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Grand Angle

Aides à la presse : La Cour des comptes épingle le ministère de la Communication

Dans son rapport publié ce lundi, la Cour des comptes consacre un long chapitre aux dysfonctionnements qui minent le secteur de la presse marocaine. Elle pointe du doigt les politiques du ministère de tutelle dont les échéances ne sont pas respectées, ou encore l’opacité de certaines mesures.

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Driss Jettou, président de la Cour des comptes marocaine / Ph. DR
Temps de lecture: 3'

Publié ce lundi, le rapport de la Cour des comptes (CC) au titre des années 2016 et 2017 décortique nombre de dysfonctionnements constatés au niveau des départements ministériels, ou de certaines politiques menées par leurs administrations, notamment sur le plan social. La presse et les modalités de l’octroi des aides publiques font également partie des secteurs qui connaissent des failles longuement évoquées dans ce document.

Ainsi, le rapport rappelle que l’aide de l’Etat à la presse «totalise près de 659 millions de DH, mobilisés dans le cadre de deux contrats programmes entre 2005 et 2016». Malgré cela, ce secteur connaît «une situation financièrement fragile». Dans ce sens, la Cour des comptes rappelle que la presse se retrouve affaiblie face aux «contraintes d’ordre financier liées à des arriérés au titre des impôts, ou de cotisations de la sécurité sociale (CNSS), du contentieux devant la justice».

Des difficultés stratégiques

Plus que des modèles économiques clairement définis, le secteur de la presse nationale est pauvre d’une véritable vision stratégique. Dans ce sens, la Cour des comptes mentionne «l’absence d’un document déclinant la stratégie du ministère chargé de la communication, qui retrace la vision de ce dernier quant à la presse, ainsi que les objectifs fixés et les projets à réaliser par axe stratégique selon un échéancier défini».

A cette absence de vision claire se greffent ainsi les difficultés financières, liées à la «baisse du volume de la diffusion des titres de presse», en plus d’«une migration du lectorat vers les médias électroniques grâce au développement des nouvelles technologies de l’information», rappelle la Cour des comptes.

Dans ce contexte, le document souligne que le secteur est en proie à «une baisse de la part du marché en termes de recettes publicitaires», signalant notamment «l’absence d’étude sur le secteur de la presse écrite, en dépit du lancement par le ministère de tutelle, en 2009, d’un appel d’offre pour la réalisation d’une étude sur le développement du secteur de la presse écrite». Un projet qui n'a pas abouti, son reliquat des crédits a été annulé en 2013.

L’incohérence des contrats programmes avec les usages

Mis en place depuis 2005, les contrats programme (CP) et leur élaboration n’ont pas été épargnés par la CC. Celle-ci souligne une faible corrélation entre les objectifs des CP visant à moderniser des entreprises de presse, et les usages faisant que les financements de l’Etat demeurent en grande partie alloués aux charges de fonctionnement, voire le paiement des arriérés d’impôts ou même les cotisations de la CNSS des entreprises de presse.

La Cour des comptes avertit également qu’en matière d’exécution de ces aides, «l’ajout d’une nouvelle catégorie de bénéficiaires et des révisions de l’aide accordée» ont été opérés, «sans recours à un avenant» au contrat programme. Plus loin, le rapport constate que la signature des conventions individualisées, conformément auxdits contrats, n’a pas été systématique. Aussi, la convention relative à la mise à niveau des entreprises de presse écrite n’a pas été conclue, dans un contexte où la loi portant sur le fonctionnement de la Commission paritaire n’est toujours pas sortie.

«En outre, depuis l’entrée en vigueur du premier contrat programme en 2005, aucune évaluation n’a été réalisée par le ministère chargé de la Communication pour apprécier, d’une part, les effets des aides sur le secteur de la presse et, d’autre part, le degré de réalisation des objectifs tels que prévus par les contrats programme.»

Rapport de la Cour des comptes 2016/2017

Ce constat pousse la Cour à évoquer «des insuffisances liées aux critères d’attribution des aides, fixés par les CP, et qui se manifestent par la difficulté de classement des entreprises de presse à cause de l’absence d’homogénéité des critères retenus par le CP, ainsi que par la non clarification des critères pour bénéficier des aides complémentaires ou exceptionnelles».

Une mise en œuvre des lois qui traîne

La Cour des comptes explique que le premier contrat programme devait se terminer en 2009. En attendant la conclusion d’un contrat supplémentaire, la prolongation du premier a été signée en novembre 2009. Cependant, il a fallu attendre le 31 juillet 2015 pour la signature de celui couvrant les années de 2014 à 2019.

Concernant les termes du CP actuel, la CC constate notamment que le règlement interne et le Code d’éthique des représentants du comité veillant à son élaboration n’ont pas été votés. Contrairement aux termes du contrat, le ministère de tutelle n’a pas encore élaboré de cadre juridique plus précis à l’usage de la publicité, aux modalités de diffusion, ainsi que celles des déclarations juridiques, judiciaires et administratives. 

Ce constat trouve son échos dans le comparatif des subventions précédemment élaboré par Yabiladi, confirmant notamment une tendance à l’accumulation des aides directes de l’Etat, en l’absence de modalités clairement mises en place à cet effet. Justement, le rapport de la Cour des comptes constate qu’en 2015, 22% du total de ces aides a bénéficié à quatre entreprises (soit 13,57 millions de DH). L’institution considère que ce chiffre est révélateur d’une éventuelle tendance à la baisse du nombre de bénéficiaires de ces subventions, dans un marché qui compte plus de 488 titres de presse écrite et plus de 250 sites d’information en ligne.

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