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Grand Angle

Ali Amar : « Le Maroc est (...) la dernière colonie française sur le continent »

Le journaliste marocain Ali Amar est co-auteur de «Paris-Marrakech: Luxe, pouvoir et réseaux» avec son confrère Jean Pierre Tuquoi, spécialiste du monde arabe. Disponible en France depuis le 25 janvier dernier, cet ouvrage enquête décortique les «relations quasi incestueuses et extravagantes qui unissent la France et le Maroc». Interpellé par Yabiladi.com, Ali Amar donne des éléments supplémentaires à nos lecteurs, sur ce livre à la pêche aux «personnalités françaises influentes préoccupées à maintenir leurs intérêts peu reluisants» dans le Royaume. Interview. 

Publié
Ali Amar, journaliste et ancien directeur de l'hebdomadaire «Le Journal». (Crédit: Gabriela Hengeveld)
Temps de lecture: 5'

Yabiladi : Votre livre «Mohammed VI : Le grand malentendu. Dix ans de règne dans l’ombre de Hassan II» avait été interdit de vente au Maroc. Pourquoi selon vous ?

Les raisons de cette interdiction sont multiples à mon sens. D’abord sur le plan de la symbolique, nous savons tous au Maroc que la monarchie est très fébrile lorsqu’il s’agit de la mettre en équation, surtout lorsque cela émane d’une personne de nationalité marocaine. La notion même de citoyenneté dans son acceptation universelle est reniée au peuple. 

De ce fait, le Marocain, considéré avant tout comme un sujet du roi, n’a au sens donné par la Beya’a, c’est à dire la soumission au trône, aucune légitimité à participer au débat sur la nature même du régime. La personne du monarque, son institution sont de ce fait sacrés. Cette sacralité sert de bouclier au trône pour se soustraire au principe démocratique de reddition des comptes. C’est le nœud gordien du pouvoir sultanesque de Mohammed VI, hérité de son père Hassan II.

En conséquence, le Marocain demeure infantilisé en droit. Vous comprendrez alors dans mon cas, qu’un journaliste marocain commentant librement le règne de Mohammed VI est vécu par le Palais comme un acte de sédition et de lèse-majesté même si mon ouvrage est loin d’être insultant. D’ailleurs, la fonction sociétale du journaliste au Maroc n’est pas reconnue. Elle n’est acceptée que lorsqu’elle sert de vecteur de propagande au régime. 

Ce n’est pas un hasard si Mohammed VI, comme Hassan II se sont toujours refusés à répondre aux questions des journalistes marocains. Nous vivons en pleine féodalité. Par ailleurs, l’autre raison concerne le contenu même de l’ouvrage qui mettait en lumière les turpitudes du roi et de son entourage. Des faits documentés que le pouvoir tente de cacher à l’opinion publique nationale et internationale.

Craignez-vous une nouvelle censure de ce dernier ouvrage coécrit avec Jean Pierre Tuquoi ?

Je serais très surpris de le voir mis en vente au Maroc. C’est d’ailleurs un test supplémentaire pour le régime qui par ailleurs prétend faussement que la liberté d’expression est acquise au Maroc. Sur ce plan, le voir en tête de gondole à la Fnac ou chez Virgin à Paris et ne pas le trouver dans les rayons de la toute nouvelle Fnac du Morocco Mall de Casablanca, célébré dans les médias comme le temple de la modernité, ou du Virgin à Marrakech –un comble d’ailleurs pour un ouvrage qui évoque aussi fortement la ville- est édifiant. C’est l’illustration parfaite de cette modernité de façade que le régime nous vend. De toute manière, les Marocains ne sont pas dupes de cette fumisterie.

Que faut-il retenir principalement de cet axe Paris-Marrakech ?

Un constat s’impose de ce livre-enquête: si le Maroc a vécu sa décolonisation institutionnelle il y a de cela plus d’un demi-siècle, il ne s’est pas affranchi de la tutelle française. Le livre décortique, exemple précis à l’appui combien le royaume demeure à maints égards une province française comme la définissait en son temps Hubert Lyautey.

Les relations extravagantes et quasi incestueuses dévoilées par l’ouvrage entre les élites marocaines et les hommes politiques français, de droite comme de gauche, les intellectuels de tous bords, les patrons du CAC 40, sans parler des vedettes du show-biz sont uniques dans leur genre. Aucune autre puissance coloniale au monde n’entretient ce type de rapports avec ses anciennes colonies ou protectorats. (...) Ils se caractérisent par la corruption, les plaisirs interdits, les biens mal acquis, l’affairisme et une impunité sans freins. En contrepartie, les multinationales françaises s’investissent au Maroc en terrain conquis, exploitent ses richesses sans vergogne dans des conditions souvent inacceptables, toujours en cheville avec les premiers cercles du pouvoir. 

