«Enfin !», soupir de soulagement le docteur Zouhair Lahna. Il tient désormais en main l’autorisation d’exercer dans son cabinet pour réfugiés et démunis, lancé dans le quartier Farah Salam à Casablanca en début d’année. L’Ordre régional des médecins lui a délivré le précieux sésame il y a un mois, mais il a choisi d’en parler à tête reposée. «Cela coïncidait avec mon départ pour la Syrie. J’ai alors préféré attendre mon retour avant de relancer», explique à Yabiladi ce chirurgien obstétricien membre de Médecins sans frontière qui ne craint pas de dire que « la médecine n'est pas faite pour gagner de l'argent».
Malgré les oppositions
Pour mémoire, son centre –Injab- avait suscité de fortes résistances dans le milieu médical. Dix jours à peine après l’ouverture, le Dr Lahna avait reçu la visite d’une commission d’information relevant du ministère de la Santé. Quelques jours plus tard, il a été sommé de fermer son centre, sur fonds de ce que le spécialiste qualifiait de «prétextes» pour «contrer une noble initiative».
A l’époque pourtant, Le Dr Lahna faisait clairement comprendre que son dossier était en cours de traitement au niveau de l’Ordre des médecins, seul habilité à délivrer l’autorisation d’exercer aux médecins. «Tout s’est bien passé finalement, l’Ordre des médecins a bien appliqué la loi avec moi», explique-t-il, soulignant qu’entre autres démarches, une commission a visité le cabinet et il a dû fournir le document prouvant sa radiation de l’Ordre des médecins de France.
A contre-courant du système
Depuis quelques jours, le médecin a démarré les consultations. Et dès demain, jeudi, il démarra les opérations chirurgicales avec Chantal*, une migrante ivoirienne de 46 ans. «Elle était suivie par un médecin généraliste. Les spécialistes lui ont demandé 12 à 18 000 dirhams pour l’opérer», explique l’obstétricien. N’ayant pas les moyens de se payer une telle intervention, Chantal s’est tournée vers Injab et n’a eu qu’à récolter les 5 000 dirhams de frais de clinique pour se faire opérer par le Dr Lahna et son équipe de bénévoles.
Pour lui, c’est à la fois un «soulagement de conscience» et une «fierté» de pouvoir venir ainsi en aide à des personnes démunies. «Je suis très content de pouvoir enfin exercer mon métier comme moi je l’entends et non comme le système me le demande», déclare le spécialiste, avant d’ajouter : «Le système hospitalier marocain est à revoir de fond en comble».
*Le prénom a été changé pour préserver l'anonymat de la concernée.