Le débat suscité par l’affaire désormais célèbre de la voiture de fonction du ministre de la Jeunesse et des Sports est salutaire puisque celui-ci cristallise de nombreuses problématiques liées à la gestion des deniers publics.
Moncef Belkhayat n’en est pas à son premier scandale et, à chacune de ces révélations, un pan entier lié à la gestion de l’argent public apparaît au grand jour, poussant les citoyens qui s’y intéressent à réaliser qu’ils sont en droit de s’interroger, de demander des comptes, d’avoir accès aux documents liés aux marchés publics ou plus généralement de s’enquérir des dépenses de l’Etat.
Si Moncef Belkhayat considère que «disposer d’une voiture de fonction est un droit constitutionnel» il faudrait espérer que ce dernier lise la nouvelle constitution, qu’il la comprenne , et qu’il réalise que c’est la reddition des comptes, la transparence et la bonne gouvernance qui sont érigées en dogmes par son article premier.
L’A8gate a été pour certains un faux débat, une boutade futile, voire une campagne de dénigrement à l’encontre d’un ministre en période électorale, toutefois, pour la majorité des lecteurs, commentateurs et observateurs, cette affaire fut l’occasion de confirmer qu’il est désormais temps d’instaurer «la culture de demander des comptes» et de lutter contre le dangereux état de fait de «l’impunité».
Ces deux notions sont les deux versants d’une même valeur que le Maroc se targue de défendre au quotidien : la «bonne gouvernance», thème désormais chéri par nos officiels.
Prôner la bonne gouvernance et rejeter en même temps le contrôle ou les interrogations du citoyen revienent à verser de l’eau dans le sable. Ces exigences sont légitimes et seront à leur tour les assises de la confiance que le gouvernement tente d’instaurer, a fortiori, en période électorale.
Je considère donc que l’A8gate est une opportunité pour appeler à plus de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des deniers publics. Seules ces opportunités, si elles sont mises en lumière, permettront de réactiver le processus de confiance et d’instaurer l’accès à l’information, préalable nécessaire à toute reddition de comptes dans un sens large.
Il ne faut pas non plus considérer que nous sommes dans une zone de non droit où l’impunité règne. Transparency Maroc relate régulièrement dans ses rapports et revues de presse les cas de fonctionnaires écroués pour détournement, dissipation ou autre. Seule la ligne taboue qui consiste à poursuivre «un haut fonctionnaire» est rarement franchie.
Aussi nous attendons beaucoup des institutions et organismes en charge de vérifier, d’enquêter ou d’instruire ce type d’affaires. Celles-ci ont un rôle deux fois plus important : protéger les deniers publics et instaurer la confiance.
L’ère des insultes et intimidations est révolue surtout de la part d’un ministre magistralement contesté par les jeunes qu’il représente ou par les citoyens qui lui adressent des déclarations ironiques, des pamphlets sérieux, des questions laissées en suspens, ou des lettres ouvertes destinées au ministre du Dénigrement de la jeunesse et de la Marchandisation du sport… Tout un programme !
Nonobstant les gaffes et bourdes que ce dernier continue à commettre avec emphase, sa gestion des deniers publics devrait, en effet, faire l’objet d’un vaste débat. Si ce dernier est réalisé de manière saine, il devrait naturellement tendre vers une réaction de nos dirigeants et de nos élus.
A l’heure où les partis politiques concluent sur un programme électoral qu’ils devraient présenter publiquement bientôt, je ne saurai que trop leur conseiller d’ajouter dans leurs promesses de faire le ménage voire de balayer devant leur porte et de considérer la gestion des deniers publics comme étant LE cheval de bataille des valeurs qu’ils défendent. Je ne pense pas être en tort lorsque j’avance que ce point pourrait gommer beaucoup du désintérêt des citoyens pour la politique.
Sans vouloir verser dans l’idéalisme voire l’utopie, je demeure convaincu qu’un brin de rationalisation des dépenses, d’optimisation des deniers et de moralisation de la vie publique aiderait donc grandement à instaurer un climat sain et serein et c’est pour cette raison que j’encourage et participe au débat.