sur du sable et des fleurs de ce sable nous sommes venus. Des odeurs nous emporterons loin de nos origines et nous jetterons sur une terre sans terre et nous déroberons nos dernières feuilles vertes.
Pauvres que nous sommes
Sans le livre

***

A l’aube, fou parmi les oiseaux aventurant dans les premiers gazouillements je me suis éveillé ce matin pareil à tous les jours. Les bois étaient dormants, j’aperçois entre les branches du châtaignier les premiers bourgeons enfermés sur leurs secrets. Les pigeons regagneront leurs nids et l’écureuil sursaute du haut d’un grand cerisier. Là-bas, dans l’aéroport militaire atterrit un avion. Est-il venu des environs de Bassora ?
L’olivier a surmonté les épreuves de l’hiver et a argenté ses feuillets. J’ai préparé la table à ceux qui ne méritent pas l’éloge.

***

Et tu me demandera sans doute : et les canons ?
-tu veux dire le canon laser ?
-assurément
-crois les informations ?
Je veux dire penses-tu qu’un homme distrait et tremblant comme moi va porter un canon ?
-mais c’est ce que dit ton poème …
………………………
………………………
………………………

***

Oui !
Et puisque je n’excelle pas le tir, je vais bâtir la rampe de lancement dans les élévations du désert hadramawt
D’où je donnerai les ordres aux djinns. Les champs de bataille (mille parmi tous les cordonnés) le huppe va me les apprendre.
Les feux
(Sorte de rayons bleus)
Tourneront comme les abeilles…
Prenez garde !
Quiconque a caché la vérité sera la cible…
Prenez garde !

Saadi Yousif
o
18 mars 2010 00:00
nvitation aux rêves



Viens pour rêver, le beau jour est là
La tendresse de la nuit et les joues des étoiles
Nous appellent.
Viens pour chasser les visions, compter les files
De la lumière,
Et pour faire les dunes des sables,
Des témoins de notre amour.

*

Nous allons marcher ensembles sur la poitrine de notre île
Éveillé …
Nous allons laisser sur le sable, les traces de nos pas vagabonds
Le jour viendra, et jettera ses moites froides
Et fera paraître où nous rêvé, au moins, une rose.

*

Nous allons rêver que nous sommes allés voir
Les montagnes de la lune
Et nous allons jouer
Dans l’isolement de l’infini vide des hommes.
Loin, loin, jusqu’où personne
Ne pourra venir nous voir.
Car nous serons derrière
L’étendu des pensées

*

Nous allons rêver que nous sommes
Devenus des enfants sur les dunes.
Innocents, nous courons sur les roches
Et guidons les chameaux.
Des vagabonds, sans foyers sauf une hutte d’imagination
Et quand nous dormirons, nous plongerons nos corps
Sur les sables.

*

Nous allons rêver que nous marcherons vers
Le passé, non vers l’avenir.
Et nous avons arrivé à Babylone,
Au lever du soleil très frais
Deux amoureux, nous portons le pacte
De notre amour jusqu’au temple
Et un prêtre dont la main est propre, nous bénit.

Nazik Almalaeka
o
18 mars 2010 00:02
NOTRE CHEMISE RAPEE



Son absence sera longue,
livrée au froid dont la morsure, là-bas, en Oécident,
est de celles que nul ne supporte.
O toi, la mère, rassemble donc toutes les couvertures de selle
que tu pourras trouver
et fais-lui tes adieux, ce gage déposé
entre des bras amis :
offre-lui, oui, ce châle par tes mains tissé
le soir, entre l'attente du retour
du cher petit et le conseil murrnuré
par le chaudron sur le foyer.
Oui, son absence sera longue, et la morsure du froid,
là-bas, est de celles que nul ne supporte...
O toi' la mère, ne sais-tu pas qu'il est pour lui
temps de partir?
Garde-toi d'oublier de joindre à son bagage
ses bas de grosse laine,
toute à la fièvre de l'étreinte...
Allons, sois forte, le cher petit, tu le sais bien,
ne supporte plus les plaintes.

