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Grand Angle

Chronique littéraire : La répudiation comme source de résurrection de l’identité féminine

Dans «La Répudiée», Touria Oulehri démontre comment la décadence du corps féminin peut jouer un rôle crucial dans la mutation de la vie d’une femme, jusqu’à la pousser à réfléchir sur son existence, sur elle-même et sur son destin.

Publié
Photo d'illustration. DR
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Après avoir vécu quinze ans de bonheur auprès de son conjoint, la vie de Niran, personnage principal de ce roman, va complètement changer dès l’instant où elle découvrira qu’elle est définitivement stérile. Son époux, au lieu de suivre l’appel de la raison, obéira à sa mère, lui suggérant de prendre une nouvelle épouse apte à lui donner une descendance qui porterait le nom de la famille. Le mari s’exécute immédiatement et sans même prévenir Niran, la répudie. Celle-ci est sous le choc et considère cette répudiation comme une grande trahison. Le départ de son mari est une véritable humiliation. En vue dissimuler sa honte, elle s’enferme et s’esseule. Une longue histoire de souffrance commence pour elle, et risque de l’altérer complètement.

La peur de la solitude et du futur

Au fond, l’héroïne n’a pas encore atteint l’état adulte. Étant passée de la tutelle de son père à celle de son mari, Niran n’a jamais appris à assumer ses responsabilités. Se retrouvant abandonnée par son mari, elle va développer une appréhension du futur. Ce dont elle a peur, c’est la solitude : «Je prends tout à coup conscience, avoue-t-elle, que j’ai peur d’avoir à affronter ‘‘seule’’ le monde.»

Cette peur effroyable, qui la ronge de l’intérieur, va la pousser à se recroqueviller sur elle-même et s’abandonner au désespoir : «Mon cœur était une boule anesthésiée ; j’avais peur de la douleur, de la solitude, de l’absence et de la mort.» Ces sentiments négatifs vont corroder l’héroïne ; corporellement et moralement. Quelques jours seulement ont suffi pour qu’elle atteigne un haut niveau de déchéance physique et morale. Une telle déchéance fut telle, qu’à la fin, elle ne se reconnaît plus : «Aujourd’hui mon visage affaissé, aux traits tirés et fatigués, n’est plus le mien, je ne me reconnais pas en cet être monstrueux, aux yeux de démence, je ne veux plus le voir. Je fuis vers le jardin.»

L’altération corporelle et la prise de conscience identitaire

Néanmoins, Niran, après avoir pris suffisamment le temps de saisir ce qui vient de lui arriver, décide sur un coup de tête de prendre son courage à deux mains et de rattraper sa vie. Son aspect physique décadent est à l’origine de sa décision. Une telle décadence va la conduire à la prise de conscience de son existence, à la nécessité du changement et à la reconstruction de son moi, qui avait été profondément agité. Niran démissionne de son emploi et part s’installer à Casablanca. Cette nouvelle situation engendre une nouvelle mutation du personnage. Il a donc fallu que Niran passe par le «purgatoire» de la répudiation, qu’elle vive la déchéance de son corps, pour qu’elle décide enfin de réagir et de reprendre sa vie en main.

Sa nouvelle vie va octroyer à son corps cette beauté qu’elle avait avant la répudiation. Niran, nouvellement rétablie, va avoir une nouvelle relation amoureuse avec l’un des invités dans une fête à laquelle elle a été invitée à Marrakech. Et le roman s’achève sur une promesse d’un enchantement, cette fois-ci réel, vu que (la nouvelle) Niran est désormais souveraine et apte de décider par et pour elle-même.

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