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Grand Angle

Maroc : L’espoir d’une génération dans l’exil ? [Edito]

Des centaines de jeunes d’Al Hoceima en prison, un gouvernement en pilotage automatique, des Marocains qui finissent dans les geôles libyennes... Ce tableau rappelle un passé triste pas si lointain, et pourtant il constitue notre présent et l’horizon avec lequel nous devrons composer.

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L’exil, entre déchirure et espoir / Statue de bronze Van Gogh II par Bruno Catalano
Temps de lecture: 3'

El Mortada Imrachen s’est vu condamner à 5 ans de prison ferme pour apologie du terrorisme. Nouveau coup de bambou sur une des figures du Hirak qui pourtant n’a cessé d’appeler à l’apaisement. Il rejoint ainsi des centaines de jeunes d’Al Hoceima qui paient un lourd tribut pour avoir tenu tête aux autorités et à un gouvernement qui même en playback ne parvient plus à chanter. Ridicule !

L’espoir des enfants du Rif s’est transformé en sauve qui peut ; l’émigration clandestine ayant repris depuis le début de l’année. La désillusion ne semble pas cantonnée à cette jeunesse du Nord. Plusieurs centaines de leurs compatriotes de la région de Beni Mellal ont tenté d’atteindre l’eldorado européen via la Libye. Ceux qui ne sont pas morts se retrouvent captifs aux mains de milices libyennes. Triste sort pour cette génération née vers la fin des années 90. Les digital native ne semblent plus se contenter du paradis virtuel et veulent goûter IRL au péril de leur vie. Dramatique !

Souriez, vous avez enfin des ministres transparents !

Nous sommes tous responsables, nous qui n’avons rien pu leur offrir de mieux, nous qui avons liquidé les acquis du début du millénaire, nous qui avons cessé de croire à un Maroc meilleur pour nos enfants, nous enfin qui avons jeté l’éponge croyant que le combat était fini. Nous nous complaisons dans ce rôle de spectateurs, obligés de regarder presque impassibles un vaudeville gouvernemental se jouer devant nous depuis plusieurs mois, pour ne pas dire plusieurs années. Indignité !

Pilotage automatique enclenché. On ne sait pas quelle est notre destination, l’équipage gouvernemental non plus. Avez-vous senti une différence depuis le limogeage de la poignée de ministres ? Intérimaires ou titulaires, on peut légitimement se demander quelle est leur utilité. Tout le gouvernement semble sorti d’une agence d’intérim. Après l’épisode «je peux pas m’occuper du Hirak j’ai piscine cette semaine», les ministres rasent les murs de peur d’attirer sur eux la colère royale. Même les plus friands des spotlight médiatiques préfèrent rester tapis dans l’ombre. Ils se sont tellement effacés qu’ils en sont devenus transparents.

Forcément avec un gouvernement Carglass, le pays souffre, la confiance s’érode comme les collines de Tissa laissant affleurer les couches de sel gemme. Des espoirs d’une jeunesse ne reste que le goût iodé de la mer Mediterranée. Amertume ! Un gâchis d’autant plus grand qu’à l’international, le Maroc marque de précieux points et semble retrouver sa place dans le concert des nations. La politique intérieure a-t-elle été délaissée au profit des ambitions africaines ?

L’hiver sera rude au Sud

A croire que le temps des réformes et de la construction démocratique est désormais dépassé. A quoi bon ? Le printemps arabe s’est transformé en poison pour les peuples. Les démocraties occidentales sont effrayées de perdre les derniers Mohicans, ultimes remparts contre les groupes djihadistes. Les Etats faillis ont ouvert des autoroutes migratoires menaçant les fragiles équilibres en Europe. Des pays d’Europe centrale devenus des démocraties illibérales, tandis que des grandes nations d’Europe occidentale s’inquiètent de la montée des partis d’extrême droite. Forcément, cette nouvelle équation a rebattu les cartes des relations avec les pays du sud et notamment la Turquie et le Maroc, deux pays charnières pour la sécurité du Vieux continent.

Les forces démocratiques des pays du sud pourront de moins en moins compter sur la discrète pression des pays occidentaux sur leur gouvernement. Elles ne devront compter que sur leurs maigres forces et tenter de mobiliser une société désabusée, démobilisée et décapitée de ses locomotives : élites politique, intellectuelle et syndicale sans oublier les médias et associations, etc.

Si en Europe, les débats démocratiques sont encore vivaces, s’interrogeant sur le choix entre sécurité et liberté, chez nous la notion même de débat est en liberté surveillée. C’est un constat désolant que nous devons désormais intégrer : la sécurité des pays industrialisés se fera au détriment des libertés des populations des pays du sud.

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