C'est ainsi. Depuis la mort du père, les plaintes
il ne les supporte plus.
L'entrée du port est cette issue
de la maison qui donne sur la rue:
les mouchoirs agités à l'instant de l'adieu
ne dépasseront pas le seuil.
Et toi, la mère, tu chercheras refuge ensuite
dans quelque coin de la maison
et tu verseras tes larmes
de ces larmes qui brûlent.
Mais ta n'iras pas au port car ce n'est point là que guérit la
peine attachée à la séparation.
Nombreux seront là les voisins, les amis,
tous ceux qu'il aime... Laisse-le,
ô toi, la mère, et sache que bientôt, juste à l'heure
de sa dernière foulée sur cette terre aveugle,
le flux de son haleine sera tout entier aspiré
par les deux poumons de son frère.
Oui, de l'un à l'autre le souffle passera
avec cette force que tu sais, que tu espères
oui, cette haleine viendra s`insinuer
au creux des poumons de son frère...

***

Depuis qu'il a dit " Je vais partir ",
tu n'as trouvé de saveur à aucun aliment,
anéantie par la tristesse.
Tu as pleuré au long des nuits,
pleuré en silence,
les yeux grands ouverts sur la fosse
des ténèbres.
O comme ton fier visage a cédé à présent
à la lente approche des rides !
Chaque heure depuis lors te fut
comme une année,
et ton corps fatigué en accuse la trace.

Les ruisseaux de ton coeur, aucune eau vive
ne les vient plus irriguer
et tes lèvres se sont desséchées.
" O Seigneur mien, pour qui l'ai-je donc élevé
au long de ces vingt ans?
Entends-tu, ô Seigneur mien : pour qui,
au long de ces vingt ans? "
Tu n'as jamais compris au nom de quoi Il assène
de tels coups sur nos pauvres murs.
Tu n'as jamais compris au nom de quoi encore
Il jette ces noires clameurs...
O mère, tu le sais, ce serait pour nous un suicide
que de rester sur cette terre !
Les vers rongeurs se sont emparés
de mes livres, et la mort
toujours plane à l'horizon
de mon coeur.
Mère! j'ai passé le plus clair de mon temps
à moudre de l'eau au fond des cafés,
a essuyer les tables de tous les lieux voués
au plaisir des autres.
J'ai été chassé de toutes les portes
l'une après l'autre;
et mes semelles et mes haillons
sont partis en lambeaux.
On m'a injurié, on m'a crié partout que j'étais inutile.
On a fait guerre à mon honneur
et j'ai bu jusqu'à la noire ivresse, soutenu
par les épaules de mes compagnons,
et j'ai pleuré dans ma triste fange,
et j'ai pleuré sur mu honte.
Et au bureau d'embauche on n'avait que ces mots:
Attendre... attendre.. attendre...
Ah, le regard de ce fumeur de cigare écorchant
mon nom du haut de son mépris!...
Mère, je vais partir : tourner en rond me fend la tête.
Oui, je vais partir!

Que la phtisie, que le déluge s'installent ici
et avec eux l'incendie!
Mais cela, non, je ne puis plus
le supporter davantage!

L' Emigré a chargé sur son dos ce qu'il a pu prendre
et il est parti.
Gloire à Celui qui nous accorde d'avoir des enfants
et qui les rappelle à Lui!
Tu as pleuré au long des nuits,
pleuré en silence,
les yeux grands ouverts sur la fosse
des ténèbres.
Tu ne comprenais pas... et ton petit non plus
ne savait pas
que sa chemise râpée, tant qu'elle battrait au vent
de la peine et de la détresse,
avec elle battrait aussi le drapeau du retour.
Alors explique à son frère qu'il n'est pas pire souillure
que d'en être réduit à vendre la terre humide
où gît son père.
Mais dis-lui aussi que la force qui pousse la vie
à sortir de la graine semée
est plus dure que le roc; dis-lui que nos racines
plongent loin dans le sein de cette terre...
et que notre chemise râpée, tant qu'elle battra au vent
de la peine et de la dérresse,
avec elle battra aussi le drapeau du retour,
avec elle battra aussi le drapeau du retour ....

Samih Al-Qassim
o
18 mars 2010 00:06
Mémoires du roi Ajib ibn al-Khassib

1
Je n'ai pas conquis le trône par le tranchant de l'épée
Je l'ai hérité de mon vingt-septième ancêtre (si toutefois
l'adultère ne s'en est pas mêlé
Mais je ressemble au portrait de Cet ancêtre exécuté par son peintre
son peintre qui fut l'amant de la reine)

2

Le palais de mon père est dans la forêt du draqon
Il regorge d'hypocrites, de guerners et de précepteurs
Parmi eux il y a les précepteurs du fidèle Georgias
sodomite chrétien

3

«L'eau du fleuve est-elle tout le fleuve?
E tait-il dans le vrai, Socrate, lorsqu'il a bu le poison
sans faiblir?
Le mort entend-il les prières de ses proches
quand on le met dans la tombe?
La femme est un pièg tendu, n'oublie pas mon conseil
quand tu l'approches

Ne lui fais pas confiance, mêrne quand ses seins et ses cuisses te servent dg couche».

