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Interview

Driss El Ganbouri : «Retirer de l’enseignement les versets du jihad a fait le lit des groupes intégristes»

Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, une campagne avait été lancée pour exiger des pays islamiques de retirer des manuels scolaires les versets appelant au jihad. Le Maroc, comme les autres, s’était plié à ce diktat. Quinze ans après l’adoption de cette politique venue d’ailleurs, les groupes intégristes n’ont jamais eu autant d’adeptes. Driss El Ganbouri, chercheur marocain spécialiste de l’islamisme, souhaite rompre avec cette approche qui, selon lui, ne fait que le lit des groupes radicaux. Interview.

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Driss El Ganbouri, chercheur marocain spécialiste de l’islamisme. / DR
Temps de lecture: 2'

Pourquoi avez-vous appelé dans une tribune à enseigner dans les écoles les versets sur le jihad alors que la tendance générale, aussi bien au Maroc que dans les autres pays islamiques, tend plutôt à les retirer définitivement ?

Il est temps d’enseigner le vrai sens du jihad aux élèves dans les écoles. Le jihad qui exhorte à faire du bien, à travailler honnêtement au profit de soi-même et de l'ensemble de la communauté. Le jihad qui aide à bâtir des hommes et des femmes qui aiment leur patrie. C’est mon interprétation du jihad. Elle diffère totalement de celle prônée par la propagande des groupes extrémistes appelant aux assassinats, aux agressions, au terrorisme, à la terreur et aux massacres - des actes qui sont d'ailleurs bannis par l’islam.

Croyez-vous que de cette façon, la version donnée par les intégristes sur le jihad aura peu d’adeptes parmi les musulmans ?

«On ne peut cacher le soleil par un tamis», dit le proverbe. Les versets coraniques faisant l’apologie du jihad sont bien réels. Ils existent et presque tous les musulmans les ont lus. Aucun rapport du congrès américain ou émanant de centres de recherche en Europe ou ailleurs ne sont mesure de les annuler.

Au lieu de les mettre sous le boisseau, présentons-les aux jeunes générations sous de meilleurs auspices. Par cette approche, on contribuera à immuniser nos enfants contre la propagande des radicaux.

Dans le cas contraire, quel serait le scénario catastrophe ?

Dans le cas contraire, retirer les versets appelant au jihad fera certainement le lit des intégristes. Sans le savoir, les Etats islamiques leur offriront des milliers de combattants prêts à rejoindre les radicaux là où ils se trouvent.

Le vrai sens du jihad auquel vous faites référence, conforme à la fatwa du Conseil supérieur des oulémas du Maroc publiée au lendemain des attentats de Paris du 13 novembre 2015, n’est malheureusement pas partagé par l’ensemble des figures de l’islamisme dit «modéré»…

C’est exact. Par exemple, l’Egyptien Youssef al-Qardaoui et le Saoudien Mohamed Ben Salah Al Othaymine sont pour le report du jihad avec les armes jusqu’à ce que les musulmans reprennent le dessus sur les autres. Ils sont pour instaurer une trêve conjoncturelle en attendant.

Cette interprétation se rapproche de celle des intégristes. Le jihad obéit à des règles bien précises. Il se décline sous plusieurs catégories. Quant au recours aux armes, il relève du domaine exclusif du chef de l’Etat.

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