Désert ! J'ai vu le jour il y a mille ans. Ils ont ouvert la porte de ma cellule et je me suis écroulé sur le jour. Ma foulée est courte, blanches blanches sont les distances et la porte est un fleuve. Pourquoi élève-t-on les prisons au bord du fleuve dans un pays qui se languit de l'eau ? Ils ont ouvert la porte de ma cellule et je suis sorti. J'ai trouvé un chemin et je l'ai pris. Où aller ?
J'ai commencé par dire : J'enseignerai la marche à ma liberté. Elle s'est penchée vers moi, je me suis adossé à elle et je l'ai étayée. Nous sommes alors tombés sur le vieux marchand d'oranges, je me suis relevé et j'ai entassé ma liberté sur mon dos, ainsi que l'on charge les pays sur les chameaux ou les camions, et j'ai marché.
Sur la place des orangers, la fatigue m'a gagné et j'ai crié : Hé la police militaire ! Je n'arrive pas à partir pour Cordoue. Et au seuil d'une porte, je me suis courbé, J'ai déposé ma liberté comme un sac de charbon et j'ai couru vers le souterrain. Le souterrain ressemble-t-il à ma mère et à la tienne ? Désert Désert.
Quelle heure est-il ? Pas le temps pour le souterrain. Quelle heure est-il ? Pas le temps... Sur la place des orangers, les marchandes de vieilles épées font foi à nos propos, et ceux qui partent à leur journée entendent le chant et ne mentent pas au pain, désert au cœur, Déchire les veines de mon vieux cœur avec la chanson des gitans en route pour l'Andalousie. Chante ma séparation du sable et des poètes anciens et d'arbres qui n'étaient pas femme. Mais ne meurs pas maintenant, je t'en conjure !
Ne te brise pas comme les miroirs, ne t'éclipse pas comme la patrie Et ne répands pas comme les toits et les vallées. Tu pourrais, comme moi, leur servir de martyr.
Ils pourraient deviner les liens entre la colombe et les souterrains. Pressentir que les oiseaux sont, sur terre, le prolongement du matin, Et le fleuve, l'épingle à cheveux d'une dame qui se suicide. Et attends-moi attends-moi, que j'entende la voix de mon sang Traversant la rue véhémente. - Je m'en sortais ... - Mais tu n'étais pas victorieux ! - Et je m'en irai. -Où l'ami ? - Où les colombes se sont envolées, où les blés les ont acclamées Pour étayer cet espace avec un épi qui attend. En mon nom, poursuis ton chant Et ne pleure pas, l'ami, un air perdu dans les souterrains.
Comme je descendais des Fleuves impassibles, Je ne me sentis plus guidé par les haleurs : Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles, Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J'étais insoucieux de tous les équipages, Porteur de blés flamands ou de cotons anglais. Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages, Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.
Dans les clapotements furieux des marées, Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants, Je courus ! Et les Péninsules démarrées N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
La tempête a béni mes éveils maritimes. Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes, Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !
Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres, L'eau verte pénétra ma coque de sapin Et des taches de vins bleus et des vomissures Me lava, dispersant gouvernail et grappin.
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème De la Mer, infusé d'astres, et lactescent, Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;
Où, teignant tout à coup les bleuités, délires Et rhythmes lents sous les rutilements du jour, Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres, Fermentent les rousseurs amères de l'amour !
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes Et les ressacs et les courants : je sais le soir, L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes, Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !
J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques, Illuminant de longs figements violets, Pareils à des acteurs de drames très antiques Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !
J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies, Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs, La circulation des sèves inouïes, Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !
J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries Hystériques, la houle à l'assaut des récifs, Sans songer que les pieds lumineux des Maries Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !
J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !
J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan ! Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces, Et les lointains vers les gouffres cataractant !
Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises ! Échouages hideux au fond des golfes bruns Où les serpents géants dévorés des punaises Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !
J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants. - Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.
Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...
Presque île, ballottant sur mes bords les querelles Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds. Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles Des noyés descendaient dormir, à reculons !
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses, Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau, Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ; ...
... Libre, fumant, monté de brumes violettes, Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur Qui porte, confiture exquise aux bons poètes, Des lichens de soleil et des morves d'azur ;
Qui courais, taché de lunules électriques, Planche folle, escorté des hippocampes noirs, Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais, Fileur éternel des immobilités bleues, Je regrette l'Europe aux anciens parapets !
J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : - Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles, Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?
Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer : L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes. Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !
Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache Noire et froide où vers le crépuscule embaumé Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche Un bateau frêle comme un papillon de mai.
Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames, Enlever leur sillage aux porteurs de cotons, Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes, Ni nager sous les yeux horribles des pontons.
Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche Est large à faire envie à la plus belle blanche; A l'artiste pensif ton corps est doux et cher; Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair. Aux pays chauds et bleus où ton Dieu t'a fait naître, Ta tâche est d'allumer la pipe de ton maître, De pourvoir les flacons d'eaux fraîches et d'odeurs, De chasser loin du lit les moustiques rôdeurs, Et, dès que le matin fait chanter les platanes, D'acheter au bazar ananas et bananes. Tout le jour, où tu veux, tu mènes tes pieds nus, Et fredonnes tout bas de vieux airs inconnus; Et quand descend le soir au manteau d'écarlate, Tu poses doucement ton corps sur une natte, Où tes rêves flottants sont pleins de colibris, Et toujours, comme toi, gracieux et fleuris.
Pourquoi, l'heureuse enfant, veux-tu voir notre France, Ce pays trop peuplé que fauche la souffrance, Et, confiant ta vie aux bras forts des marins, Faire de grands adieux à tes chers tamarins? Toi, vêtue à moitié de mousselines frêles, Frissonnante là-bas sous la neige et les grêles, Comme tu pleurerais tes loisirs doux et francs, Si, le corset brutal emprisonnant tes flancs, Il te fallait glaner ton souper dans nos fanges Et vendre le parfum de tes charmes étranges, L'oeil pensif, et suivant, dans nos sales brouillards, Des cocotiers absents les fantômes épars!
Hier est passé, n’y pensons plus Demain n’est pas là, n’y pensons plus Pensons aux doux moments de la vie Ce qui n’est plus, n’y pensons plus
Ce vase était le pauvre amant d’une bien-aimée Il fut piégé par les cheveux d’une bien-aimée L’anse que tu vois, au cou de ce vase Fut le bras autour du cou d’une bien-aimée!
Chagrin et désespoir (VIII)
En ce monde, contente-toi d'avoir peu d'amis. Ne cherche pas à rendre durable la sympathie que tu peux éprouver pour quelqu'un. Avant de prendre la main d'un homme, demande-toi si elle ne te frappera pas, un jour. (CXX)
Tu peux sonder la nuit qui nous entoure. Tu peux foncer sur cette nuit... Tu n'en sortiras pas. Adam et Ève, qu'il a dû être atroce, votre premier baiser, puisque vous nous avez créés désespérés ! Lucidité et scepticisme (CXLI)
Contente-toi de savoir que tout est mystère : la création du monde et la tienne, la destinée du monde et la tienne. Souris à ces mystères comme à un danger que tu mépriserais. Ne crois pas que tu sauras quelque chose quand tu auras franchi la porte de la Mort. Paix à l'homme dans le noir silence de l'Au-Delà ! Sagesse et épicurisme (XXV)
Au printemps, je vais quelquefois m'asseoir à la lisière d'un champ fleuri. Lorsqu'une belle jeune fille m'apporte une coupe de vin, je ne pense guère à mon salut. Si j'avais cette préoccupation, je vaudrais moins qu'un chien. (CLXX)
Luths, parfums et coupes, lèvres, chevelures et longs yeux, jouets que le Temps détruit, jouets ! Austérité, solitude et labeur, méditation, prière et renoncement, cendres que le Temps écrase, cendres !
CI Que sont devenus tous nos amis ? La Mort les a-t-elle renversés et piétinés ? Que sont devenus tous nos amis ? J'entends encore leurs chansons dans la taverne... Sont-ils morts, ou sont-ils ivres d'avoir vécu?
CII Quand je ne serai plus, Il n'y aura plus de roses, de cyprès, de lèvres rouges et de vin parfumé. Il n'y aura plus d'aubes et de crépuscules, de joies et de peines. L'univers n'existera plus, puisque sa réalité dépend de notre pensée.
CIII Voici la seule vérité. Nous sommes les pions de la mystérieuse partie d'échecs jouée par Allah. Il nous déplace, nous arrête, nous pousse encore, Puis nous lance, un à un, dans la boîte du néant.
CIV La voûte du ciel ressemble à une tasse renversée Sous laquelle errent en vain les sages. Que ton amour pour ta bien-aimée soit pareil à celui de l'urne pour la coupe. Vois... Lèvre à lèvre, elles se donnent leur sang.
CV Les savants ne t'apprendront rien, Mais la caresse des longs cils d'une femme te révélera le bonheur. N'oublie pas que tes jours sont comptés et que tu seras bientôt la proie de la terre. Achète du vin, emporte-le à l'écart, puis laisse-le te consoler.
