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Interview

Najat M’jid : «Les mécanismes de recours pour les victimes d'abus restent impératifs»

Mardi, Najat Maalla M’jid a rejoint le Comité consultatif de la société civile sur la prévention de l'exploitation et des abus sexuels. L’experte marocaine, ancienne rapporteuse spéciale des Nations unies sur la prostitution des enfants, entre autres, revient pour Yabiladi sur plusieurs questions concernant ses nouvelles missions.

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Najat Maalla M’jid a été nommée membre du Comité consultatif de la société civile sur la prévention de l'exploitation et des abus sexuels. / Ph. DR
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Après avoir été Rapporteuse de l’ONU, vous êtes désormais membre du Comité consultatif onusien sur la prévention de l’exploitation et des abus sexuels. Quelle est votre réaction suite à cette nomination ?

Je suis d’abord honorée de la confiance qu’on réitère en moi, étant très engagée dans la protection des enfants contre toutes les formes de violences, y compris les abus sexuels. C’est un domaine que je connais bien et je suis ravie d’y être pour qu’on puisse réellement mieux protéger les enfants contre les violences et surtout par toutes les organisations des Nations unies. C’est une initiative superbe qui est portée par le Secrétaire général des Nations unies. J’en suis ravie et je ferai tout mon possible pour y contribuer.

Selon vous, comment l’ONU peut mener sa lutte contre l’exploitation et les abus ?

Les Nations unies, ce sont des mécanismes, des agences. Leur mission même est de protéger les droits des personnes où qu’elles soient, surtout dans les contextes de guerre et d’urgence. Il y a eu des échos sur pas mal de choses, des allégations contre des abus commis par des agents de l’ONU, que ce soit des casques bleus ou autres, et il y a des politiques de protection et des codes de conduite, mais clairement et honnêtement, ce sont des pratiques qu’on ne peut plus tolérer.

Maintenant, il faut être plus vigilant et plus exigeant pour voir comment on peut faire en sorte que les auteurs de ces crimes soient punis pour donner l’exemple. Il faut surtout mettre en place des mécanismes qui préviennent et permettent à des victimes potentielles de prendre connaissance de ces mesures.

Le renforcement, l’empowerment (autonomisation, ndlr) et l’information destinée à ces personnes et ces mécanismes de recours qui assurent leur confidentialité, leur protection et leur sécurité, et leur permettre d’avoir accès à leurs droits, cela reste impératif.

Qu’en est-il pour le Maroc ? Le royaume est-il sur la bonne voie dans la lutte contre les abus et l’exploitation sexuelle ?

Le Maroc a ratifié énormément de conventions qui visent à protéger les femmes et les enfants contre toutes formes d’abus et d’exploitation sexuelle, comme le protocole additionnel à la convention des droits de l’enfant. On ne peut pas évaluer le Maroc pour dire s’il est bon ou pas bon. Mais je peux vous dire, pour avoir travaillé – et je continue – sur la politique de protection des enfants au Maroc qu’il y a, en termes d’exploitation et d’abus sexuels contre les enfants, une avancée quant aux lois. Maintenant au niveau de la protection effective ou de l’accès effectif à une justice, à une réparation et à des sanctions, on a encore beaucoup à faire.  

Une affaire récurrente fait toujours l’actualité en Europe : l’épineuse question des mineurs non accompagnés, majoritairement Marocains. Selon vous, ce débat prend-t-il en considération la protection des enfants ?

Les migrants mineurs non accompagnés, qu’ils soient demandeurs d’asile, en migration, en transit ou en situation d’accueil, que ce soit des Marocains en Europe ou des Subsahariens, Irakiens ou Syriens au Maroc, sont dans les mêmes conditions. Tous ces pays ont ratifié la convention internationale des droits de l’enfant. La première des choses est que tout enfant de moins de dix-huit ans a droit à une protection et une sécurité. Clairement, il a le droit d’accès aux mêmes droits que les autres enfants résidant sur un territoire.

Il y a un grand débat de fond sur le volet de la migration. Effectivement, les réponses ne sont pas idoines et ce qui se passe notamment en Europe n’est pas bon du tout. Je suis désolée mais ils sont sur une approche de plus en plus sécuritaire, une approche de refoulement et qui n’a pas comme priorité la protection des enfants et de leurs droits.

Il faut aussi faire attention aux mémorandums bilatéraux signés entre Etats : le retour des enfants doit se faire de manière concertée et volontaire. Il faut aussi être sûr que lorsqu’ils retournent dans leurs pays, ces enfants trouvent des solutions alternatives durables et que leur protection et leur sécurité sont garanties. Pour le cas des enfants, ce n’est pas des refoulements manu militari.

Le challenge pour la migration des mineurs, c’est comment faire pour mettre en place des mécanismes de protection mobiles qui traversent aussi les frontières tout comme ces enfants. Cela pose aussi plusieurs questions, comme l’échange d’information. Mais c'est une question de fond qui peut être résolue, parce que si on veut, on peut.

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