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Grand Angle

Communication politique au Maroc : Discours de séduction ou langue de bois ?

Les élections sont une occasion en or pour l’élite politique de se reconnecter avec les citoyens. Réussir cette épreuve revient donc à soigner son image et son discours auprès de celles et ceux qui sont invités par la suite à se rendre aux urnes. Le but étant de voter le programme politique le plus pertinent et donc élire les personnes qui les représenteront au Parlement. Est-ce le cas aujourd’hui ? Les réponses de deux spécialistes. 

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Photo d'illustration. / DR
Temps de lecture: 3'

Le discours politique arrive-t-il aujourd’hui à intéresser les électeurs marocains ? C’est la question que nous avons, entre autres, posé à Omar Cherkaoui, politologue et professeur universitaire, ainsi qu’à Mohamed Abdelouhab Allali, responsable du master Communication politique à l’Institut supérieur de l’information et de la communication (ISIC). «Les partis politiques continuent d’utiliser la politique non pas comme un ensemble de politiques publiques, de mesures et de programmes pour surmonter des situations économiques, sociales ou historiques, mais comme un ring de boxe», estime le premier.

Un discours politique d'un temps révolu qui reste loin des attentes

«La politique, au lieu d’être concentrée sur des programmes politiques réalistes et bien définis, se résume aujourd’hui à des échanges d’accusations et l’utilisation de tous les moyens légaux et illégaux. Nous remarquons que la violence du discours politique revient en chœur», observe Omar Cherkaoui, joint par notre rédaction.

S’agissant du discours des partis politiques, le politologue juge que « malheureusement, le discours de 2011 est toujours présent en 2016 bien que le contexte ait changé ». Et d’ajouter qu’il était «acceptable» en 2011 de constater la «prédominance du discours politique» à cause de la période politique qui «nécessitait un vote pour la stabilité face au printemps arabe»

D'après lui, «le discours politique a dépassé aujourd’hui les élections pour évoquer directement la légitimité du système politique qui est loin des programmes politiques et des missions des formations politiques».

Mohamed Abdelouahab Allali est également critique : «Bien que certaines formations tentent de se séparer de ce qu’on appelle la 'communication personnifiée', autour d’une seule personne ou d’un groupe de personnes au sein du parti, certains partis persistent et signent ». Il évoque notamment le maintien de cette forme de communication en tant que «base pour attirer un plus grand nombre d’électeurs et de voix». Le spécialiste indique également que les formations politiques «profitent même du taux élevé de l’analphabétisme de la population et de ce qu’on appelle aujourd’hui l’analphabétisme politique des jeunes».

Il rejoint l’avis d’Omar Cherkaoui et affirme que « la communication des partis est primordiale justement dans la mesure où elle doit aider à hausser le niveau du débat politique autour des visions et des objectifs, au lieu de se concentrer sur un discours populiste». Des discours qui manifestent, selon lui, «la démagogie» et qui «repoussent les citoyens de la vie politique et de la participation aux élections au Maroc».

Attachement aux outils et moyens classiques

Dans le but de remédier à l’abstentionnisme, notamment dans les rangs de la jeunesse, les partis politiques tendent d'envahir les médias et les réseaux sociaux. Nécessité ou phénomène à la mode ? Mohamed Abdelouhab Allali pense qu'il n'y a pas d'autres alternatives que de prendre ce train en marche. «Renforcer sa présence dans les médias et consolider son image auprès des citoyens ne sont plus un choix mais une obligation», explique-t-il, notant que les partis politiques aujourd’hui varient leur communication politique en faisant appel à des moyens classiques et d’autres outils plus modernes.

«Nous remarquons donc un attachement aux outils classiques. Cela est dû notamment à la structure socio-économique de la société marocaine, ses particularités et sa diversité selon les régions», justifie-t-il ainsi cette dualité classique-moderne en rappelant notamment les campagnes électorales dans des souks et des actions dans certaines maisons. Le professeur de l’ISIC souligne aussi l’existence d’«esprit de communication communautaire», en évoquant des pratiques déplorables «comme les fêtes, les festins, etc.», qui vont de pair avec cette communication.

Même son de cloche chez Omar Cherkaoui qui pense que «la loi de l’évolution s’impose aux partis»«Il y a une grande transformation de l’acteur politique qui n’a plus le choix d’accepter ou de résister, mais finalement de s’adapter aux nouveaux outils et de les adapter», affirme-t-il, avant de reconnaître qu’«une grande partie des voix proviendrait de l’espace virtuel».

Le politologue reste toutefois pessimiste quant à la participation aux élections. Selon lui, les pratiques des formations politiques et la nature de leur discours finiront «sans doute par avoir un impact négatif sur les élections et sur le taux de participation».

Article modifié le 2016/09/22 à 17h23

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