4

Malgré ses consignes, les femmes
concubines de mon père
- lorsque ce dernier devenait fou au cours de la nuit - venaient me rejoindre, me faisaient l'amour
jouaient avec moi

Elles me révélaient les secrets que mon père leur confiait

lorsque son sang bouillonnait, puis se calmait dans la mêrne soif

et qu'il retirait ses habits
Ou lorsque les devins lui prescrivaient des remèdes
et qu'il remerciait son dieu
car son désir avait été couronné
par une pollution bienfaisante
Un soir, la médecine se révéla impuissante
Malqré l'art extraordinaire des devins
mon père est mort
et les larmes coulaient, coulaient sur ses joues
Dans sa main
il tenait
le bout d'une étoffe de soie

5

Le roi conquérant est mort g
Le roi pieux est mort g
s'ègosillèrent les crieurs de notre ville
Les poètes se mirent en rang devant la porte
et les vers tombèrent par mille
pleurant le roi pur jusque dans la mort
et glonfiant les qualités de son successeur
le roi juste
Il y eut une teUe variété de tons g
Voix désemparée:
«Hommages ayant effacé les récentes condoléances»
Voix réjouie
« ? peine l'affligé s'est-il renfrogné qu'il a soung»
Voix allègre:
« Tu es un croissant éclatant aux couleurs des fleurs»
Voix affiigée:
«Ton père, telle la lune, resplendissait dans les cieux»
Voix furieuse:
«Tu es comme le lion des forêts partageant ses soucis»
Voix entrecoupée de larmes
«Le roi défunt était encore un lion»
Voix remplie de joie
«Tu es le nuag dispensant le bien en tout temps»
Voix débordant de tristesse
«Ton père était la lune répandant la prospérité »

Voix ô l'aise jusqu'au moment oû elle en arriva à la rime en «ment» «Longue vie à toi, fils d'une lignée valeureuse
vertueuse, donnant généreusernent
Béni celui qui a grandi... etcg»
(Comme elle est pénible, cette rime
Ce poète ne se taira pas
avant d'avoir épuisé tous les «ment»)

6

Si j'étalais tous mes doutes
vous diriez que je suis fou
«Le roi est fou »
Mais je cherche la certitude
? l'audience du matin, je suis couronne et sceptre
froncement de sourcils et sourire avare
ou plutôt sourire relayé par deux gnmaces
chaque chose en son temps
Mais dans mon alcôve je suis un homme
J'ai si peur quand la nuit montre sa tête
j'ai Si peur du désarroi de mes idées vagabondes
Je te cherche dans tous les replis, ô mon aimée voilée
ô poignée perdue de pureté
Te caches-tu dans le corps ?
Je le tords pour qu'il se dresse
et quand il arrose
il se met à l'écart et ne répond plus
Une heure aprés, la soif le reprend
comme Si tout ce dont il s'était abreuvé
n'était que mirage et écume
Te caches-tu aux confins de la coupe
du haschisch et de l'opium?
Comme dit le poète paria

« S'il n'y avait pas le haschisch et l'habitude de l'o... (il veut dire l'opium)
je serais submergé par le malheur et l'ennui »
J'ai mêlangé tant de coupes avec d'autres coupes
j'ai mis du vert avec du noir avec du feu
j'ai respiré le mélange de condiments
et j'ai plongé dans la mer
lorsque j `ai vu de mes propres yeux
un oiseau avec une tête de sing
Et quand il a voulu prononcer un mot
c'est un broiement qu'il a émis
JI avait une queue d'âne
J'ai n ô me faire mal aux côtes
puis je me suis assoupi
Je me suis vu en réve, conduisant un char
tiré par quatre pouliches
qui me faisaient parcourir des vallées et des déserts Brusquement, elles se transformèrent en chats

qui marchaient à reculons et me regardaient de travers Leurs yeux devinrent étoiles

Comment s'appelle-t-elle, cette étoile... L'étoile Polaire
l'ours polaire blanc
Mes chats se transformèrent en ours

