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Grand Angle

Suite aux violents clashs à Al Hoceima, des PJDistes évoquent le retrait du gouvernement

Quelques heures après les violents clashs ayant opposé les manifestants à Al Hoceima aux forces de l’ordre, les violentes échauffourées semblent avoir un impact direct sur la situation interne du PJD. Certains de ses ténors appellent même à un retrait du gouvernement. 

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Abdelilah Benkirane aux côtés de Mustapha Ramid, Aziz Rebbah et Saâdeddine El Othmani. / DR
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Au lendemain des violentes échauffourées entre les manifestants et les éléments de la sûreté à Al Hoceima, le Parti de la justice et du développement (PJD) reste confiné entre le marteau de son implication présumée dans le retard de plusieurs projets à Al Hoceima, et l’enclume imposée par ses propres élus.

Depuis hier, plusieurs membres de la Lampe évoquent l’éventualité de claquer la porte du gouvernement suite aux violents affrontements survenus le jour d’Al Aïd à Al Hoceima et sa province. Des sorties médiatiques qui risquent de creuser davantage le fossé au sein de la formation politique d’Abdelilah Benkirane, né après plusieurs mois de blocage dans la formation du gouvernement.

Abdessamad Idriss et l’option de claquer la porte du gouvernement

Abdessamad Idriss, membre du secrétariat général de la formation islamiste, a été parmi les premiers PJDistes à s’interroger sur «l’utilité de la présence [du PJD] au gouvernement». Dans un statut posté sur sa page Facebook, le président de l’Association des avocats du PJD est d’abord revenu sur les violations «systématiques» des droits de l’homme. «Pendant cinq ans, on a dit que le Maroc connaissait des violations mais qu’elles n’étaient pas, Dieu merci, systématiques. Qu’en est-il désormais alors que les prémices de ces violations, au moins dans le Rif, apparaissent comme systématiques ? Il faut reconnaître que ça a été une illusion de penser que les dictateurs peuvent croire un jour en la démocratie», écrit-il, tirant à boulets rouges sur le gouvernement dirigé par son parti. Pour lui, la question sur «l’utilité de la présence [du PJD] au gouvernement» reste «sans réponse».

«Je n’attends pas grand-chose d’un gouvernement - dont les circonstances de la formation sont connues de tout le monde - ou d’une large partie de politiques, d’activistes et de personnes lambdas. Leur silence, bien qu’ils en disent long sur leur désaccord, est parfois insuffisant. Nous avons besoin d’un discours fort et clair.»

Durant la période du blocage de la formation du gouvernement, «certaines voix évoquaient l’avenir de la démocratie fragile au Maroc», rappelle Abdessamad Idriss. «Une question avait alors surgi : la place du PJD pour jouer son rôle vis-à-vis de l’Etat, du peuple et de la politique n’est-elle pas dans l’opposition plutôt qu’au gouvernement ?», enchaîne-t-il. «Après plusieurs actualités, il aurait fallu prendre le pouls de la rue avant de prendre une décision au lendemain des votes (lors des législatives de 2016, ndlr)», conclut-il.

Hassan Hamoro et la nécessité d’une «position courageuse avant qu’il ne soit trop tard»

De son côté, Hassan Hamoro estime que les ministres de son parti dans le gouvernement El Othmani «ont besoin d’un rappel et d’une alerte ‘bruyants’ pour disperser le manque d’une lecture réussie et les erreurs de calculs des arguments utilisés pour justifier la formation du gouvernement» El Othmani. Un gouvernement «rejeté par le peuple et disposant d’un taux minime de sa confiance».

«Ils (les ministres PJDistes, ndlr) ne leur est pas demandé de se retirer mais de réaffirmerleur appartenance au PJD en se mettant dans le camp du peuple, sans manquer à leurs obligations vis-à-vis des institutions de l’Etat. Ce qui est espéré, c’est un réveil courageux avant qu’il ne soit trop tard et une position courageuse, sinon une déclaration explicite d’une distance avec le parti.»

Le membre du Conseil national du parti de la Lampe a également souligné que «la confiance des citoyens et leurs voix sont chères» et que «la réforme n’est pas une promesse électorale qui disparaît dès la nomination à un poste ministériel». «La réforme est un slogan quotidien, une résistance continue et renouvelée qui commence par dire la vérité au bon moment», conclut-il.

Imane El Yakoubi face à ceux «qui sont derrière la crise»

Pour sa part, la députée PJDiste Imane El Yakoubi a affirmé que les militants de son parti ne seront pas affectés par le retrait du gouvernement, la dissolution du Parlement ou la tenue de nouvelles élections. «La question est de savoir où est-ce qu’ils sont arrivés, ceux qui entreprenaient l’apprivoisement de certains partis ? Vont-ils trouver un gouvernement à blâmer pour l’échec de l’approche sécuritaire ? Nous sommes ouverts à toutes les propositions, or ceux qui sont derrière la crise ne veulent plus de ces options parce qu’elles ne les sortiront d’aucune impasse», poursuit-elle.

«Le vrai militant n’a pas peur de perdre un poste de responsabilité ou une position. L’assassinat des partis, du Parlement et du gouvernement n’aurait entraîné que l’assassinat de tout espoir dans la poursuite des réformes. L’approche sécuritaire n’a jamais été une solution pour pallier l’absence des institutions.»

Pour la députée parlementaire, «les projets à réaliser n’auront aucun impact tant qu’ils ne renforcent pas le sentiment d'appartenance». «A quoi sert la restauration des routes sur lesquelles le sang des manifestants a coulé ? Quels avantages de créer des chantiers s’ils seront construits sur les ruines d’un sentiment d’injustice et de marginalisation», s’est-elle interrogée. Imane El Yakoubi de conclure : «Le pays est maintenant dans une crise qui affecte plus ceux qui l'ont mis dans cette impasse.»

Maelainine et «les décisions adéquates au moment opportun»

Sa camarade Amina Maelainine confirme que la formation politique de Benkirane passe par «le pire moment jamais vécu depuis sa création», tout en essayant de relativiser. Pour elle, la situation actuelle «démontre qu’il s’agit d’un parti politique réel avec de vrais militants et un vrai projet politique». Qualifiant de «révolte» les voix appelant le PJD au retrait du gouvernement, Maelainine estime que la direction «éclairée» est «celle qui perçoit les signes, consulte l’opinion générale avant de prendre les décisions adéquates au moment opportun».

«Pour ceux qui appellent à garder le silence pour préserver l’unité du parti, la réponse émane des bases qui considèrent que l’unité de la formation et sa cohésion doivent être bâties sur des bases solides. La direction ‘éclairée’, c’est celle qui perçoit les signes, consulte l’opinion générale avant de prendre les décisions adéquates à des moments opportuns.»

Pour la députée de la Lampe, «fourrer sa tête dans le sable et prétendre que tout va bien n’est qu’une atteinte à la réputation du parti et une perte d’un large acquis construit par des militants grâce à de grands sacrifices».

Ces divergences criantes de points de vue seront au menu de la réunion extraordinaire du secrétariat général du PJD, qui se déroulera jeudi sous la présidence d’Abdelilah Benkirane. La situation à Al Hoceima et les préparatifs du prochain congrès du parti de la Lampe seront les dossiers chauds de cette rencontre partisane.

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