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Grand Angle

Soulaliyates : Elles ne sont toujours pas les égales des hommes

Les femmes des tribus qui possèdent des terres collectives se battent depuis dix ans pour obtenir les mêmes droits que les hommes. Malgré la circulaire de 2009 qui consacre leur droit sur les terres, elles sont encore souvent exclues du bénéfice de leurs ventes.

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Les droits des femmes dans les tribus propriétaires de terres collectives ne sont toujours pas respectés. / DR
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Dix ans qu’elles luttent pour être les égales des hommes. Les droits des femmes dans les tribus propriétaires de terres collectives ne sont toujours pas respectés. Si le ministère de l’Intérieur, qui possède la tutelle sur ces terres, a bien publié une circulaire en 2009 qui indiquait que les hommes et les femmes avaient désormais les mêmes droits, «certains nouabs (représentants de la tribu, ndlr) et caïds estiment qu’il s’agit d’une réglementation administrative à laquelle ils ne sont pas attachés et continuent à exclure les femmes des ayants droit», explique Saïda Idrissi, vice-présidente de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM). Aujourd’hui, à Rabat, elle a invité plusieurs dizaines de femmes «soulaliyates» de tout le pays à manifester devant le Parlement pour les dix ans de leur combat.

«Nous souhaitons que l’égalité des droits des hommes et des femmes membres des tribus possédant des terres collectives soit consacrée dans la loi, et non seulement une circulaire pour que naïbs et caïds ne puissent plus se sentir autorisés à exclure les femmes des listes d’ayants droit», défend Saïda Idrissi. Leur combat est plus que jamais d’actualité car la croissance urbaine de Témara, Rabat, Salé et Kénitra menace les très nombreuses terres collectives à proximité.

Un rapport de force largement en faveur de l’Etat

Le ministère de l’Intérieur ne possède pas la propriété de ces terres, mais seulement la tutelle. Or il a «tendance à croire qu’il a des droits sur ces terres, de sorte qu’à chaque fois qu’il veut faire un projet, il exproprie les ‘collectivistes’», estime Najat Sedki, doctorante à l’Institut national de l’aménagement et de l’urbanisme (INAU) à Rabat, spécialiste de l’accès au foncier urbain. Les pouvoirs publics qualifient même régulièrement les terres collectives de «réserve foncière».

De fait, le ministère de l’Intérieur vend régulièrement les terres collectives avec, en principe, l’accord de la tribu. En réalité, le rapport de force est largement en faveur de l’Etat et les membres de la tribu cherchent avant tout à tirer, au mieux, leur épingle du jeu. A ce jeu, les femmes perdent à tous les coups. Elles quittent leur maison et les champs qu’elles cultivaient et voient le bénéfice de la vente aller dans les seules mains des hommes.

Depuis 2007, certaines femmes se sont donc présentées pour devenir naïbas afin de participer enfin à la rédaction se ces fameuses listes d’ayants droit. «Une circulaire de l’Intérieur a été publiée après la Constitution de 2011 pour permettre aux femmes de devenir naïbas. Les cinq premières ont été acceptées du caïd jusqu’au wali - une femme à l’époque - à Mehdia. Ça a fait tache d’huile. Aujourd’hui, nous sommes quatre femmes naibas dans ma tribu, les Haddada, pour deux naïbs», raconte Rkia Bellout, l’une des premières militantes de la cause soulaliyate.

«Même ainsi, chaque avancée reste une épreuve. En ce moment, nous sommes en train de faire les listes des ayants droit qui doivent bénéficier des fruits de la vente d’un hectare et demi de terres au ministère de l’Education nationale qui veut construire un collège ou un lycée ; eh bien certains hommes sont venus crier ‘comment osez-vous donner ça à des femmes qui portent des caftans, quand on a des savants qui portent des pantalons’?»

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