Le prince Hicham s’est exprimé aujourd’hui dans une longue tribune libre du Monde, traduite de l’anglais par Gilles Berton. Comme il l’avait déjà affirmé, le 18 février sur France 24, il soutient les manifestants du 20 février.
Le prince commence par l'analyse du mouvement de dimanche. «Des dizaines de milliers de Marocains ont manifesté pour les mêmes revendications qui s'expriment ailleurs : remplacer l'exercice arbitraire et absolu du pouvoir par une démocratie véritable et ouverte, mettre un terme à la corruption et au clientélisme qui étouffent la vie économique, affirmer le droit des citoyens à être traités avec dignité et respect et à pouvoir mener, eux et leurs familles, une vie décente», détaille-t-il. Nulle part, le prince n’évoque spécifiquement la jeunesse marocaine et l’importance des réseaux sociaux sur le web. Il ne fait aucune référence à cette dimension pourtant capitale dans le lancement du mouvement.
Alors que nombre d’observateurs avaient largement développé le concept «d’exception marocaine», le prince la reprend à son compte, sans la nommer : «A la différence d'autres mouvements, les manifestations marocaines avaient pour premier objectif la réforme, et non le renversement du régime.»
Il envisage ensuite l’avenir et les différentes réactions possibles du régime sans évoquer directement le discours tenu par le Roi Mohammed VI, hier, à l’occasion du lancement du Conseil Economique et Social. «Le régime pourrait choisir d'ignorer ce qu'elles signifient - le mouvement, après tout, ne s'est pas cristallisé comme ailleurs dans l'occupation d'une grande place centrale. Il serait toutefois préférable que chacun comprenne ce qu'elles expriment», analyse Moulay Hicham. Il fait ainsi discrètement écho au discours du Roi, qui a laissé une large marge d'interprétation à ses auditeurs et lecteurs. Certains considèrent le discours comme une réponse positive aux manifestations, d'autres comme un déni.
Le prince évoque ensuite le contexte historique contemporain. Selon lui, le peuple marocain a vécu une véritable déception après les espoirs sucités par la mise en place très symbolique de l’Instance équité et réconciliation : «s'ouvrait la promesse d'une nouvelle ère de justice et de responsabilité, et au lieu de cela nous avons connu, après les attentats du 16 mai 2003, de nouvelles vagues d'arrestations, l'instrumentalisation de la peur de l'islamisme, la torture et les traitements dégradants des suspects de terrorisme».
A cette déception s’ajoute un système monarchique sali par certains lobbys. «On nous avait promis la transparence économique et nous sommes retombés dans une situation de prédation économique menée par des groupes de pression et des intérêts privés au nom de la monarchie», juge-t-il. Le Prince accuse de façon évidente, mais sans le nommer directement, le PAM : «Le dernier en date de ces "nouveaux" stratagèmes politiques est un parti résolument royaliste qui pourrait à court terme accroître le pouvoir de la monarchie, mais qui, en l'impliquant toujours plus dans l'arène des querelles politiques au jour le jour, sape lui-même la légitimité que tous lui reconnaissaient encore récemment.»
Il n’y aurait pas eu de déception, explique le Prince, si les espoirs et promesses avaient «été inscrits dans un processus participatif de constitutionnalisation et d'institutionnalisation», seule façon «de les rendre permanents et irréversibles».