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Grand Angle

Maroc : Une conjoncture positive dans l’industrie, mais quid du long terme ?

Selon le Haut-commissariat au plan, la conjoncture économique retrouve des couleurs au second trimestre de l’année 2019, avec globalement des tendances haussières dans l’industrie. Des signaux positifs que tient à nuancer le professeur Mohamed Chiguer.

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Photo d'illustration / DR
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Que de prévisions positives dans les secteurs de l’industrie pour le deuxième trimestre de l’année 2019. C’est ce qu’indique le Haut-commissariat au Plan (HCP) dans une note sur les résultats des enquêtes trimestrielles de conjoncture sur le secteur des industries manufacturières, extractives, énergétiques et environnementales.

En effet, l’institution explique cette tendance par une hausse de l’activité des industries alimentaires et de l’industrie chimique, face à la diminution de celle de la métallurgie et de l’industrie automobile. Le HCP prévoit une augmentation de la production industrielle, notamment pour celle des phosphates. «Au niveau des effectifs employés, les patrons de ce secteur prévoient une stagnation», indique la même source, relayée par la MAP.

Par ailleurs, le secteur de la construction évolue au vert grâce à son augmentation d’activité, notamment au niveau des branches du génie civil et des travaux de construction spécialisés.

Une conjoncture trompeuse ?

Si le pronostic économique du HCP est positif pour le second trimestre de l’année courante, il ne n’est pas suffisant pour dessiner les contours de la situation nationale dans l’absolu, nous explique le professeur d’économie Mohamed Chiguer. Egalement président du Centre d’études et de recherches Aziz Belal, le spécialiste affirme que «pour connaître l’état de santé d’une économie, ce n’est pas la conjoncture trimestrielle qui importe le plus, mais la tendance générale et les questions structurelles permettant de définir jusqu’à quel degré le Marc est un pays industrialisé».

«Le constat est que le Maroc est un pays qui ne s’industrialise pas. Certes, nous sommes dotés d’usines qui sont très souvent l’œuvre d’investissements étrangers, mais nous restons globalement un pays peu industrialisé», affirme le chercheur, ajoutant que «positive ou négative, la conjoncture actuelle ne change pas les choses en substance».

Pour cause, Mohamed Chiguer estime que «l’industrialisation suppose un processus marqué par des moments forts». Dans ce sens, il cite un «enseignement de qualité pour une formation adéquate avec l’évolution du monde et de la société de savoir, impliquant d’avoir une école publique forte, ce qui n’est pas le cas actuellement».

«L’école publique de qualité doit alimenter le secteur de la recherche et du développement, avec une certaine innovation. Au Maroc, ces moments forts n’existent pas ; par conséquent, nous ne sommes pas dans une posture d’industrialisation. Nous avons des usines, mais ça s’arrête là.»

Mohamed Chiguer, économiste

L'industrialisation du Maroc à la peine ?

Par ailleurs, le professeurs fait remarquer que «le capital direct étranger n’est pas intéressé par le développement du pays hôte – le Maroc en l’occurrence –, car il est dans une démarche de délocalisation et de sous-traitance, dans une absence de transfert technologique et de savoir-faire». Pour lui, tous ces éléments doivent être liés à l’accumulation du savoir.

«Tant que ces éléments-là ne sont pas en symbiose, l’état de la conjoncture reste secondaire lorsqu’il s’agit d’analyser en profondeur la situation économique nationale actuelle», souligne encore Mohamed Chiguer.

Autre constat dressé par Mohamed Chiguer concerne la faible teneur en emplois de la croissance économique.

«Cette conjoncture ne sert pas non plus à combattre le chômage, dont le taux le plus élevé touche les 15-24 et surtout les plus diplômés parmi eux, notamment ceux de la formation professionnelle. Plus on est formé, plus on a de difficulté à trouver un travail, car n’étant pas en phase d’industrialisation, nous faisons peu appel aux matières-grises.»

Mohamed Chiguer, économiste

Autre indice sur cette situation, Mohamed Chiguer rappelle que «40% des personnes actives au Maroc travaillent dans l’agriculture et plus de deux millions évoluent dans l’informel». «Si l’on compare avec les chiffres des années 2000, on peut dire que le Maroc se désindustrialise», conclut-il. 

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