Salah Abdel Sabbour
o
18 mars 2010 00:12
Le métro de Paris


Des fantômes
Comme le nombre
Du sable
Fatigués par le sens
Et le non-sens
Dans la fièvre de la recherche
Et l’étourdissement du refus
Quelques uns d’eux
Descendent ou montent
Du ventre de la terre
En espérant de la résurrection
Quelques uns d’eux :
Celui qui pleure/vacille /rit
Hurle comme un loup
Et cache par son journal
Une figure lasse
En disant au revoir
À la lumière du jour qui passe
Change la mémoire d’hier
Avec une autre
Et parle à un homme inconnu
Dans l’obscurité.
Celui qui délire/pâtir par la faim /prend
Des livres jamais lus.
Celui qui joue de la musique/ mendie
Récite de la poésie et regarde l’infini
Celui qui veut une chose
Qui ne se réalise pas
Et les fantômes terrestres restent
Descendent ou montent
Dans le tunnel noir

Abdelwahab Albayati
o
18 mars 2010 10:25
Les promesses de la tempête

Qu'il en soit ainsi...
Que faire d'autre
sinon réprouver la mort,
consumer les larmes des chansons
en sang et en pleurs
et dénuder l'olivier
de toutes ses fausses branches.

Si je chante la joie
enfouie sous les paupières
des yeux qui ont peur,
c'est que la tempête m'a promis du vin,
de nouveaux verres à trinquer et des arcs-en-ciel.
.
C'est aussi parce que la tempête
a balayé sur les troncs des augustes arbres,
la voix des oiseaux indolents
et les branches mensongères.

Qu'il en soit ainsi...
Que faire d'autre
sinon te magnifier,
Ô plaie de la ville
Ô toile d'éclairs
illuminant nos tristes nuits.
Quand la rue m'agresse,
tu me protèges des ténèbres et des regards hargneux.

Je continuerai de chanter la joie
enfouie sous les paupières des yeux qui ont peur
car le jour où la tempête s'est déchaînée sur mon pays,
elle m'a promis du vin et des arcs-en-ciel.

Mahmoud Darwich
[www.youtube.com]
o
18 mars 2010 11:10
DE L'AMOUR

Alors al-Mitra dit : Parle-nous de l'Amour.
Il leva la tête et regarda la foule sur laquelle un grand silence s'était abattu. D'une voix assurée, il dit:
Quand l'amour vous fait signe, suivez-le,
Bien que ses chemins soient raides et ardus.
Et quand il vous enveloppe de ses ailes, cédez-lui,
Même si l'épée cachée dans ses pennes vous blesse,
Et quand il vous parle, croyez en lui,
Même si sa voix brise vos rêves comme le vent du nord dévastant un jardin.
Car si l'amour vous couronne, il vous crucifie aussi. Et s'il est pour votre croissance, il est aussi pour votre élagage.
De même qu'il s'élève à votre hauteur pour caresser vos plus tendres branches frémissant dans le soleil,
Il descend jusqu'à vos racines et les secoue de leur adhérence à la terre.
Telles des gerbes de blé, il vous ramasse et vous serre contre lui.
Il vous vanne pour vous dénuder.
Il vous tamise pour vous libérer de votre enveloppe.
Il vous pile jusqu'à la blancheur.
Il vous pétrit jusqu'à vous rendre malléables;
Puis il vous assigne à son feu sacré afin que vous deveniez pain sacré au festin sacré de Dieu.
Tout cela, l'amour vous le fait subir afin que vous connaissiez les secrets de votre coeur et, au travers de cette connaissance, deveniez fragment du coeur de la Vie.
Mais si, pusillanimes, vous ne recherchiez que la paix de l'amour et sa volupté,
Mieux vaudrait pour vous couvrir votre nudité et sortir de l'aire de l'amour,
Pour pénétrer dans le monde sans saisons en lequel vous rirez, mais pas de tout votre rire, et pleurerez, mais pas de toutes vos larmes.
L'amour ne donne que de lui même et ne prend que de lui-même.
L'amour ne possède pas et ne saurait être possédé.
Car l'amour suffit à l'amour.
Lorsque vous aimez, vous ne devriez pas dire : "Dieu est dans mon coeur", mais plutôt : "Je suis dans le coeur de Dieu."
Et ne croyez pas qu'il vous appartienne de diriger le cours de l'amour, car c'est l'amour, s'il vous en juge dignes, qui dirigera le vôtre.
L'amour n'a d'autre désir que de s'accomplir.
Mais si vous aimez et ne pouvez échapper aux désirs, qu'ils soient ceux-ci:
Vous dissoudre et être comme l'eau vive d'un ruisseau chantant sa melopée à la nuit,
Connaître la douleur d'une tendresse excessive,
Recevoir la blessure de votre conception de l'amour,
Perdre votre sang volontiers et avec joie,
Vous réveiller aux aurores, le coeur ailé, et rendre grâces pour une nouvelle journée d'amour,
Vous reposer à l'heure du méridien et méditer l'extase de l'amour,
Revenir à votre foyer le soir, avec gratitude,
Puis vous endormir avec au coeur une prière pour l'être aimé et sur vos lèvres un chant de louange.


