Suite à la fermeture des sites Megaupload et Megavideo, sept hommes dont le fondateur ont été arrêtés et risquent une peine de 20 ans de prison. «Selon l'acte d'accusation, les ayants droits estiment à 500 millions de dollars le préjudice subi par la violation des droits d'auteur et mettent en avant le fait que la société Mega a engrangé 175 millions de profits grâce à la publicité et à la vente de comptes "premium" permettant d'accéder plus facilement (et rapidement) au téléchargement illégal de ces fichiers.», souligne le site PC World.
La fermeture de ce site est certes un soulagement pour les ayants droits mais ici au Maroc, cette fermeture est un véritable désastre pour les jeunes comme Hicham Hafidi, ingénieur informatique, pour qui le téléchargement sur Megaupload et Megavideo fait partie du quotidien.
Intouchable en illégal
«Au départ, je n'ai pas voulu y croire car ce sont mes sites de téléchargement préférés. Ils offrent une grande capacité de stockage et en plus on télécharge de manière illimitée très rapidement», lance-t-il déçu en insistant qu'acheter un CD ou DVD original coûte beaucoup trop cher au Maroc. Hicham télécharge entre 3 à 5 films par semaine. Cela va du téléchargement des séries aux films en passant par les jeux vidéos de stratégie. Le dernier film qu’il a téléchargé est "Intouchables", un film qui affiche actuellement près de 19 millions d’entrées au cinéma. Mais en plus de télécharger pour son propre plaisir, Hicham ne cache pas que l’entreprise pour laquelle il travaille fait régulièrement appel à ses services pour qu’il télécharge des applications censées être payantes, pourtant il s'agit d'une grande société. «Dans la plupart des sociétés marocaines il n’y a que le système d'exploitation qui est légal», ajoute-t-il avant d’interrompre la conversation pour aller aider l’un de ses collaborateurs à télécharger une application afin de retirer la sécurité des fichiers de format PDF pour pouvoir copier facilement le contenu.
La culture versus la culture du gratuit
«Pour moi, la fermeture de ces sites est un soulagement parce qu’à chaque fois qu’on attrape un pirate, c’est un criminel», lance d’un ton satisfait Hakim Noury, l’un des réalisateurs les plus connus au Maroc. Il a réalisé au total 20 films pour la télévision et le cinéma dont le gros succès «Elle est diabétique et hypertendue et elle refuse de crever». Il écrit aujourd'hui des scénarios. Lui-même avoue avoir été une victime directe du téléchargement illégal qui fait rage au Maroc. « C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai arrêté le cinéma. Mon tout dernier film a fait 15 000 entrées au cinéma alors qu’auparavant l’un de mes films avait même atteint les 380 000 entrées» poursuit-il. «Mais ce que les gens ne comprennent pas c’est que quand ils téléchargent, ils pensent qu’ils ne commettent aucun mal parce que c’est sur le net et que c’est à leur portée mais ils oublient que les créateurs de ce genre de sites gagnent de la publicité sur leur dos. Aujourd’hui je suis endetté jusqu’au coup à cause de cette gratuité. Les autorités ne font rien. Pour nos jeunes, la culture n’existe pas aujourd’hui, il n’y a que le gratuit qui compte.», regrette-t-il avant de confier qu’il reçoit régulièrement des mails de jeunes personnes qui lui demandent de leur envoyer les liens de sites de téléchargement gratuit pour regarder ses films.
Le BMDA aux abonnés absents
«Sérieusement, je n’ai jamais téléchargé sur ces sites mais je n’ai rien contre. Je dirais même que c’est ce qui a permis de démocratiser le plus la culture au Maroc. Il ne faut pas oublier qu’on est un pays pauvre et que les gens n’ont pas les moyens d’acheter un dvd. Le piratage est là et on peut rien y faire», explique de son côté Mohamed Merhari, alias Momo du Boulevard. Pour lui, le débat n’est pas de savoir si c’est bien ou pas bien de fermer ce genre de sites mais plutôt de se pencher sur la question du reversement des droits d’auteur au Maroc pour par exemple, que chaque artiste puisse toucher de l’argent lorsqu’une chanson passe à la radio. Une redistribution qui devrait être contrôlée par le Bureau marocain des droits d’auteur placé sous la tutelle du Ministère de la Communication. «Ce bureau a été créé pour servir et protéger les artistes. Ce qui n’est pas le cas malheureusement. C’est ainsi que nous avons demandé, il y a des années de cela, le changement de statut de loi qui réglemente ce bureau. Le BMDA doit normalement être géré par des artistes et non des fonctionnaires (…) Il y a des artistes qui sont inscrits au BMDA depuis des années et qui n’ont jamais reçu un sou», dénonce Hassan Neftali, Président de la coalition marocaine pour la culture et les arts dans l’édition de ce vendredi des Echos Quotidien. D’ailleurs depuis plusieurs semaines, une pétition circule dans le milieu des artistes pour mieux protéger leurs intérêts et exiger que le BMDA puisse enfin prendre ses responsabilités.
De son côté, fermeture ou pas de Megaupload, Hicham va continuer à télécharger les épisodes de sa série préférée Persons Unknown dès ce soir, après le travail, mais sur d’autres sites de téléchargement actuellement encore disponibles au public.