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Grand Angle

Maroc : Comment l’état d’urgence sanitaire et le coronavirus changent les rituels d’inhumation

Avec l’état d’urgence sanitaire au Maroc, lié à la pandémie du coronavirus, les rituels islamiques relatifs à l’inhumation des défunts changent. Des procédures qui respectent à la fois les mesures sanitaires en vigueur ainsi que les pratiques musulmanes.

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Photo d'illustration. / DR
Temps de lecture: 3'

La pandémie du nouveau coronavirus au Maroc impacte plusieurs habitudes et rituels religieux. Depuis l’annonce du premier décès dans le pays à cause du Covid-19, une Marocaine de 89 ans décédée le 10 mars 2020, le ministère de la Santé a rendu publiques des mesures particulières pour les inhumations des décès liés au virus.

«Le ministère de la Santé a mis en place un protocole pour la prise en charge et l’inhumation des personnes décédées à cause du coronavirus, notamment pour le lavage de la dépouille selon le rituel islamique. C’est la procédure que nous appliquons», nous confie ce vendredi le professeur de médecine légale à la Faculté de médecine et de pharmacie à Casablanca et chef du service de médecine légale au CHU Ibn Rochd, Hicham Benyaich.

Entre mesures de sécurité et rituels musulmans

Il ajoute que ce protocole part du «principe que le virus survit quelques heures, même après le décès de la personne». «Il faut ainsi adopter les mêmes mesures sanitaires prises par les médecins traitant les patients vivants», déclare-t-il. Et de préciser qu’il faut «un équipement individuel de protection, comme le masque FFP2, des lunettes visières, une combinaison et un tablier en plastique».

Le changement commence ainsi dès la procédure de lavage de la dépouille. «Elle est certes lavée, mais il ne faut pas beaucoup la manipuler. Il y a même des fatwas qui autorisent de ne pas laver compte tenu du risque, car la manière ordinaire consiste à appliquer une pression sur le corps pour évacuer les sécrétions du corps humain», rappelle notre interlocuteur. Et d’évoquer un «lavage superficiel» pour le cas de personnes décédées à cause du coronavirus.

«La dépouille est enveloppée dans un linceul, mise dans une housse avec fermeture puis dans un cercueil. Les proches du défunt ne sont pas autorisés à toucher la dépouille, à la différence du décès normal.»

Dr Hicham Benyaich

Si le médecin indique que des proches peuvent assister aux rituels, cela ne semble pas être le cas. «Seuls deux fils ont réussi à assister à l’enterrement» d’un homme décédé cette semaine à Marrakech à cause du Covid-19, nous confie une proche de sa famille. «Ils étaient seuls dans le cimetière et aucun autre membre de la famille n’a été autorisé à y assister», abonde-t-elle.

Cette Marrakchie précise aussi qu’il «n’y a pas eu de funérailles à la maison», le défunt ayant «été directement amené de l’hôpital Mohammed VI au cimetière». «Une équipe des autorités sanitaires a assisté à l’enterrement. Ils portaient des combinaisons de protection d’après les fils. Ils l’ont enterré puis et ont désinfecté les lieux», ajoute-t-elle.

Des prières désormais délocalisées aux cimetières

Le changement des habitudes et des rituels concernent en effet les cimetières du royaume. «Beaucoup de choses ont changé récemment dans les rituels d’enterrement», nous confie Khalid, un fossoyeur dans un cimetière à El Jadida.

«Les mosquées étant fermées, les prières de la Janaza sont exécutées ici au cimetière et les défunts sont immédiatement amenés ici.»

Khalid, fossoyeur

Il reconnaît lui aussi que «peu de gens viennent maintenant assister aux rituels d’enterrement». «C’est parfois une personne ou deux et surtout des membres de la famille très proches», ajoute-t-il.

Mais Khalid souligne n’avoir «reçu aucune instruction des autorités concernant comment et quoi faire en ces jours de crise sanitaire», notamment pour les décès dus au nouveau coronavirus. «Je regarde les informations et je comprends à quel point ce virus est dangereux. Cependant, je n’ai pas d’autre choix, car j’aime ce travail et je le considère comme un devoir», témoigne-t-il.

«Au cours de mon travail, j’essaie autant que possible de suivre les mesures préventives générales. Quand les gens viennent enterrer leurs proches, je leur demande de s’éloigner les uns des autres d’un mètre», déclare le fossoyeur. Et de préciser, quant à sa propre protection, qu’il «dispose d’une bouteille d’eau de Javel qu’[il] utilise pour [se] nettoyer les mains à chaque fois qu’[il] enterre quelqu’un».  

En attendant des instructions sur quelles pratiques spécifiques les fossoyeurs doivent adopter, Khalid déclare garder ses habitudes quotidiennes. «Je commence mon travail à sept heures, comme tous les jours, et je creuse des tombes au cimetière avec les autres personnes qui travaillent ici», conclut-il. La mort qui s'est invitée dans le quotidien des Marocains à travers cette pandémie de coronavirus, ne change pas les habitudes du fossoyeur.

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