DU MARIAGE

Al-Mitra reprit la parole. Elle demanda : Maître, que dire du Mariage?
Il répondit:
Ensemble êtes-vous nés et ensemble resterez-vous pour toujours.
Quand les blanches ailes de la mort éparpilleront vos jours, vous serez ensemble.
Oui, vous serez ensemble dans la mémoire silencieuse de Dieu.
Mais qu'il y ait des espaces dans votre entente.
Que les vents des cieux puissent danser entre vous.
Aimez-vous, l'un l'autre, mais ne faites pas de l'amour un carcan:
Qu'il soit plutôt mer mouvante entre les rives de vos âmes.
Remplissez, chacun, la coupe de l'autre, mais ne buvez pas à la même.
Donnez-vous l'un à l'autre de votre pain, mais ne partagez pas le même morceau.
Chantez et dansez ensemble, et soyez joyeux, mais que chacun demeure isolé,
Comme sont isolées les cordes du luth, bien que frémissantes de la même musique.
Donnez vos coeurs, mais pas à la garde de l'autre,
Car vos coeurs, seule la main de Dieu peut les contenir.
Et dressez-vous ensemble, mais pas trop près l'un de l'autre:
Car les piliers du temple se dressent séparément,
Et le chêne et le cyprès ne peuvent croître dans leur ombre mutuelle.

DES ENFANTS

Et une femme qui portait un enfant dans les bras dit:
Parlez-nous des Enfants.
Et il dit : Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même,
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter,
pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d'être comme eux,
mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s'attarde avec hier. Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L'Archer voit le but sur le chemin de l'infini, et Il vous tend de Sa puissance
pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
Que votre tension par la main de l'Archer soit pour la joie;
Car de même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime l'arc qui est stable.

Khalil Gibran
[www.youtube.com]
o
18 mars 2010 11:51
DE LA VIE

La Vie est comme une île perdue dans l'océan de la solitude, une île dont les rochers seraient nos espérances, et les arbres nos rêves, dont les fleurs seraient notre solitude et les ruisseaux nos aspirations.

3Votre Vie, ami, est une île séparée de toutes les autres îles et régions. 3 Quel que soit le nombre de bateaux qui quittent vos rivages pour d'autres pays, quel que soit le nombre de flottes qui y accostent, 3vous serez à jamais une île séparée, souffrant les affres de la solitude et aspirant au bonheur. 3 Les autres hommes ne vous connaissent point et ils sont loin de compatir à votre solitude ou de vous comprendre.

Je t'ai aperçu mon frère quand, assis sur ton monticule d'or, tu te réjouissais de tes richesses.

Tu étais fier de tes trésors et ancré dans la conviction que chaque poignée d'or amassée tisserait un lien invisible entre les désirs et les pensées d'autrui et les tiens propres.

Dans mon imagination tu apparaissais en grand conquérant, conduisant ses troupes à l'assaut des forteresses de l'ennemi.

Mais quand à nouveau je regardai, je ne vis plus qu'un coeur solitaire se languissant derrière ses coffres d'or, qu'un oiseau affamé dans une cage dorée à la mangeoire vide.

Mon frère, je t'ai vu alors que tu étais assis sur le trône de la gloire.

Tout autour, le peuple t'acclamait comme sa majesté.

Il chantait les louanges de tes actes et magnifiait ta sagesse.

Les yeux étaient fixés sur toi comme sur un prophète et les chants des esprits réjouis montaient jusqu'à la voûte céleste.

Lorsque tu regardais tes sujets, je distinguais dans ton regard les signes du bonheur, de la puissance et du triomphe, tu paraissais être l'âme de leur corps.

Mais, quand à nouveau je regardai, tu étais seul dans ta solitude.

Debout près de ton trône, tu te tournais dans toutes les directions, les bras tendus, comme un exilé qui demanderait grâce et miséricorde à d'invisibles fantômes ou qui mendierait un abri, ne serait-ce que celui pouvant offrir chaleur et amitié.

