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Grand Angle

Maroc et CEDEAO : Du lobyying mais pas de débat

Depuis décembre 2017, la CEDEAO ne s’est plus exprimée à propos de l’adhésion du Maroc. Si ce dernier poursuit son intense lobbying dans la sous-région, le silence règne pourtant au royaume. Aucun débat politique sur le fond et les implications d’une décision aussi cruciale n’y a été organisé.

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L’Institut Amadeus a tenu mardi 15 mai sa troisième conférence à propos de l’adhésion du Maroc à la CEDEAO. Le think tank fondé par Brahim Fassi Fihri, fils de l’ancien ministre des Affaires étrangères Taïeb Fassi Fihri et actuel conseiller royal, mène depuis le début de l’année un lobbying intense en Afrique de l’Ouest pour promouvoir l’intégration du Maroc. Au royaume, l’unanimisme a, au contraire, annulé toute velléité de débat.

Du côté de la communauté ouest-africaine, le comité composé des présidents togolais, ivoirien, ghanéen, guinéen et nigérian, conçu à l’occasion du 52e Sommet de la CEDEAO en décembre dernier pour «adopter les termes de références et superviser l’étude approfondie des implications de cette adhésion», ne s’est toujours pas exprimé. Depuis lors, une deuxième étude d’impact a seulement été commanditée début février 2018 pour analyser les relations économiques entre le Maroc et le Nigéria, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Mali et le Togo.

Si le silence de la CEDEAO interpelle, il frappe encore plus côté marocain car «le Maroc n’a lancé aucune étude d’impact pour identifier les avantages et les inconvénients de cette adhésion pour lui-même», remarque Mohamed Harakat, professeur de finances publiques et de gouvernance globale à l’Université Mohammed V-Soussi, à Rabat. Préoccupé par le manque de débat autour du projet d’adhésion du Maroc, ce dernier a présenté, hier à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de l’Université Hassan II de Casablanca, l’ouvrage «La nouvelle géopolitique marocaine en Afrique à l’heure de l’adhésion à la CEDEAO», publié sous sa direction.

«Méconnaissance réelle du continent»

«Au Maroc, nous n’avons pas de culture de l’étude d’impact. C’est quelque chose qui commence à peine à entrer dans les pratiques, souligne-t-il. En même temps, au Parlement, les élus et les partis politiques ont tendance à ne pas discuter des projets royaux et leur méconnaissance du continent est réelle», regrette-il. De fait, les difficultés soulignées par la première étude d’impact de la CEDEAO publiée en décembre dernier n’ont fait l’objet d’aucun débat, d’aucune discussion alors qu’elles révèlent les changements cruciaux que le Maroc devra être prêt à opérer s’il veut vraiment adhérer à la CEDEAO.

«Nous nous sommes précipités pour demander l’adhésion à la CEDEAO quelques mois auprès avoir intégré l’Union africaine, alors que les Etats d’Afrique de l’Ouest travaillent à leur rapprochement depuis des années. Le Maroc ne peut s’engager dans une démarche d’harmonisation et de convergence sans en débattre, sans réaliser d’abord des études d’impact.»

Mohamed Harakat

Pour adhérer à l’organisation sous-régionale, le Maroc devra notamment être prêt à adopter la monnaie unique que les 15 pays membres ont pour objectif de mettre en place, une concession majeure en termes de souveraineté nationale. Il devrait adopter une politique de «laïcité» et de «neutralité» sur les questions relatives à la religion, révélait Telquel en décembre dernier.

Le royaume, qui se caractérise aujourd’hui plus que jamais par la multiplicité de ses alliances stratégiques, pourrait également être contraint de faire des choix sur le plan commercial entre ses différents partenaires. Le projet d’union douanière de la Ligue arabe, dont le Maroc est un membre actif pourrait, par exemple, être incompatible avec le Tarif économique commun (TEC) de la CEDEAO.

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