CVI Il te versera sa chaleur. Il te délivrera des neiges du passé et des brumes de l'avenir. Il t'inondera de lumière. Il brisera tes chaînes de prisonnier.
CVII Autrefois, quand je fréquentais les mosquées, Je n'y prononçais aucune prière, mais j'en revenais riche d'espoir. Je vais toujours m'asseoir dans les mosquées, Où l'ombre est propice au sommeil.
CVIII Sur la Terre, bariolée, chemine quelqu'un qui n'est ni musulman, ni infidèle, ni riche, ni pauvre. Il ne révère ni Allah, ni les lois. Il ne croit pas à la vérité. Il n'affirme jamais rien. Sur la Terre bariolée, quel est cet homme brave et triste?
CIX Avant de pouvoir caresser un visage pareil à une rose, Que d'épines tu as à retirer de ta chair! Vois ce peigne. C'était un morceau de bois. Quand on l'a découpé, quel supplice il a subi ! Mais, il a plongé dans la chevelure parfumée d'un adolescent.
CX Quand la brise du matin entr'ouvre les roses Et leur chuchote que les violettes ont déjà déplié leurs robes, Seul est digne de vivre celui qui regarde dormir une souple jeune, Elle saisit sa coupe, la vide, puis la jette.
A sudden blow: the great wings beating still Above the staggering girl, her thighs caressed By the dark webs, her nape caught in his bill, He holds her helpless breast upon his breast.
How can those terrified vague fingers push The feathered glory from her loosening thighs? And how can body, laid in that white rush, But feel the strange heart beating where it lies?
A shudder in the loins engenders there The broken wall, the burning roof and tower And Agamemnon dead.
Being so caught up,
So mastered by the brute blood of the air, Did she put on his knowledge with his power Before the indifferent beak could let her drop?
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desolee pour les non-anglophones, je n'ai pas trouve de traduction ...
THE PITY OF LOVE A pity beyond all telling Is hid in the heart of love: The folk who are buying and selling, The clouds on their journey above, The cold wet winds ever blowing, And the shadowy hazel grove Where moves-grey waters are flowing, Threaten the head that I love.
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LA DOULEUR D’AIMER Une douleur au-delà des mots Se cache dans le coeur d’amour : Les peuples qui vendent et achètent Les nuages de leurs voyages passés, Les vents froids et humides qui toujours ont soufflé, Et l’ombrageuse coudraie Où s’écoulent les eaux opaques, Ils menacent l’être que j’aime.
Sans pareille pour les outrages et pour le corps, Là, sur ce rocher rude, l'Andromède du Temps, Eperdue, entre les deux cornes du bord, Se voit fleur, pré d'être, proie du dragon dément.
Elle, déjà si atteinte et abreuvée De heurts, d'horreurs, entend faire route A l'ouest une bête plus bruyante que toutes, Plus florissante, plus cruelle, plus dépravée.
Et son Persée l'ambine et l'abandonne ? -- Il foule un peu l'air duveteux, puis l'environne De ses pensées, -- est-il trop tard ? --,
Pendant que la patience, en miettes navrées, Monte d'elle ; et la libère, on croit rêver, Avec l'Arsenal de Méduse -- dents, lacs, dards.
En hommage à Jean Ferrat qui vient de nous quitter. Il avait mis en musique quelques beaux poèmes d'Aragon.
