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Grand Angle

Spoliation : Une Marocaine de confession juive, nouvelle victime de la mafia immobilière

Messoudy Cohen et la famille d’Abdelhak Shalom vivaient paisiblement dans un immeuble situé entre les boulevards d’Anfa et Ziraoui depuis plus de cinquante ans avant qu’ils soient visés par un avis d’expulsion. Si Monsieur Shalom a fini par céder et quitter le Maroc, Messoudy Cohen résiste encore, même face aux récentes tentatives de son expulsion. Récit.

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Messoudy Cohen, Marocaine de confession juive, est la toute dernière résistante contre les menaces d’expulsion de l'appartement où elle vit depuis 54 ans. / Ph. DR
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Un début de semaine très mouvementé pour Messoudy Cohen. Cette Marocaine de confession juive est la toute dernière résistante contre les menaces d’expulsion «illégale par plusieurs décisions de la justice casablancaise».

Lundi 31 juillet, plusieurs estafettes des autorités locales ont été arrêtées en bas de son immeuble avec un avis d’expulsion au nom de… son frère résidant aux Etats-Unis depuis plus de 37 ans. D’une voix tremblante, pleine de chagrin et d’impuissance, elle nous rapporte le récit de deux journées très agitées, qui ne diffèrent pas de son quotidien depuis 2013. «On m’a envoyé un avis d’expulsion au nom de mon frère qui réside à l’étranger alors que j’ai déjà gagné cette bataille judiciaire au pénal et au civil. Mon frère n’habite même pas dans l’appartement, il est aux Etats-Unis depuis près de 37 ans», nous confie-t-elle.

Prisonnière dans son appartement

«La police est venue. Il y avait quatre estafettes, comme si j’étais une terroriste. Il me semble qu’il a dû donner des pots-de-vin», lâche-t-elle, rapportant que les autorités locales «ont enlevé la photo de Sa Majesté le Roi, accrochée à ma porte depuis quatre ans, cassé la première porte et empêché les femmes de [la] rejoindre avant d’atteindre la porte de [son] appartement».

«Je suis alors allée sur balcon, j’étais prête à me suicider. Je leur ai dit de ne pas m’approcher, que si je mourrais, ce serait à cause d’eux. Une foule s’est formée à l’extérieur et ils ont tenté d’empêcher les gens de filmer. J’étais prête à faire un scandale pour dénoncer la corruption et l’injustice. Ils ont fini par partir.»

Mais son cauchemar est loin d’avoir pris fin. Mardi 1er août, ses portes, «cassées suite à l’intervention policière, ont disparu». «Elles ont été volées en plein jour. Quelqu’un a dû les démanteler et me les dérober», nous raconte-t-elle. «Ce jour-là, d’autres policiers se sont déplacés chez moi pour recueillir mon témoignage et me dire qu’il y a la loi. Mais quelle loi ? La loi du plus fort ? Du plus riche ? La loi de la mafia et des pots-de-vin ?», s’interroge-t-elle.

Les policiers l’ont aussi invité à se rendre au commissariat pour déposer plainte. Mais elle dit ne pas pouvoir quitter son domicile. «Je ne peux pas sortir de chez moi. Je ne sors plus. Ce sont les voisins et les amis qui font des courses pour moi», nous explique Mme Cohen. L’actuel propriétaire aurait, selon elle, embauché des concierges et des agents de sécurité qui la «surveillent tout le temps». «Ils n’attendent que ma sortie de l’immeuble pour m’empêcher à jamais de rejoindre mon chez moi. Il (le propriétaire) a des espions même dans le quartier», affirme-t-elle. «Je suis prisonnière dans mon propre appartement», finit-elle par lâcher.

«Cela fait deux ans que tous les habitants ont été expulsés. Je suis la dernière habitante de cet immeuble. Il leur donne 10 millions de centimes pour les chasser en trois jours. Est-ce juste ? Maintenant, il fait tout pour me chasser de chez moi. Depuis 2013, je vis en enfer.»

Résistante jusqu’au bout

Invitée par sa sœur et ses frères à quitter son domicile et les joindre en France ou aux Etats-Unis, Messoudy Cohen dit ne pas vouloir quitter le Maroc. «Je ne veux pas quitter. Ici, c’est chez moi, c’est ma maison et c’est mon pays», insiste-t-elle. Un choix accepté pourtant par un certain nombre de familles juives qui habitaient l’immeuble situé entre les boulevards d’Anfa et Ziraoui, à proximité du Lycée Lyautey, dont Abdelhak Shalom et sa femme, Viessmann Mobidy.

Les ennuis de ces familles marocaines de confession juive ont commencé en 2013, lorsque l’actuel propriétaire de l’immeuble a porté plainte. Convaincue que celui qui se revendique propriétaire de l’immeuble ne l’est pas en réalité, Mme Cohen a décidé de résister. «Le véritable propriétaire est un Français du nom de Maurice Lebert. J’habite dans cet appartement depuis 54 ans, depuis 1967. L’immeuble a par la suite changé de propriétaire à maintes reprises pour tomber dans les mains de celui-ci, qui l’a sans doute spolié», affirme-t-elle.

Et la septuagénaire de conclure : «Maintenant, il fait tout pour me chasser de chez moi mais je lui ferai un scandale international pour que les gens connaissent cette mafia immobilière.»

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