La future mosquée de Shizuoka, Yassine Essaadi l’a voit déjà comme «l’icône de l’islam au Japon» ou encore «l'un des catalyseurs de la propagation de l'Islam» dans le pays. Marié à une Japonaise de confession musulmane qu’il a rencontrée aux Etats-Unis, ce Japonais d'origine marocaine s’est installé il y’a une dizaine d’années dans cette petite ville du Nord-Est du pays, où grandissent ses quatre enfants.
Enseignant en management et business à l’Université de Shizuoka, ce natif de Casablanca a eu plusieurs opportunités de travail dans d’autres pays ces dernières années, mais le projet de mosquée lui tient tellement à cœur que pour lui, il est hors de question de partir sans l’avoir réalisé. «Les musulmans ici en ont besoin, ce serait historique. En plus, Shizuoka est une ville magnifique. Avec la vue sur le Mont Fuji, ce serait formidable d’avoir une mosquée ici. Les musulmans pourraient encore mieux exprimer leur foi», confie-t-il dans un entretien avec Yabiladi.
Bien plus qu'une mosquée
Quand il parle du projet né dans son cœur en 2010, les musulmans de la ville y adhèrent tout de suite. «Mais nous étions dispersés dans plusieurs associations. La même année, nous avons décidé de nous réunir au sein d’une seule association pour unir les voix musulmanes de Shizuoka». Et c’est à partir de 2013 que le projet de mosquée prend forme. La communauté voit grand et c’est un étudiant indonésien qui en réalise la maquette.
Tout y est : la grande mosquée, une vingtaine de chambres à louer aux touristes musulmans, des salles de conférences pour les événements communautaires, un espace jeux pour enfants, le tout pour 3 millions de dollars US. «Le but est de familiariser les enfants avec la mosquée, pour qu’ils aiment y aller. Ce sont eux qui perpétueront l’islam après nous, il est donc important qu’ils en prennent les bases dès l’enfance», explique M. Essaadi.
En bon universitaire de son état, il prévoit également l’ouverture d’un centre de recherche dans les locaux de la mosquée qui devrait s'étendre sur 1 000 m2 environ. «Les étudiants musulmans pourront y réaliser des travaux et laisser une trace de leur passage dans ce pays ou même l’exporter vers leurs pays d’origine», soutient M. Essaadi.
Les premiers pas de la com' dans la francophonie
L’Association musulmane de Shizuoka qui, jusqu’à récemment ne faisait la promotion de son projet qu’auprès de la communauté musulmane anglophone, a réussi à trouver un relais dans la francophonie. Il s’agit d’Abdourahman Boumaya, un Tuniso-espagnol résidant en Belgique. «J’ai découvert une de leurs vidéos sur le net et j’ai été intéressé. Cela fait un an que je travaille avec eux», indique-t-il à Yabiladi.
La campagne proprement dite, Abdourahman l’a cependant lancée il y a un plus d’un mois après son retour du Japon. «J’y suis allé pour faire quelques tournages et prendre des photos», dit-il, avant de poursuivre : «En Belgique, il y a beaucoup de mosquées, une trentaine. Au Japon en revanche, il n’y a que trois mosquées dans tout le pays. Celle de Shizuoka sera d’un grand secours pour la communauté».Le projet suscite de plus en plus l’attention, mais pour l’instant, les dons sont encore timides. «Il y a problème de confiance. Etant donné que nous n’avons commencé la campagne que tout récemment, beaucoup de gens pensent qu’il pourrait s’agir d’une arnaque», explique Abdourahman, se disant toutefois optimiste pour la suite. «Une fois assurés qu’il s’agit d’un projet sérieux, les gens feront de plus en plus de dons», espère-t-il.
Le don de 30 000 $ d'une Japonaise
Au Japon en revanche, le problème ne se pose pas vraiment. La presse locale en parle. Du coup, les gens sont plus ou moins sensibilisés et l’association reçoit des dons même de non musulman. «La semaine dernière, une Japonaise nous a contacté disant qu’elle avait découvert le projet sur Facebook et qu’elle a vraiment apprécié. Elle a donné 30 000 dollars», affirme M. Essaadi, soulignant qu’il s’agit du don le plus important reçu d’une seule personne jusqu’à présent.
Des dons pareils, l’association espère qu’ils vont se multiplier, d’autant plus que le volet financier reste le principal défi de ce projet. «La plupart des 500 musulmans de la ville [sur les 100 000 qui peuplent le Japon, ndlr] sont des étudiants. Donc nous n’avons pas la force financière nécessaire», explique le président.
Une opportunité pour le Maroc ?
A ce jour, l'association a pu récolter quelques 300 000 dollars. En faisant appel aux dons, Elle ne vise pas uniquement les individus, mais elle cible aussi les ONG et même les gouvernements, principalement celui du Maroc. Lors d’un séjour au Royaume il y a deux ans, M. Essaadi a tenté d’en parler à «quelques hauts-fonctionnaires» sans obtenir de suite. Il l’a également présenté à l’Ambassade du Maroc au Japon. «Mais nous n’avons eu aucune réponse à ce jour», assure-t-il. Yabiladi n’a cependant pas pu obtenir les explications de la représentation diplomatique.
Cet été encore, Yassine Essaadi passera ses vacances en famille au Maroc et espère saisir cette occasion pour mieux faire connaitre le projet de mosquée. «Imaginez que le gouvernement marocain investisse dans ce projet, cela aura un fort impact sur sa réputation, son influence religieuse, …», estime le MRE.