UN JOUR UN JOUR
Tout ce que l'homme fut de grand et de sublime Sa protestation ses chants et ses héros Au-dessus de ce corps et contre ses bourreaux A Grenade aujourd'hui surgit devant le crime
Et cette bouche absente et Lorca qui s'est tu Emplissant tout à coup l'univers de silence Contre les violents tourne la violence Dieu le fracas que fait un poète qu'on tue
Un jour pourtant, un jour viendra couleur d'orange Un jour de palme, un jour de feuillages au front Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche
Ah je désespérais de mes frères sauvages Je voyais, je voyais l'avenir à genoux La Bête triomphante et la pierre sur nous Et le feu des soldats porte sur nos rivages
Quoi toujours ce serait par atroce marché Un partage incessant que se font de la terre Entre eux ces assassins que craignent les panthères Et dont tremble un poignard quand leur main l'a touché
Un jour pourtant, un jour viendra couleur d'orange Un jour de palme, un jour de feuillages au front Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche
Quoi toujours ce serait la guerre, la querelle Des manières de rois et des fronts prosternés Et l'enfant de la femme inutilement né Les blés déchiquetés toujours des sauterelles
Quoi les bagnes toujours et la chair sous la roue Le massacre toujours justifie d'idoles Aux cadavres jetés ce manteau de paroles Le bâillon pour la bouche et pour la main le clou
Un jour pourtant, un jour viendra couleur d'orange Un jour de palme, un jour de feuillages au front Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche
Rien n'est précaire comme vivre Rien comme être n'est passager C'est un peu fondre comme le givre Et pour le vent être léger J'arrive où je suis étranger
Un jour tu passes la frontière D'où viens-tu mais où vas-tu donc Demain qu'importe et qu'importe hier Le coeur change avec le chardon Tout est sans rime ni pardon
Passe ton doigt là sur ta tempe Touche l'enfance de tes yeux Mieux vaut laisser basses les lampes La nuit plus longtemps nous va mieux C'est le grand jour qui se fait vieux
Les arbres sont beaux en automne Mais l'enfant qu'est-il devenu Je me regarde et je m'étonne De ce voyageur inconnu De son visage et ses pieds nus
Peu à peu tu te fais silence Mais pas assez vite pourtant Pour ne sentir ta dissemblance Et sur le toi-même d'antan Tomber la poussière du temps
C'est long vieillir au bout du compte Le sable en fuit entre nos doigts C'est comme une eau froide qui monte C'est comme une honte qui croît Un cuir à crier qu'on corroie
C'est long d'être un homme une chose C'est long de renoncer à tout Et sens-tu les métamorphoses Qui se font au-dedans de nous Lentement plier nos genoux
O mer amère, ô mer profonde Quelle est l'heure de tes marées Combien faut-il d'années-secondes A l'homme pour l'homme abjurer Pourquoi pourquoi ces simagrées
Rien n'est précaire comme vivre Rien comme être n'est passager C'est un peu fondre comme le givre Et pour le vent être léger J'arrive où je suis étranger
Le poète a toujours raison Qui voit plus haut que l'horizon Et le futur est son royaume Face à notre génération Je déclare avec Aragon La femme est l'avenir de l'homme
Entre l'ancien et le nouveau Votre lutte à tous les niveaux De la nôtre est indivisible Dans les hommes qui font les lois Si les uns chantent par ma voix D'autres décrètent par la bible
Le poète a toujours raison Qui détruit l'ancienne oraison L'image d'Eve et de la pomme Face aux vieilles malédictions Je déclare avec Aragon La femme est l'avenir de l'homme
Pour accoucher sans la souffrance Pour le contrôle des naissances Il a fallu des millénaires Si nous sortons du moyen âge Vos siècles d'infini servage Pèsent encore lourd sur la terre
Le poète a toujours raison Qui annonce la floraison D'autres amours en son royaume Remet à l'endroit la chanson Et déclare avec Aragon La femme est l'avenir de l'homme
Il faudra réapprendre à vivre Ensemble écrire un nouveau livre Redécouvrir tous les possibles Chaque chose enfin partagée Tout dans le couple va changer D'une manière irréversible
Le poète a toujours raison Qui voit plus haut que l'horizon Et le futur est son royaume Face aux autres générations Je déclare avec Aragon La femme est l'avenir de l'homme
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant Que cette heure arrêtée au cadran de la montre Que serais-je sans toi que ce balbutiement
J'ai tout appris de toi sur les choses humaines Et j'ai vu désormais le monde à ta façon J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines Comme au passant qui chante on reprend sa chanson J'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant Que cette heure arrêtée au cadran de la montre Que serais-je sans toi que ce balbutiement
J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne Qu'il fait jour à midi qu'un ciel peut être bleu Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne Tu m'as pris par la main dans cet enfer moderne Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux Tu m'as pris par la main comme un amant heureux
