C'est au tour de Beni Mellal. Cette petite ville pourtant calme jusque-là est rentrée dans la danse des mouvements populaires portant une forte empreinte de violence. Les jeunes de la ville ont manifesté le 12 février dernier. Pourtant pacifique au départ, tout a dégénéré avec l’arrivée des casseurs, qui ont mis la ville sens dessus dessous. Selon le rapport d’un habitant à l’Economiste, «une bataille rangée a opposé les forces de l’ordre et les habitants pendant des heures».
Le conflit s’est soldé par de nombreux dégâts matériaux : vitrines commerciales cassées, guichets automatiques vandalisés, agences bancaires pillées... 21 jeunes ont été interpellés dimanche et ce n’est que 48 heures plus tard que les familles ont été prévenues. Pour eux, il faut chercher ailleurs, les vrais coupables des émeutes du 13 février. Ces jeunes étaient censés comparaitre ce mercredi devant le tribunal de première instance de la ville.
Ceci arrive alors que les émeutiers de Taza ont été condamnés, mardi matin, par le tribunal de première instance de la ville, suite aux soulèvements populaires qui ont eu lieu à Taza ces dernières semaines. Au total, 17 jeunes ont endossé des condamnations de 4 à 10 mois de prison avec sursis, assorties d’amendes allant de 3000 à 500 DH.
«Verdict trop agressif»
«Il y en a qui n’ont pas signé le procès-verbal de la police, donc ils ne reconnaissaient pas les faits qui leurs sont reprochés», explique Khadija Riyadi, présidente de l'AMDH. «Ce qui n’est pas étonnant puisqu’ils n’ont pas été arrêtés en flagrant délit. La police est rentrée dans les maisons… la responsabilité est partagée», poursuit-elle.
Le cas qui alarme encore plus est celui du jeune Abdessamad Haydour, condamné à 3 ans de prison ferme, assortie d’une amende de 10 000 DH pour insulte à la personne du roi. «Ce verdict est trop agressif. C’est inacceptable !», clame Mme Riyadi. «Tous les chefs d’Etat du monde se font insulter et ce n’est pas ainsi qu’on traite les gens dans un pays démocratique», déclare-t-elle. Faisant allusion à la nouvelle constitution, elle poursuit : «on nous a chanté que les choses avaient changé, que le roi n’était plus une personne sacrée, on a parlé de liberté d’expression…et on vit encore des choses de ce genre. Voilà la preuve que rien n’a changé», assure Mme Riyadi.
«Réfléchir à des solutions»
Le ministre de l’Intérieur, Mohand Laenser, considère que les évènements survenus à Taza ont été «démesurément amplifiés, particulièrement par les médias électroniques», rapporte l’Economiste. «L’exécutif a mis sur pied une commission composée de responsables gouvernementaux, d’élus et de représentants des habitants en vue de résoudre les problèmes pressants et de réfléchir à des solutions idoines aux problématiques sociales de Taza», a déclaré M.Laenser.
Le ministre de la Justice, Mustapha Ramid, a annoncé que les autorités judiciaires chargées d’enquêter sur les évènements de Taza ont fait preuve de beaucoup de retenue. «Il n’ont procédé aux arrestations, qui étaient limitées, que lorsqu’il y avait assez des preuves (témoins et enregistrements vidéo notamment), l’objectif étant de garantir des procès équitables», a-t-il déclaré. Ce dernier a «déploré le fait que la culture de protestation pacifique ait cédé la place à des pratiques violentes, préconisant pour y remédier, l’ouverture d’un débat national incluant toutes les composantes de la société».
A cela, Khadija Riyadi répond que ces jeunes ont compris que la manifestation pacifique ne paye pas, puisqu’elle laisse les autorités indifférentes. Même si les méthodes employées semblent ne pas trouver un écho favorable auprès des hommes du pouvoir, Mme Riyadi soutient : «les autorités locales et gouvernementales ne les écoutent pas. Soit ils feignent de vouloir répondre à leurs doléances, soit ils font des promesses qu’ils n’honorent jamais. Ce sont eux qui peuvent trouver des solutions et non les gens pauvres qui n’ont absolument rien».
Jusqu’auboutistes
Faisant allusion aux interventions policières, Nourredine Saadi, qui se dit appartenir au Mouvement du 20 février, dénonce que «ces actes de violence ont été prémédités pour casser le mouvement pacifiste du 20 février et surtout ses membres actifs». «Nous sommes solidaires avec tous les militants dès lors qu’ils respectent nos principes, qui sont la lutte contre la corruption et un plus grand assainissement de la vie publique», assure-t-il.
Le mouvement projette de poursuivre les manifestations dans plusieurs autres villes du pays. Ils se sont regroupés récemment à l’ancienne Medina de Casablanca pour lancer l’appel à manifestation.