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Grand Angle

Huelva Gate : L’ANAPEC a-t-elle appris de ses erreurs ?

Beaucoup d’encre a coulé depuis l’éclatement de l’affaire Huelva Gate en mai dernier. Cette année, et à quelques semaines du départ de la première vague de saisonnières, l’ANAPEC en charge du programme du côté marocain semble vouloir rectifier les erreurs du passé, bien qu’elle soit déjà pointée du doigt par quelques syndicats et associations au Maroc et en Espagne.

Publié
Photo d'illustration./Ph.DR
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Des employeurs espagnols sont arrivés ce mercredi au Maroc pour sélectionner des saisonnières marocaines qui se rendront à Huelva pour la récolte de fraise, durant la campagne agricole de cette année.

L’information, relayée par le  média local Huelva Informacion, nous a été confirmée ce mercredi par l'Agence Nationale de Promotion de l'Emploi et des Compétences (ANAPEC). Les responsables de Freshuelva, Asaja, UPA, COAG et Fresón de Palos se rendront dans quatre villes : Kénitra, Oujda, Marrakech et Meknès. Ce déplacement d’employeurs espagnols intervient après la phase de présélection effectuée par l’ANAPEC, partenaire du gouvernement espagnol dans le cadre de cet accord de migration circulaire.

Mais la campagne agricole de cette année ne semble pas faire l’unanimité. En effet, le syndicat des commissions ouvrières CCOO-A a fustigé le gouvernement espagnol, qualifiant les méthodes du ministère du Travail et celui de la Direction générale des migrations «d’arbitraires», s’agissant du recrutement des travailleuses marocaines, rapporte Huelva Informacion.

Des critères machistes pour certains

D’après la centrale syndicale, le gouvernement ibérique ne se serait pas entretenu avec les toutes les parties prenantes, ce qui «viole le droit des syndicats de participer à l'établissement de quotas et des critères de sélection pour les campagnes agricoles». Ce dernier point est d’ailleurs pointé du doigt par le syndicat, qui rappelle que ces critères de sélection ont été longtemps contestés. «Si les exigences sont les même que lors des campagnes précédentes, (nous) considérons qu’elles sont discriminatoires à l’égard des femmes», indique-t-on de même source.

Le syndicat espagnol estime que «les aspects professionnels ne sont pas prioritaires», contrairement aux «aspects à caractère personnel liés à des concepts machistes tels que l’âge, le fait d’être marié ou veuf et avoir des responsabilités familiales pour assurer le retour».

Contacté précédemment par Yabiladi, le directeur de l’ANAPEC, Abdelmounaïm Madani nous confiait que les procédures de présélection et «les critères sur lesquels l’agence devait se baser allaient être publiés de façon transparente». Il nous affirme ce mercredi que «des annonces, en langue arabe et qui décrivent les critères, ont été affichées dans les agences de l’ANAPEC concernées».

Mais les critères de cette année ne diffèrent pas de ceux des éditions précédentes. Ainsi, pour devenir saisonnière en Espagne, il faut «être une femme, jouir d’une bonne santé, avoir entre 25 et 45 ans, résider dans le monde rural, avoir déjà travaillé dans l’agriculture, être mariée, divorcée ou veuve, et avoir des enfants de moins de 14 ans».

Une discrimination positive pour d’autres

Ces critères ont été dès le départ établis par les responsables marocains et ce depuis plus de 10 ans. Le nouveau directeur de l’ANAPEC y voit «une discrimination positive envers la femme qui souffre déjà d’une exclusion». Selon lui, les critères de sélection favorisent aussi l’accès des femmes rurales à cet emploi. Quant à l’âge, le directeur de l’ANAPEC affirme qu’il s’agit d’«un critère objectif, mais qui n’est ni exclusif ni discriminatoire», tout comme l’expérience exigée.

Longtemps délaissé par le programme, les mères célibataires ne répondaient pas jusque-là aux critères. Mais cette année, une initiative a été lancée par l’ANAPEC. L’agence marocaine s’est entretenue avec l’association Insaf et «a sélectionné 13 femmes pour les inclure dans cette opération», nous rapporte Abdelmounaïm Madani. Ce dernier déclare aussi que «pour la première fois, ce programme est géré avec beaucoup de profondeurs sociales et humanitaires».

Interrogé quant au suivi qui devrait être effectué en Espagne, le directeur de l’ANAPEC nous confie à demi-mots, qu’il n’y en aura pas un. «C’est vrai que ces femmes peuvent être harcelées, comme toute autre femme dans le monde ou même au Maroc», déclare-t-il avant de se rattraper. «Une fois sélectionnées, des ateliers de sensibilisation seront organisés au profit des saisonnières», assure-t-il, avant de souligner l’existence de «cours d’autoprotection».

Pour rappel, la campagne 2018 de cueillette des fraises à Huelva a été entachée par un scandale sur fonds d’accusations de harcèlement sexuel présumé. Dix saisonnières marocaines ont dénoncé leurs conditions de travail dans les champs de fraise, ainsi que les présumées agressions sexuelles dont elles auraient été victimes, de la part de leurs employeurs, créant la polémique en Espagne et au Maroc.

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