Une première remarque est à faire sur le nombre de personnes soutenant le mouvement Facebook appelant à manifester le 20 février. Ce nombre ne correspond pas aux chiffres avancés par El País et Le Post, deux médias qui ont fait échos aux évènements à venir au Maroc. Ils ont tous deux interviewé Oussama El Khlifi, un jeune Marocain qui serait un des fondateurs du groupe « Mouvement de liberté et démocratie maintenant». Le 4 février, il estimait dans les pages d'El País que 12 000 personnes le soutenaient. Le 8, il aurait affirmé au Post que ce nombre aurait atteint 20 000.
Ces chiffres peuvent porter à confusion. Il existe plusieurs groupes Facebook appelant à manifester le 20 février. Les deux plus grands sont «Le mouvement du '20 février', le peuple veut le changement» et le «Mouvement de liberté et démocratie maintenant». Aucun d'eux n'a 20 000 membres; ils ont respectivement 6128 et 7376 membres (le 8 février à 17h30 GMT). A noter que même faire un total des deux, soit environ 13 500, est trompeur, car il est possible de s'inscrire dans les deux groupes, et certains l'ont fait.
A part les chiffres, la motivation des personnes inscrites peut varier de beaucoup. Ces groupes sont un lieu de discussions parfois haineuses entre ceux qui appellent à manifester et ceux qui les critiquent. Sans entrer dans les détails, cela indique qu'un certain nombre des inscrits dans les groupes ne le sont que pour critiquer l'initiative, ce qui fait diminuer davantage le nombre d'utilisateurs qui soutiennent réellement l'initiative.
De plus, il faut s'interroger ce que «soutenir» veut dire. Devenir membre d'un groupe reste un acte sans grand engagement. Facebook offre pourtant la possibilité d'aller plus loin et d'organiser des rendez-vous en créant des évènements. Les utilisateurs peuvent ainsi déclarer s'ils participent ou pas à un tel événement, ou s'ils ne sont pas surs.
A notre connaissance, 3 évènements Facebook ont été créés pour mobiliser les utilisateurs à manifester le 20 février, deux par le Mouvement 20 février, et un par le Mouvement Liberté et démocratie maintenant. Au vu du nombre d'inscrits, le soutien pour la marche semble littéralement s'effondrer. Au total, ces trois évènements ne regroupent que 323 membres (chiffre arrêté le 8 février, 17h30 GMT). 323 membres qui devraient de plus se disperser à travers le pays, car le rendez-vous est donné dans toutes les villes du Maroc, devant les Wilayas.
Dernière nuance à faire : même si confirmer une participation semble indiquer un engagement plus concret que la simple adhésion à un groupe, il reste un écart entre ces membres Facebook «actifs» et le nombre de personnes descendant réellement dans les rues. Entre militer sur Facebook et militer dans la vie réelle, il y a une différence, qui peut, par ailleurs aller dans les deux sens. Les mobilisations au Yémen, par exemple, se sont faites par téléphone mobile et le bouche à oreille, pour en arriver à 100 000 manifestants jeudi dernier.
Entre les effets d'annonce, la panique de certains internautes qui ont décidé de défendre la nation en danger, et la confrontation sur les différents sites internet entre pro et anti-manifestation du 20 février, il est important de remettre les choses dans leurs dimensions réelles. Cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas de manifestation, mais cela relativise l'ampleur de ce mouvement qui rend très fébriles de nombreux internautes marocains.