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Grand Angle

Le t-shirt royal et le coup du Cembrero [Billet d'humeur]

Selon la citation apocryphe, «les grands esprits discutent des idées ; les esprits moyens discutent des événements ; les petits esprits discutent des gens». Alors comment qualifier ceux qui discutent du choix (vestimentaire) des gens ?

Publié
Photo du roi Mohammed VI avec le t-shirt qui parlait à l'oreille d'Ignacio Cembrero / Ph. Soufiane El Bahri
Les ambitions hégémoniques de George W. Bush sur l'Empire du Milieu, selon le coup du Cembrero / DR
Dans une autre vie, François Hollande était Kazakh, selon le coup du Cembrero / DR
Le prix Nobel de la paix ne suffisant pas, Barack Obama veut devenir le Père Noël, selon le coup du Cembrero / DR
Revendication du génocide des Amérindiens par Justin Trudeau, selon le coup du Cembrero / DR

De nombreux journalistes marocains ont eu le plaisir de reçevoir un email ou un message Whatsapp du journaliste espagnol Ignacio Cembrero, qui fait la promo d’un de ses derniers articles et les déclinaisons en d’autres langues. C’est devenu une habitude chez Ignacio pour démontrer ce qu’est le journalisme, le viril, le vrai, le courageux, à nous les eunuques de la presse marocaine. Une manière de nous dire : «Voyez ce que vous n’êtes pas capable d’écrire dans vos colonnes, voyez comment je m’en délecte.» Voyons ?!

Etonnemment, cette virulence disparaît dès qu’il est question des intérêts nationaux de l’Espagne. L’indépendantiste Ignacio, quand il s’agit de soutenir les séparatistes du Polisario au Sahara occidental, redevient nationaliste à Madrid, en se tenant à distance (euphémisme) des indépendantistes catalans en 2017. De même, dès qu’il s’agit des enclaves espagnoles de Ceuta et de Melilla, il oublie rapidement ses leçons d’humanisme pour prendre des positions anti-migrants. Il fait siennes les envolées militaristes de José María Aznar (PP), parce que le journaliste espagnol refuse la décision souveraine du Maroc en termes d’importations de marchandises. 

Le coup de Cembrero

Si le deux poids, deux mesures est assez affligeant quand on se veut journaliste indépendant, comment qualifier le dernier coup de Cembrero ? Rappelons la pichenette du journaliste qu’on aimait autrefois lire pour ses articles sur le Maghreb, avant que son bras de fer avec le Makhzen ne se termine par son éviction du journal El Pais qu’on ne peut que regretter en défenseur de la liberté de la presse. Oubliant les articles d’analyse politique, voilà donc Ignacio Cembrero venu nous parler de chiffons. Profitant du traditionnel buzz des photos royales dont certains médias marocains se sont fait les spécialistes, le journaliste espagnol a pondu toute une théorie sur les réminescences coloniales du roi du Maroc.

Dans son cocktail, Ignacio mélange trois rubriques journalistiques traditonnellement distinctes : mode, people et politique. Si le roi Mohammed VI portait ce t-shirt où sont inscrits quelques vers d’un poème andalou (Poème de Abu al-Baqa al-Rundi, mort à Ceuta en 1285), c’était parce qu’il serait nostalgique de cette période d’Al-Andalus et voudrait envoyer un message aux Espagnols. Ce qui aurait dû rester au stade de la discussion de comptoir ou du tweet insolite a fait l’objet d’une analyse politique capillotractée.

De Saussure et Barthes en #PLS

Suivons donc la logique et les méthodes d’Ignacio Cembrero en matière d’analyse du signifié d’une image et reprenons les photos en diaporama : les ambitions hégémoniques de George W. Bush sur l’Empire du Milieu ; dans une autre vie François Hollande était Kazakh ; le prix Nobel de la paix ne suffisant pas, Barack Obama veut devenir Père Noël, ou pire la revendication du génocide des Amérindiens par Justin Trudeau. Si demain, une photo de Felipe VI avec des Havaïnas aux pieds sortait, Ignacio Cembrero titrera-t-il sont article «Nostalgie du roi d’Espagne pour l’empire ibérique en Amérique» ? 

Puisqu’on est en Amérique et qu’on parle de chiffons, finissons sur le sombrero. Au football, le coup du sombrero est un geste technique qui consiste à faire passer le ballon par-dessus son adversaire pour l’éliminer. C’est la trajectoire du ballon qui s’apparente au chapeau mexicain imaginaire que porterait l’adversaire, qui a donné cette appelation. Désormais, vous pourrez appeler le coup du Cembrero, cette technique journalistique qui consiste à passer par-dessus le journalisme pour commenter un fait insignifiant et en tirer des conclusions politiques des plus tendancieuses.

Même si vous n’êtes pas journalistes, vous pouvez vous exercer au coup du Cembrero en proposant une légende à cette image épique du roi Fayssal avec Maître Yoda de Star Wars qui avait été reprise dans un livre en Arabie saoudite.

Article modifié le 16/09/2019 à 22h21

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