«Nous voulons, avec les musulmans, expliquer à une large public, que nous nous engageons, dans le cadre d'un partenariat sécuritaire contre l'extrémisme islamiste et pour plus de sécurité», a annoncé Hans Peter Friedrich, ministre allemand de l'Intérieur, lors de la première séance plénière de la Conférence allemande sur l'Islam en 2011. Un sommet devrait se tenir à cet effet au printemps.
C'est cette annonce, plutôt que le contenu des discussions, qui fait la une des journaux allemands à l'issue de la Conférence. «[Le ministre] peut évidemment appeler les musulmans à coopérer sur des questions de sécurité. De toutes manières, cela a toujours été un sujet abordé dans la Conférence sur l'islam, explique Kenan Kolat de la TGD (association turque en Allemagne), mais planifier un sommet sur le sujet de la prévention et en parler d'abord aux médias pour l'annoncer seulement ensuite aux associations musulmanes, cela ne se fait pas. Cela met le participant musulman devant le fait accompli. De plus, on fait une nouvelle fois l'amalgame entre Islam et islamisme. C'est de la stigmatisation et c'est justement cette stigmatisation que la conférence sur l'Islam veut empêcher.» Pour conclure : «Friedrich a envoyé le mauvais message».
Un appel au boycott...
D'autres vont plus loin. La chargée d'intégration du groupe parlementaire de la SPD (parti socio-démocrate), Aydan Özoguz, estime que Friedrich utilise la conférence sur l'islam pour réaffirmer son positionnement politique à droite. Récemment, le ministre a déjà fait parler de lui en estimant que l'histoire allemande ne permettait pas de dire que l'Islam fait partie de l'Allemagne. Suite à cet enchainement de déclarations, Aydan Özoguz a même appelé au boycott : «les musulmans ne devraient plus participer à la conférence sur l'Islam, jusqu'à ce que quelqu'un d'autre en prenne la direction.»
Certaines associations musulmanes se sont déjà retirées de la Conférence, tel le Conseil central des musulmans en Allemagne depuis plus d'un an. Une des critiques adressées à la Conférence, dès sa mise en place, était le choix des membres par l'Etat. De cette manière, le ministère de l'Intérieur décide avec quels membres de la communauté musulmane d'Allemagne il veut dialoguer.
... exagéré ?
Malgré les critiques à l'encontre du ministre de l'Intérieur, certains membres de la conférence sur l'Islam estiment que la volonté de dialoguer existe réellement. Selon la Germano-marocaine Sineb El Masrar, «le ministre a plutôt donné l'impression d'être ouvert à ce que nous lui expliquions». Il serait trop facile de voir ses déclarations comme une simple manière de faire peur. Elle suit plutôt des logiques partisanes mais démontre aussi la maladresse du ministre, nous explique Sineb El Masrar, membre de la conférence à titre individuel. Les déclarations de Friedrich sont parfois confuses.
Est-ce suffisant pour demander le boycott ou même la suppression de la Conférence ? «La question est justifiée, estime Sineb El Masrar, mais ne se pose pas dans l'immédiat». Cela dépend surtout de l'évolution des thématiques traitées, selon elle. Kenan Kolat de la TGD estime, pour sa part, que «nous avons toujours la possibilité d'obtenir de bons résultats à travers ce dialogue».