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Grand Angle

Coronavirus : Quels coûts pour l’économie marocaine ?

Les autorités rassurent sur l'impact des mesures préventives contre la propagation du coronavirus sur l’économie nationale. Si certains secteurs continuent leur rythme, certaines activitès sont à l'arrêt.

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Photo d'illustration / DR.
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La Comité de veille économique (CVE) qui devra œuvrer pour atténuer les effets de la crise sanitaire liée au coronavirus a annoncé ses premières mesures d’urgence, concernant le volet entrepreneurial et social. La priorité est donnée aux travailleurs en arrêt d’activité ainsi qu’aux entreprises les plus impactées par les effets de la pandémie, surtout les TPME. Rendues publiques les unes après les autres, ces propositions incluent également la suspension du paiement des charges sociales jusqu’au 30 juin.

L’annonce de ces mesures a été faite alors que certains indicateurs économiques et financiers sont déjà dans le rouge, dans le contexte de la pandémie. Spécialiste en risk management, Mehdi El Fakir souligne cependant à Yabiladi qu’il s’agit «plus d’un phénomène psychologique, pour le moment». Il nuance toutefois : «Mais en cas d’accentuation de la crise dans les autres pays touchés par la pandémie, les entreprises marocaines liées à l’étranger seront impactées, surtout au niveau du commerce extérieur.» Il s’agira alors d’«un phénomène logique au regard de la nature de la crise, qui touchera cette fois-ci l’économie réelle de façon multidimensionnelle».

L'économiste et enseignant-chercheur, Najib Akesbi, déclare pour sa part à Yabiladi que la crise sanitaire actuelle, ses retombées économiques et sociales montrent que «les pouvoirs publics doivent impérativement agir sur trois niveaux : la santé, l’économie et la population, acculée à être confinée alors qu’elle ne vit principalement que de son activité professionnelle».

Intervenir sur l’économie sans oublier le social

Plus qu’une crise liée proprement au contexte de la pandémie, Najib Akesbi estime que celle-ci permettra de tirer des leçons.

«Au niveau de la santé publique, j’espère que l’Etat a fini par comprendre sa faute de sacrifier ce secteur, avec l’éducation, sur l’autel d’un équilibre macro-économique. Nous devons prendre la mesure de cette faute et qu’au moins, face à l’ampleur de la catastrophe, l’Etat dégagera des moyens en dotant ce secteur de moyens logistiques et humains.»

Najib Akesbi

Concernant les entreprises, Najib Akesbi considère que «tout ce qui a été fait jusque-là concerne principalement ce secteur». «Le Comité de veille se réunit pour prendre des mesures et le dispositif mis en place va dans le bon sens pour le moment, mais est-ce suffisant pour parer à la crise ?», se demande le chercheur. Il estime ainsi que ces propositions sont «des palliatifs qui pourraient atténuer l’ampleur de la crise, mais qui ne vont pas sauver les entreprises».

Pour Mehdi El Fakir, «la capacité des mesures prises et leur efficacité dans le temps dépendra de la durée de la crise et de la volonté des différentes parties prenantes de surmonter celle-ci». Toujours est-il qu’«il y a de grandes craintes de voir une forte augmentation du chômage», indique encore l’analyste.

C’est dans ce sens que Najib Akesbi place la situation actuelle dans un contexte économique national plus élargi dans le temps. Il prévient qu’en 2020, «l’économie marocaine sera confrontée à un double choc» ; d’abord «celui engendré par la pandémie», mais avant lui, «celui lié à l’impact de la sécheresse». «Avant même le coronavirus, on savait que l’année agricole sera maigre, estime-t-il. Les dernières pluies peuvent améliorer un peu le couvert végétal pour nourrir le bétail, mais la campagne céréalière est déjà durement impactée». L'économiste rappelle que «la production a déjà baissé en 2019 et les prévisions pour 2020 montrent que cette baisse va s’accentuer», à cause de la sécheresse.

Les familles marocaines, notamment dans le rural sont durement touchées par cette sécheresse. Viennent s'ajouter les mesures sanitaires pour limiter la propagation du coronavirus qui ne tiennent pas compte de la situation socio-économique de beaucoup de Marocains. Pour Najib Akesbi, «nous nous alignons sur des mesures sanitaires prises en Europe, mais avec des moyens que nous n’avons pas», ce qui «précipitera un arrêt de l’économie et un effondrement du PIB».

«Une année noire» pour le commerce extérieur

En plus de la sécheresse, Najib Akesbi alerte lui aussi sur le fait que «l’année peut s’avérer noire au niveau du commerce extérieur». Et de souligner que «nos principaux partenaires commerciaux (l’Espagne et la France, en plus de la Chine) sont impactés par la crise liée à la pandémie, ce qui signifie une baisse drastique des exportations, parallèlement à une hausse des importations de produits alimentaires pour combler les effets de la sécheresse».

De la même manière, l’économiste considère que «l’année touristique risque d’avoir un avenir incertain, même si les choses se remettent en marche durant la haute saison estivale». Il redoute également une baisse des transferts en devise de la diaspora.

«Les trois pays (Espagne, France et Italie) où la communauté marocaine constitue une grande partie de ces transferts sont les plus impactés par la crise liée à la pandémie, ce qui présage une forte baisse des transferts, en plus de celle des investissements directs étrangers (IDE).»

Najib Akesbi

Cette situation provoquera-t-elle un électrochoc et une reconfiguration des visions stratégiques dans différents secteurs de l’économie marocaine ? Pour Mehdi El Fakir, «l’erreur serait de penser que cette crise marquerait un changement dans les paradigmes capitalistiques». Selon lui, «elle permettra plutôt une meilleure prise de conscience de la gestion des risques dans le secteur des entreprises».

Ce qui est sûr, pour Najib Akesbi, c’est qu’elle aura des effets dans le moyen et long terme sur l'ensemble de l’économie nationale, sans exclure «des répercutions sur la valeur du dirham».

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