Mon frère, je t'ai vu aimer une femme merveilleusement belle et poser ton coeur sur l'autel de sa beauté.

Quand je la vis te regarder, les yeux empreints de tendresse et d'amour maternel, je me dis: « Puisse vivre longtemps l'amour qui a chassé la solitude du coeur de cet homme et l'a uni à un autre coeur. »

Hélas, quand à nouveau je regardai, dans ton coeur aimant la solitude était enclose !

Il révélait tout haut ses secrets à la femme aimée, en vain.

Car, derrière ton âme pleine d'amour, je distinguai une autre âme solitaire.

Elle ressemblait à un nuage errant que tu eusses voulu transformer en larmes coulant dans les yeux de ta bien-aimée...

Mon frère, ta vie est comme une maison isolée, loin de toute demeure humaine.

Une maison où aucun regard étranger ne peut pénétrer.

Si elle était privée de lumière, la lampe e ton voisin ne pourrait l'éclairer.

Si elle était sans vivres, les garde-manger de tes voisins ne pourraient lui en procurer.

Si elle s'élevait dans le désert, tu ne pourrais la transporter dans le jardin d'autres hommes, labouré et cultivé par d'autres mains.

Si elle était construite au sommet d'une montagne, tu ne pourrais la descendre dans la vallée, parcourue par le pas d'autres hommes.

Mon frère, la vie de l'esprit s'écoule dans la solitude, et n'y aurait-il cette solitude et cet isolement, tu ne serais point ce que tu es, ni moi ce que je suis.

Sans cet isolement et cette solitude, j'arriverais à croire en entendant ta voix que c'est ma voix qui parle, ou en voyant ton visage que c'est le reflet de moi-même dans un miroir.

Khalil Gibran



Modifié 1 fois. Dernière modification le 18/03/10 11:53 par oryct2010.
o
18 mars 2010 11:52
DE LA LIBERTÉ

Vous serez vraiment libres non pas lorsque vos jours seront sans soucis et vos nuits sans désir ni peine,

Mais plutôt lorsque votre vie sera enrobée de toutes ces choses

et que vous vous élèverez au-dessus d'elles, nus et sans entraves.

Et comment vous élèverez-vous au-dessus de vos jours et de vos nuits sinon en brisant les chaînes qu'à l'aube de votre intelligence vous avez nouées autour de votre heure de midi ?

En vérité, ce que vous appelez liberté est la plus solide de ces chaînes, même si ses maillons brillent au soleil et vous aveuglent.

Et qu'est-ce sinon des fragments de votre propre moi que vous voudriez écarter pour devenir libres ?

Si c'est une loi injuste que vous voulez abolir, cette loi a été écrite de votre propre main sur votre propre front.

Vous ne pourrez pas l'effacer en brûlant vos livres de lois ni en lavant les fronts de vos juges, quand bien même vous y déverseriez la mer.

Et si c'est un despote que vous voulez détrôner, veillez d'abord à ce que son trône érigé en vous soit détruit.

Car comment le tyran pourrait-il dominer l'homme libre et fier si dans sa liberté ne se trouvait une tyrannie et dans sa fierté, un déshonneur ?

Et si c'est une inquiétude dont vous voulez vous délivrer, cette inquiétude a été choisie par vous plutôt qu'imposée à vous.

Et si c'est une crainte que vous voulez dissiper, le siège de cette crainte est dans votre coeur, et non pas dans la main que vous craignez.

En vérité, toutes ces choses se meuvent en votre être dans une perpétuelle et demi-étreinte, ce que vous craignez et ce que vous désirez, ce qui vous répugne et ce que vous aimez, ce que vous recherchez et ce que vous voudriez fuir.

Ces choses se meuvent en vous comme des lumières et des ombres attachées deux à deux.

Et quand une ombre faiblit et disparaît, la lumière qui subsiste devient l'ombre d'une autre lumière.

Ainsi en est-il de votre liberté qui, quand elle perd ses chaînes, devient elle-même les chaînes d'une liberté plus grande encore.

