Féminisme et islam, un tandem compatible ? La question a longtemps déchaîné (et déchaîne encore) les passions, notamment auprès des féministes occidentales. Pour Hanane Karimi, la question est tranchée. «Ne me libérez pas, je m'en charge ! Féministe et musulmane, ne vous en déplaise !». Sa réponse, c’est un peu le porte-étendard du mouvement auquel elle croit dur comme fer, dont elle se veut porteuse à travers l’Hexagone.
«L'islam n'était pas une religion d'hommes, c'était aussi une religion de femmes mais au fur et à mesure de l'Histoire, on les a rendues invisibles», explique cette doctorante de 38 ans à l’AFP, qu’elle reçoit dans son appartement strasbourgeois, «où un roman de Jane Austen côtoie une ‘Encyclopédie de la femme en islam’».
Native de Troyes (Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine), cette fille d’immigrés marocains atterrit dans un milieu modeste - père ouvrier, mère femme au foyer. A 31 ans, divorcée, elle rejoint les bancs de l’université pour y étudier la sociologie. L’étudiante, qui cumule son rôle de mère de trois enfants, prépare aujourd’hui une thèse sur les stratégies déployées par certaines musulmanes en France pour contourner l'exclusion dont elles font l'objet. «Beaucoup de femmes que j'interroge sont passées par l'orthodoxie pour pouvoir ensuite prendre de la distance», analyse-t-elle.
«Mon questionnement m'a amenée à une vision progressiste»
La mosquée a été un espace pour desserrer les liens de son environnement familial, parfois pesant pour certaines filles de culture maghrébine. Pourtant, le chemin qu’elle avait emprunté à ses débuts ne prêtait pas vraiment à l’ouverture. Etudiante, elle interrompt un BTS de biotechnologies pour ne plus avoir à enlever à l'entrée du lycée le foulard qu'elle porte à l'époque ; le temps n’a pas complètement cicatrisé les mauvais souvenirs, d’ailleurs. S’en suit une décennie de femme au foyer.
De cette période, elle raconte : «J'ai été plutôt orthodoxe, rigoriste et puis, au fur et à mesure mon questionnement m'a amenée à une vision progressiste, peut-être même libérale». Elle appelle toutes les femmes - toutes confessions confondues - à porter un regard critique à l'égard de leur religion et dénonce l'islamophobie. Si elle se dit opposée à la loi interdisant le voile à l'école, elle juge que «faire du voile un symbole de piété et de pudeur chez les femmes, c'est toute l'ingéniosité du patriarcat».
Fidèle à ses convictions, loin d’être soumise, Hanane Karimi, porte-parole du collectif «Les femmes dans la mosquée», voit rouge en 2013 lorsque la Grande mosquée de Paris interdit aux femmes l’accès à la salle principale, les envoie prier au sous-sol, assurant vouloir leur offrir un espace plus « vaste et confortable».
Récemment, elle a été invitée par la Rabita Mohammadia des oulémas au Maroc, une institution de réflexion sur la charia islamique ; elle y a été «agréablement surprise» du bon accueil réservé à l’action de son collectif. A Jeune Afrique, elle déclare : «Diffuser la vision de ces femmes, être sociologue, c’est tout aussi important. C’est une partie de mon militantisme aujourd’hui».