Le Maroc est de ce point de vue là la dernière colonie française sur le continent, beaucoup plus que ne le sont les Etats d’Afrique noire. Enfin, tout cela se trame dans une sorte de pacte non écrit, la France et certaines de ses élites soutiennent inconditionnellement le régime: la diplomatie de la République, ses personnalités médiatiques, ses universitaires, ses intellectuels se transforment en lobbyistes, en thuriféraires de tout ce qu’entreprend le Maroc pour ravaler son image à l’international. 

Si la France a été aveugle envers le régime policier de Ben Ali, sa complicité avec la monarchie marocaine est bien plus profonde, plus sophistiquée tant ces liens de consanguinité et d’intérêts croisés qui l’unissent presque génétiquement avec un certain Maroc sont intenses. Cela à un coût pour le peuple marocain: celui de voir le pays spolié de son ambition démocratique. Cela à mon sens devra cesser en ces temps de révolutions arabes.

Comment jugez-vous la sortie de «Paris-Marrakech : luxe, pouvoirs et réseaux» en France ?

J’en suis à ce jour assez satisfait: le livre est déjà depuis sa sortie le 25 janvier un succès en librairie. Je regrette encore une fois cependant que la presse française soit toujours aussi rétive dans sa majorité a faire cas d’un ouvrage critique envers le royaume, surtout lorsqu’il s’agit d’un livre qui met aussi en lumière la compromission de certains milieux français toujours prompts à défendre la fausse idée d’un Maroc qui serait une exception dans le monde arabe. S’il existe une exception marocaine, c’est justement à travers la singularité de ses attaches parisiennes qu’il faut la décrypter.

D’abord des révélations sur «une monarchie affairiste, engoncée dans les pesanteurs de son apparat et de son faste», à présent vous en faites sur la ville de Marrakech qui serait devenue «la plaque tournante du tourisme sexuel» et «aurait même remplacé Bangkok». Que répondez-vous aux personnes qui vous accusent de «dénigrer beaucoup trop souvent» le Maroc?

Mes deux ouvrages ne s’attachent pas uniquement à la seule description que vous en faites. Ce serait pour le moins réducteur. Je revendique cependant un regard très critique sur la direction qu’a prise le Maroc depuis une dizaine d’années, tant l’espérance d’une refonte institutionnelle était grande au crépuscule du règne de Hassan II. Sur ce plan, son fils a certainement manqué son rendez-vous avec l’histoire. Je ne suis pas le seul à le dire. Vous savez, j’ai comme une poignée d’autres journalistes, activistes ou intellectuels marocains été accusé de manquer de patriotisme envers mon pays. Cette idée de défendre sa patrie en reniant ses principes est étrangère à la conception que je donne à l’engagement citoyen. 

Si je critique le régime marocain aujourd’hui, je le fais à ma manière, comme le font autrement et avec courage ces milliers de Marocains qui descendent dans la rue pour exiger plus de dignité et une existence décente d’hommes et de femmes libres. C’est ma manière d’aimer mon pays, celle de lui souhaiter la grandeur qu’il mérite en accédant à la démocratie et au développement pour tous, sans exclusive. D’aucuns disent que je fais partie de ces aigris du pouvoir qui attendent d’être cooptés, me prêtant comme à d’autres des ambitions personnelles ayant côtoyé un temps les marches du Palais. A eux, je ne réponds que par mon engagement loin des ors de la royauté, de ses fastes ridicules et de l’avilissement de ceux qui y perdent l’essentiel, en somme leur dignité. 

Aujourd’hui, je ne crois plus du tout en la capacité du régime actuel à se réformer et à offrir ce dessein aux Marocains. Il l’a encore une fois prouvé au cours de cette année avec cette mascarade de réforme constitutionnelle concoctée comme un mauvais contrat d’assurance dans les arcanes du Palais. Je suis de ceux dont la déception est telle envers ce régime que ma conviction est faite : le Maroc ne trouvera son élan salvateur qu’en faisant table rase de ce qui l’empêche d’aller de l’avant, c’est à dire cette monarchie qui se refuse à céder la moindre once de son pouvoir moyenâgeux.

Préparez-vous un autre ouvrage ? Si oui, quelle en sera l’idée générale ?

Je travaille sur le deuxième volet de mon premier livre où comment ce “grand malentendu” entre les Marocains et leur roi se transforme au fil du temps en divorce, n’en déplaise à ceux qui s’en voilent encore la face.

sidiyazid, tu bottes hors touche
Auteur : ecobam
Date : le 06 février 2012 à 16h23
Sois tu ments, sois tu connais rien ni en politique ni en economie, sois tu fais partis de ces mouchards de sa majeste qui scrutent tous ce que se publient sur lui.
Oui, le Maroc est signataire de l'OMC, et alors en quoi ca innocente ton cher roi? Le Maroc pourra bientot signer un accord agricole avec l'EU, regarde ce que jce ournal Anglais a publie sur ce sujet, si tel accord a lieu, il beneficiera d'abord a ton roi qui detient 12000 hectars a Dakhla, et les innombrables domaines agricoles partout dans le Maroc. Ton roi a au moins un palais/ville, 2 palais dans les grandes villes dans un pays qui croule sous les dettes et ou les gens n'ont aucune perspective,
Je te rejoint monsieur Ali Amar, j'ai perdu toute sympathie pour cette monarchie.
Dernière modification le 06/02/2012 16:25
il a raison
Auteur : jumanji78
Date : le 06 février 2012 à 14h26
cherchez pas il a raison le Maroc a vendu son âme.