Khalil Gibran
o
18 mars 2010 11:54
DE L'AMITIÉ

Et un jeune dit, Parle-nous de l'Amitié.
Et il répondit, disant:
Votre ami est votre besoin qui a trouvé une réponse.
Il est le champ que vous semez avec amour et moissonnez avec reconnaissance.
Il est votre table et votre foyer.
Car vous venez à lui avec votre faim, et vous cherchez en lui la paix.
Lorsque votre ami parle de ses pensées vous ne craignez
pas le "non" de votre esprit, ni ne refusez le "oui".
Et quand il est silencieux votre coeur ne cesse d'écouter son coeur;
Car en amitié, toutes les pensées, tous les désirs, toutes les attentes naissent et sont partagés sans mots, dans une joie muette.
Quand vous vous séparez de votre ami, ne vous désolez pas ;
Car ce que vous aimez en lui peut être plus clair en son absence, comme la montagne pour le randonneur est plus visible vue de la plaine.
Et qu'il n'y ait d'autre intention dans l'amitié que l'approfondissement de l'esprit.
Car l'amour qui cherche autre chose que la révélation de son propre mystère n'est pas l'amour, mais un filet jeté au loin : et ce que vous prenez est vain.
Et donnez à votre ami le meilleur de vous-même.
Et s'il doit connaître le reflux de votre marée, laissez le connaître aussi son flux.
Car qu'est-ce que votre ami si vous venez le voir avec pour tout présent des heures à tuer ?
Venez toujours le voir avec des heures à faire vivre.
Car il est là pour remplir vos besoins, et non votre néant.
Et dans la tendresse de l'amitié qu'il y ait le rire et le partage des plaisirs.
Car dans la rosée de menues choses le cœur trouve son matin et sa fraîcheur.

Khalil Gibran
N
19 mars 2010 15:38
Apollinaire - Le bestiaire ou Cortège d'Orphée (1911)



Orphée

Admirez le pouvoir insigne
Et la noblesse de la ligne :
Elle est la voix que la lumière fit entendre
Et dont parle Hermès Trismégiste en son Pimandre.

La tortue

Du Thrace magique, ô délire !
Mes doigts sûrs font sonner la lyre.
Les animaux passent aux sons
De ma tortue, de mes chansons.

Le cheval

Mes durs rêves formels sauront te chevaucher,
Mon destin au char d'or sera ton beau cocher
Qui pour rênes tiendra tendus à frénésie,
Mes vers, les parangons de toute poésie.

La chèvre du Thibet

Les poils de cette chèvre et même
Ceux d'or pour qui prit tant de peine
Jason, ne valent rien au prix
Des cheveux dont je suis épris.

Le serpent

Tu t'acharnes sur la beauté.
Et quelles femmes ont été
Victimes de ta cruauté !
Eve, Eurydice, Cléopâtre ;
J'en connais encor trois ou quatre.

(mon passage prefere)

Le chat

Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre.

Le lion

O lion, malheureuse image
Des rois chus lamentablement,
Tu ne sais maintenant qu'en cage
A Hambourg, chez les Allemands.

Le lièvre

Ne soit pas lascif et peureux
Comme le lièvre et l'amoureux.
Mais que toujours ton cerveau soit
La hase pleine qui conçoit.

Le lapin

Je connais un autre connin
Que tout vivant je voudrais prendre.
Sa garenne est parmi le thym
Des vallons du pays de Tendre.

Le dromadaire

Avec ses quatre dromadaires
Don Pedro d'Alfaroubeira
Courut le monde et l'admira.
Il fit ce que je voudrais faire
Si j'avais quatre dromadaires.

La souris

Belles journées, souris du temps,
Vous rongez peu à peu ma vie.
Dieu ! Je vais avoir vingt-huit ans,
Et mal vécus, à mon envie.

(j'adore ce passage aussi)

L'éléphant

Comme un éléphant son ivoire,
J'ai en bouche un bien précieux.
Pourpre mort !.. J'achète ma gloire
Au prix des mots mélodieux.

Orphée

Regardez cette troupe infecte
Aux mille pattes, au cent yeux :
Rotifères, cirons, insectes
Et microbes plus merveilleux
Que les sept merveilles du monde
Et le palais de Rosemonde !

La chenille

Le travail mène à la richesse.
Pauvres poètes, travaillons !
La chenille en peinant sans cesse
Devient le riche papillon.

La mouche

Nos mouches savent des chansons
Que leur apprirent en Norvège
Les mouches ganiques qui sont
Les divinités de la neige.

La puce

Puces, amis, amantes même,
Qu'ils sont cruels ceux qui nous aiment !
Tout notre sang coule pour eux.
Les bien-aimés sont malheureux.

