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Interview

Gennevilliers : « Les chibanis sont méprisés parce qu’ils n’ont pas le droit de vote », affirme Nasser Lajili

La situation des chibanis à Gennevilliers revient au devant de la scène dans les médias sociaux ces derniers mois. Le collectif de solidarité locale fait actuellement la tournée des foyers de résidence de ces vieux retraités majoritairement marocains dont la situation sociale s’empire au fil des années. Tout cela sera dénoncé lors d’une manifestation prévue le 27 mai prochain. Nasser Lajili, conseiller municipal sans étiquette, en est l’instigateur. Dans un entretien avec Yabiladi, il revient sur les conditions des anciens travailleurs immigrés dans cette commune d’Île-de-France.

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Des chibanis dans un foyer Adoma de Gennevilliers.  Photo/Nasser Lajili
Visite du Collectif de Solidarité aux chibanis de Gennevilliers.  Photo/Nasser Lajili

La situation reste difficile pour les chibanis en France en général. Avec le collectif de solidarité aux chibanis de Gennevilliers, vous êtes en tournée dans les foyers de la ville. Quel état des lieux faites-vous ?

Il faut rappeler que les chibanis sont logés dans des chambres ou studettes minuscules (7m2) contre une redevance très élevée qui tourne autour de 300€. Et nous constatons de multiples atteintes à leur dignité élémentaire que nous dénonçons d’ailleurs. Il s’agit des pratiques anti-démocratiques et répressives d’Adoma qui maintiennent ces résidents dans une situation de non droit et de contrôle social privatif de liberté. En outre, les contrats d’occupation révèlent l’absence de tout souci du bien-être des résidents et traduisent la volonté profonde d’Adoma d’interdire aux résidents toute vie privée, de contrôler tous les moments de la vie des résidents et tous leurs gestes, de pratiquer l’arbitraire, d’imposer toujours ses décisions sans concertation, d’intimider les résidents et d’agir en se considérant à la fois comme législateur et juge, d’entraver la démocratie interne en empêchant les résidents de s’organiser.

En pratique, ces personnes âgées n’ont pas le droit de recevoir, ni d’héberger, ni de vivre avec quelqu’un. Elles n’ont pas non plus le droit d’empêcher le personnel d’Adoma de «visiter» leur chambre en leur absence. De plus, les chibanis ne peuvent pas avoir un animal de compagnie et ne sont pas libres d’organiser leur chambre comme ils l’entendent...

Ces problèmes perdurent depuis des années et les chibanis arrivent difficilement à obtenir des HLM. Comment l’expliquer ?

En effet, ce problème persiste et ces hommes en âge avancé sont dans des situations désastreuses. Il y a, à titre d’exemple, le cas de Lahcen qui est sous dialyse, sans aucune assistance d’Adoma, qui doit se rendre à l’hôpital 4 fois par semaine. Un autre, qui est amputé de la jambe en 2010,  ne peut faire de regroupement familial pour être aux soins près de ses proches.

Mais nous savons pourquoi les choses restent ainsi. Personnellement je pense qu’il y a une hypocrisie totale de la part des élus de gauche et de droite. Ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui n’ont pas fait leur travail correctement. Si c’était des citoyens de nationalité française, ce problème serait réglé depuis longtemps. Mais puisque les chibanis n’ont pas le droit de vote, ils ne sont pas utiles pour les politiques. Ici, les élus ayant la main sur le logement ne les prennent pas en considération. A leurs yeux et selon leurs propres déclarations, «ce ne sont même pas des Gennevillois», mais plutôt des personnes hébergées temporairement par Adoma dont les foyers, lesquels sont eux-mêmes considérés comme des résidences hôtelières ! D’ailleurs sur les cartes d’identité de ces retraités, il est mentionné «hébergé chez Adoma». Après toutes ces années au service de la France, ils ne sont toujours pas considérés comme des locataires, alors qu’ils payent un loyer. C’est grave !

Le collectif envisage-t-il de saisir les tribunaux sur cette question ?

Nous ne l’avons pas décidé pour l’instant, mais nous allons y réfléchir avec l’aide de juristes et nous n’excluons rien.

Vous préparez une manifestation le 27 mai prochain, quel en est l’objectif ?

Nous voulons créer un rapport de force et dénoncer la situation des chibanis dans les foyers. ¾ des Gennevillois ne sont pas informés des conditions de vie de ces vieux retraités. Et nous manifestons pour réclamer : la refonte complète des contrats et règlements intérieurs, dans le respect des droits individuels élémentaires ; l’arrêt de la politique répressive d’Adoma contre des résidents "coupables" d’avoir hébergé un proche ; le droit d’accès au logement social comme tout citoyen ainsi que le retrait des antennes relais, au-dessus des foyers, qui nuisent à la santé des résidents. Un des foyers de la ville abrite jusqu’à une dizaine d’antennes de relais. Ce n’est pas normal.

Gennevilliers dispose de cinq foyers et tous les chibanis à même d’y participé, battrons le pavé avec nous. Plusieurs élus viendront des autres villes également. Tous ensembles, nous allons réclamer l’égalité des droits.

Article modifié le 2016/05/18 à 17h41

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