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Grand Angle

Maroc : Des médecins du public épinglent Anas Doukkali pour la «passation de gros marchés»

Organisés en Coordination des médecins pour la justice salariale, des praticiens du secteur public au Maroc ont récemment pointé du doigt le manque de transparence de passations de marchés, entreprises par le ministre Anas Doukkali. Selon eux, ce dernier aurait accéléré l’opération en pressentant son éventuel départ du gouvernement.

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Photo d'illustration / Ph. DR.
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Le ministre de la Santé a-t-il anticipé le remaniement du gouvernement en s’empressant de mettre en œuvre des contrats à gros budgets avant de quitter son poste ? C’est ce que soutient la Coordination des médecins pour la justice salariale, qui dénonce un manque de transparence qui a entaché «l’acquisition de médicaments, de fournitures médicales, de réactifs et de produits chimiques pour les centres de santé et les hôpitaux publics».

En effet, une grande partie des appels d’offres dans ce sens aurait été remportée par des sociétés étrangères sans importante communication sur le circuit de cette passation, ce que contestent les praticiens sur leur page Facebook. Selon eux, «l’un des contrats les plus controversés a été la mobilisation de plus de 4 milliards de centimes pour des traitement d’hépatite C virale ; les deux tiers de ces accords ont été attribués à une entreprise agréée aux Etats-Unis».

Les critères de ce choix sont restés flous, tandis qu’une seconde institution a été retenue pour le même champ d’action que la première, selon la Coordination. Ainsi, cette dernière dénonce un «favoritisme» du ministère qui «a proposé à deux reprises une double offre financière pour un traitement de même efficacité, sans en donner les motivations», alors que «trois sociétés marocaines produisent des médicaments identiques».

Secrétaire national du Syndicat indépendant des médecins du secteur public (SIMSP), Alaoui Montadar explique à Yabiladi avoir pris connaissance de tels usages, bien qu’«en tant que corps médical et que syndicat autonome qui ne reçoit pas de financement externe, il est difficile de suivre de près les passassions de marché auxquelles le ministère ne fait pas participer l’ensemble des représentants du personnel médical».

Toujours est-il qu’«il n’y a pas de fumée sans feu», selon le praticien, qui affirme que «le ministère ne consulte les syndicats que lorsqu’il est sous la pression de devoir sortir un communiqué commun pour apaiser certaines situations». «Il est légitime que les circuits financiers et les budgets alloués aux différentes missions de la santé publique soient épluchés et suivis, surtout lorsque les sommes sont importantes mais avec peu de résultats concrets», estime encore Dr. Montadar.

Les budgets «auraient pu servir à l’amélioration de l’accès aux soins»

«En dehors du cas de ces passassions que le syndicat n’a pas vérifiées directement, le ministère de tutelle ouvre des marchés pour équiper des hôpitaux, en construire d’autres, réparer leurs équipements, mettre en place des centres mobiles, même des hélicoptères que nous avons déjà, par le passé, pointés du doigt pour leur budgets inimaginables», nous précise le syndicaliste, ajoutant que le constat a été confirmé par «d’autres acteurs de la société civile ayant fait les mêmes observations, chiffres à l’appui».

«Ce qui est sûr, c’est que nous ne touchons pas l’impact de tels budget sur le changement global de la qualité des services quotidiens de la santé, auxquels les citoyens doivent accéder de manière juste et équitable, où qu’ils soient dans le pays et quel que soit leur niveau de vie», constate Alaoui Montadar. «En tant que médecins dans le public, nous ne touchons pas non plus de manière généralisée les retombées de ces investissements et continuons à dénoncer nos conditions salariales et professionnelles, alors qu’une importante partie des stratégies et des programmes nationaux sont payés à cet effet par le contribuable», nous explique-t-il.

Le médecin considère que «pour donner aux patients une visibilité sur l’investissement auquel ils participent, la moindre des choses et de rendre plus transparents ces circuits de financement et de passation de marchés». Dans ce sens, il souligne le manque de formation continue pour les praticiens du public pour mieux mettre en service les gros équipements de pointe, rendus disponibles mais pas assez utilisés.

«Au lieu de cela, le ministère de tutelle alloue tout un autre budget au recrutement de spécialistes en ingénierie et en technique, dont le nombre reste insuffisant par rapport aux besoins de tous les hôpitaux», souligne-t-il. «A un certain degrés, il aurait été raisonnable de former les médecins, ce qui aurait libéré une partie des dépenses pour recentrer leur travail et celui des techniciens sur le champ de compétences de chacun, et assurer une meilleure accessibilité aux populations reçues par les établissements hospitaliers publics», estime Alaoui Montadar.

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