La sauterelle

Voici la fine sauterelle,
La nourriture de saint Jean.
Puissent mes vers être comme elle,
Le régal des meilleures gens.

Orphée

Que ton coeur soit l'appât et le ciel, la piscine !
Car, pêcheur, quel poisson d'eau douce ou bien marine
Egale-t-il, et par la forme et la saveur,
Ce beau poisson divin qu'est JESUS, Mon sauveur ?

Le dauphin

Dauphins, vous jouez dans la mer,
Mais le flot est toujours amer.
Parfois, ma joie éclate-t-elle ?
La vie est encore cruelle.

In love

Le poulpe

Jetant son encre vers les cieux,
Suçant le sang de ce qu'il aime
Et le trouvant délicieux,
Ce monstre inhumain, c'est moi-même.

La méduse

Méduses, malheureuses têtes
Aux chevelures violettes
Vous vous plaisez dans les tempêtes,
Et je m'y plais comme vous faites.

L'écrevisse

Incertitude, ô mes délices
Vous et moi nous nous en allons
Comme s'en vont les écrevisses,
A reculons, à reculons.

La carpe

Dans vos viviers, dans vos étangs,
Carpes, que vous vivez longtemps !
Est-ce que la mort vous oublie,
Poissons de la mélancolie.

Orphée

La femelle de l'alcyon,
L'Amour, les volantes Sirènes,
Savent de mortelles chansons
Dangereuses et inhumaines.
N'oyez pas ces oiseaux maudits,
Mais les Anges du paradis.

Les sirènes

Saché-je d'où provient, Sirènes, votre ennui
Quand vous vous lamentez, au large, dans la nuit ?
Mer, je suis comme toi, plein de voix machinées
Et mes vaisseaux chantants se nomment les années.

La colombe

Colombe, l'amour et l'esprit
Qui engendrâtes Jésus-Christ,
Comme vous j'aime une Marie.
Qu'avec elle je me marie.

Le paon

En faisant la roue, cet oiseau,
Dont le pennage traîne à terre,
Apparaît encore plus beau,
Mais se découvre le derrière.

Le hibou

Mon pauvre coeur est un hibou
Qu'on cloue, qu'on décloue, qu'on recloue.
De sang, d'ardeur, il est à bout.
Tous ceux qui m'aiment, je les loue.

Ibis

Oui, j'irai dans l'ombre terreuse
O mort certaine, ainsi soit-il !
Latin mortel, parole affreuse,
Ibis, oiseau des bords du Nil.

Le boeuf

Ce chérubin dit la louange
Du paradis, où, près des anges,
Nous revivrons, mes chers amis,
Quand le bon Dieu l'aura permis.
♪ ♥ ♫ ♪ ♥ ♫ ♪ ♥ ♫ ♪ ♥ ♫
o
20 mars 2010 19:15
DE TOUS LES ASTRES

De tous les astres le plus beau
Vesper, ramenant tout ce qui avait dispersé
l'Aurore lumineuse
Tu amènes la brebis, tu amènes la chèvre
mais tu emmènes loin de sa mère l'enfant!

Sappho de Mytilène

[www.youtube.com]



Modifié 1 fois. Dernière modification le 20/03/10 19:16 par oryct2010.
o
21 mars 2010 00:01
J'ÉCRIS MES VERS AVEC DE L'AIR

J'écris mes vers avec de l'air
et on les aime
J'ai servi la beauté
Était-il en effet pour moi
quelque chose de plus grand?
Même dans l'avenir
je le dis
on gardera de moi le souvenir

Sappho de Mytilène

[www.youtube.com]
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21 mars 2010 00:42
J'AI VU CUEILLANT DES FLEURS

J'ai vu cueillant des fleurs
une enfant joyeuse
au corps tendre

Une fille à la voix douce
plus doucement chantant qu'une harpe
et plus que l'or
dorée

plus blanche que le lait
plus souple que l'eau
plus harmonieuse que les harpes
plus fière qu'une cavale
plus délicate que les roses
plus douce qu'un moelleux manteau
plus précieuse que l'or

Sappho de Mytilène
o
21 mars 2010 00:48
DE NOUVEAU L'AMOUR

Eros encore, le délieur de membres,
me secoue, doux-amer invincible animal.
Atthis, il t'est devenu odieux de penser
à moi, et vers Andromède tu voles

Eros qui donne la douleur
Eros qui tisse les mensonges
Eros a encore ébranlé mon cœur
comme un vent de montagnes s'abattant
sur les chênes

Sappho de Mytilène
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