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant Que cette heure arrêtée au cadran de la montre Que serais-je sans toi que ce balbutiement
Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes N'est-ce pas un sanglot de la déconvenue Une corde brisée aux doigts du guitariste Et pourtant je vous dis que le bonheur existe Ailleurs que dans le rêve ailleurs que dans les nues Terre terre voici ses rades inconnues
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant Que cette heure arrêtée au cadran de la montre Que serais-je sans toi que ce balbutiement
M'en voudrez vous beaucoup si je vous dis un monde Qui chante au fond de moi au bruit de l'océan M'en voudrez vous beaucoup si la révolte gronde Dans ce nom que je dis au vent des quatre vents
Ma mémoire chante en sourdine Potemkine
Ils étaient des marins durs à la discipline Ils étaient des marins, ils étaient des guerriers Et le coeur d'un marin au grand vent se burine Ils étaient des marins sur un grand cuirassé
Sur les flots je t'imagine Potemkine
M'en voudrez vous beaucoup si je vous dis un monde Où celui qui a faim va être fusillé Le crime se prépare et la mer est profonde Que face aux révoltés montent les fusiliers
C'est mon frère qu'on assassine Potemkine
Mon frère, mon ami, mon fils, mon camarade Tu ne tireras pas sur qui souffre et se plaint Mon frère, mon ami, je te fais notre alcade Marin ne tire pas sur un autre marin
Ils tournèrent leurs carabines Potemkine
M'en voudrez vous beaucoup si je vous dis un monde Où l'on punit ainsi qui veut donner la mort M'en voudrez vous beaucoup si je vous dis un monde Où l'on n'est pas toujours du côté du plus fort
O mon jardin d'eau fraîche et d'ombre Ma danse d'être mon coeur sombre Mon ciel des étoiles sans nombre Ma barque au loin douce à ramer Heureux celui qui devient sourd Au chant s'il n'est de son amour Aveugle au jour d'après son jour Ses yeux sur toi seule fermés
Heureux celui qui meurt d'aimer Heureux celui qui meurt d'aimer
D'aimer si fort ses lèvres closes Qu'il n'ait besoin de nulle chose Hormis le souvenir des roses A jamais de toi parfumées Celui qui meurt même à douleur A qui sans toi le monde est leurre Et n'en retient que tes couleurs Il lui suffit qu'il t'ait nommée
Heureux celui qui meurt d'aimer Heureux celui qui meurt d'aimer
Mon enfant dit-il ma chère âme Le temps de te connaître ô femme L'éternité n'est qu'une pâme Au feu dont je suis consumé Il a dit ô femme et qu'il taise Le nom qui ressemble à la braise A la bouche rouge à la fraise A jamais dans ses dents formée
Heureux celui qui meurt d'aimer Heureux celui qui meurt d'aimer
Il a dit ô femme et s'achève Ainsi la vie, ainsi le rêve Et soit sur la place de grève Ou dans le lit accoutumé Jeunes amants vous dont c'est l'âge Entre la ronde et le voyage Fou s'épargnant qui se croit sage Criez à qui vous veut blâmer
Heureux celui qui meurt d'aimer Heureux celui qui meurt d'aimer
Que sais-tu des plus simples choses Les jours sont des soleils grimés De quoi la nuit rêvent les roses Tous les feux s'en vont en fumée Que sais-tu du malheur d'aimer
Je t'ai cherchée au bout des chambres Où la lampe était allumée Nos pas n'y sonnaient pas ensemble Ni nos bras sur nous refermés Que sais-tu du malheur d'aimer
Je t'ai cherchée à la fenêtre Les parcs en vain sont parfumés Où peux-tu où peux-tu bien être A quoi bon vivre au mois de mai Que sais-tu du malheur d'aimer
Que sais-tu de la longue attente Et ne vivre qu'à te nommer Dieu toujours même et différente Et de toi moi seul à blâmer Que sais-tu du malheur d'aimer
Que je m'oublie et je demeure Comme le rameur sans ramer Sais-tu ce qu'il est long qu'on meure A s'écouter se consumer Connais-tu le malheur d'aimer
Je ne sais ce qui me possède Et me pousse à dire à voix haute Ni pour la pitié ni pour l'aide Ni comme on avouerait ses fautes Ce qui m'habite et qui m'obsède
Celui qui chante se torture Quels cris en moi quel animal Je tue ou quelle créature Au nom du bien au nom du mal Seuls le savent ceux qui se turent
Machado dort à Collioure Trois pas suffirent hors d'Espagne Que le ciel pour lui se fît lourd Il s'assit dans cette campagne Et ferma les yeux pour toujours
Au-dessus des eaux et des plaines Au-dessus des toits des collines Un plain-chant monte à gorge pleine Est-ce vers l'étoile Hölderlin Est-ce vers l'étoile Verlaine
Marlowe il te faut la taverne Non pour Faust mais pour y mourir Entre les tueurs qui te cernent De leurs poignards et de leurs rires A la lueur d'une lanterne
Étoiles poussières de flammes En août qui tombez sur le sol Tout le ciel cette nuit proclame L'hécatombe des rossignols Mais que sait l'univers du drame
La souffrance enfante les songes Comme une ruche ses abeilles L'homme crie où son fer le ronge Et sa plaie engendre un soleil Plus beau que les anciens mensonges
Je ne sais ce qui me possède Et me pousse à dire à voix haute Ni pour la pitié ni pour l'aide Ni comme on avouerait ses fautes Ce qui m'habite et qui m'obsède Extrait du poème "Prologue"