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Grand Angle

Maroc : Le ministre de l’Emploi justifie sa propre fraude à la CNSS

Après un long silence, Mohamed Amekraz a enfin abordé son infraction des lois régulant le marché de travail au Maroc. «La mobilité des ressources humaines», ses «préoccupations parlementaires et politiques» et «la pandémie du coronavirus» ont servi au ministre de prétextes pour sa défense.

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Mohamed Amekraz, ministre de l’Emploi et de l’insertion professionnelle / DR
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L’absolution de ses «frères» au PJD en poche, le ministre de l'Emploi, Mohamed Amekraz a enfin donné sa version sur la non-déclaration des salariés de son bureau d’avocat d’Agadir à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Il a expliqué que depuis son entrée à la Chambre des représentants, fin 2011, grâce à la liste des jeunes, il a rompu avec le suivi de la gestion quotidienne de son cabinet. Un argument déjà évoqué dans le communiqué de Me Idrissi, le gérant du bureau d’avocat de Mustapha Ramid à Casablanca.

«Les avocats qui étaient avec moi, sont ceux qui géraient le bureau. Moi, j’ai été beaucoup plus préoccupé par les questions politiques et parlementaires», a-t-il souligné lors de sa participation au Forum du Sahara organisé, samedi soir par visioconférence, par la jeunesse de la Lampe, organisation dont il est le secrétaire général.

«Cette situation a duré jusqu’en 2016. Après mon retour au bureau, nous [lui et ses associés, ndlr] avons décidé alors de dissoudre la société… parce que des circonstances nous ont empêché de continuer comme structure professionnelle (…) Et depuis chacun des collègues a ouvert son bureau d’avocat», raconte le ministre d’Emploi.

Coronavirus, un autre prétexte avancé par Amekraz

Après sa défaite aux législatives du 7 octobre 2016, Mohamed Amekraz s’est lancé dans une nouvelle expérience professionnelle, mais sans penser à déclarer ses salariés à la Caisse nationale de sécurité sociale. Là, il avance un prétexte pour le moins étrange, renvoyant la responsabilité dans le camp de «la mobilité des ressources humaines qui travaillent dans un bureau d’avocats qui vient juste d’être formé». Ainsi, celui qui préside le Conseil d'administration de la CNSS justifie le fait de ne pas avoir déclaré ses collaborateurs qui ne passaient quelques mois chez lui. Un comportement que combat la CNSS, rappelant l'obligation de déclaration quelque soit la durée du contrat.

FAQ du site de la CNSSFAQ du site de la CNSS

D'ailleurs, le ministre de l'Emploi continue son étrange plaidoirie en affirmant que son plus ancien collaborateur a été recruté en 2017 et l’actuelle secrétaire en 2019. Des dates d'embauche mais toujours pas d'information sur la déclaration obligatoire à la CNSS. 

En octobre 2019, Mohamed Amekraz est nommé ministre de l’Emploi et de l’insertion professionnelle. La gestion de son bureau a été confiée à Me Abass Madani. «Depuis le premier jour de ma nomination, ma relation avec le bureau est terminée», s'est-il très vite dédouané.

Ramid, Amekraz même défense

Mohamed Amekraz a précisé que c'est à partir de ce moment que «le gérant a commencé les formalités de déclaration des salariés à la CNSS. Cela a pris du temps mais la pandémie du coronavirus a suspendu le processus des déclarations et après le confinement, il a continué l’opération et l'a conclue avec un effet rétroactif (…) Ce qui signifie que les employés ont eu tous leurs droits et la CNSS aussi». Une justification quelque peu fragile dans la mesure où la régularisation de ses employés n'est intervenue que le 19 juin, soit quelques jours après les révélations sur le scandale de la secrétaire défunte de Mustapha Ramid, ministre d'Etat chargé aux droits de l'Homme, fraudant la CNSS depuis au moins 24 ans.

Le ministre a confirmé que des inspecteurs de la CNSS se sont rendus à son bureau sans l’informer au préalable, alors qu’il est le président du conseil d’administration de la Caisse. «Ils ont eu accès à toutes les informations», s’est-t-il félicité. Le ministre a, par ailleurs, annoncé que les rémunérations mensuelles de ses collaborateurs, les avocats-stagiaires et la secrétaire, «sont supérieurs au SMIG et ils bénéficient d’autres avantages».

Vers la fin de son intervention, le ministre de l’Emploi a reconnu que la non-déclaration de ses salariés à la CNSS «est une infraction à la loi». Mais il a embrayé en tirant à boulets rouges sur ceux qui le taxent d’avoir failli à ses responsabilités envers ses employés. «Ils ne vont pas critiquer leurs maîtres en politique, ayant commis des délits et des crimes… Ils ont lancé des campagnes… Je ne vais pas aborder un sujet qui ne me concerne pas… mais ce n’est pas raisonnable… Ce n’est pas raisonnable».

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