ryad, prostitution, clubs, boites de nuits, fassad, drogues et surtout impunité....

en contrepartie : investissements, tourismes, lobbying, monarchie préservée...


le ridicule ne tue plus !
Auteur : sidiyazid
Date : le 06 février 2012 à 02h02
Je ne crois pas que le cerveau de Amar ait atteint ce degré de délabrement avancé et de délire trémens !

Lui qui se presente comme connaisseur du maroc , comment il pond cette littérature sous developpée sur l'economie du maroc alors qu'il sait que le maroc étant membre de l'OMC , il adhere completement à la politique de cette organisation qui regule les relations economiques internationales ?
Lui , bouffon temeraire qui s'aventure sur les domaines qui lui sont accessibles ; comment arrivent ils à admettre la politique d'attrait des investissements étrangers sans la presence des entreprises étrangeres ?

Je crois qu'il doit lever le pied sur .....l'alcool de mauvaise qualité est trés mauvais pour le foie et le cerveau.
Je n'ai as bien compris l'analyse de Amr
Auteur : MCASAOUI
Date : le 05 février 2012 à 23h22
Expliquez nous qu'elles sont les e,treprises Françaises qui profitent de la richesse du pays. Vous ne comprenez rien à l'économie, par quelles entreprises veut-ils les remplacer (des entreprises Marocaines ont-elles le savoir du groupe Lafarge, ont-elles le savoir du groupe AXA, ont-elles la techinicité de Bouygues ou Vinci. Je peux être d'accord avec lui pour remplacer VEOLIA au niveau du traitement des déchets ( car on peut trouver moins cher et mieux) mais pour le reste on a un problème d'industrialisation et de formation (insuffisance).
Je vais lire ce livre pour voir le détail. En définitif et renseignez vous bien il vaut mieux avoir des entreprises Françaises, Allemendes et Américaines que des chinois qui font n'importe quoi et font venir leurs ouvriers et leurs techniciens avec un travail de merde (voir les chantiers dans l'Afrique de l'OUEST). ce monsieur Ali doit se documenter davantage. S'il parle de la corruption je peux comprendre mais le thème principal développé c'est du vent et de la polémique pour vendre du papier. Au lieu qu'il s'attaque au ministère de la justice qui fait du n'importe quoi (via les juges corrompus) il fait du sensationnel. Vous ne rendez pas service au pays que vous aimez (le mal c'est le retard dans le développement, dans la justice, dans l'inertie de l'administration c'àd des Marocain qui travaillent mal et qui ne respectent pas leurs engagements et la mission pour laquelle ils sont payées. Il faut éduquer le peuple et être exigent avec son élite. Vous prenez le problème à l'envers. Réveillez vous vous êtes dépassé et vous n'identifiez pas bien le problème du développement.
Un travail de journaliste. Un droit.
Auteur : khalil277
Date : le 05 février 2012 à 20h59
On peut être d'accord avec l'auteur, ou pas, sur la forme et sur le côté provocateur de la présentation. On peut quand même lui accorder la sincérité et la vérité des faits.

C'est clair, il aime son pays et utilise un langage de vérité sur ce qu'il voit et ce qui le touche. C'est plutôt sain comme démarche. C'est toujours mieux, de mon point de vue, que la complaisance ou les interventions sélectives que privilégient certains intellectuels. Chacun fait ses choix et va vers son risque, ..., en conscience. Mais tous sont respectables.

Sur les faits, on n'apprend pas forcément grand chose mais pour certains ce sera sans doute le cas.
On regrette simplement l'interprétation qu'il avance de certains de ces faits. Trop naïve, voire manichéenne. Mais c'est son droit.
Pour ma part, je considère qu'avoir un ou plusieurs alliés solides et fiables, et en être un soi-même, n'est pas une mauvaise chose dans le monde d'aujourd'hui, et même de tout temps. Je considère également qu'avoir des investisseurs étrangers -français, turques, pétro-arabes, chinois, ou d'ailleurs- c'est toujours bon. Encore faut-il avoir mis en place le bon cadre et les instruments adéquats pour tirer le meilleur parti des financements, des activités et des compétences qui sont ainsi accueillis. C'est créateur d'émulation, de travail et de richesse. C'est un moteur, parmi d'autres, de notre progrès et de notre développement. Et il serait dangereux, voire suicidaire, de le brimer ou de le casser.
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