Le Conseil de l'UE a déposé son pourvoi contre l’annulation de l’accord agricole entre le Maroc et l’Union européenne en toute discrétion, en fin de semaine dernière, seulement quelques jours avant le délai imparti par la Cours fixé au 22 février. Rien n’a filtré, depuis, et le contenu des arguments développés par le Conseil est encore totalement inconnu.
Si en appel, le Tribunal doit confirmer son jugement, «il appartiendra à la Commission, qui négocie pour le compte de l’Union, de reformuler l’accord pour éviter l’illégalité relevée par le tribunal, explique Michel-Jean Jacquot, comme c’est déjà arrivé dans le passé, suite à une décision d’annulation du même ordre par le Tribunal européen. »
Dans ce cas, plusieurs options existent mais toutes semblent problématiques et improbables. La première : le Maroc et l’Union européenne parviennent à une renégociation rapide de l’accord qui convient aux deux parties. Cette option n’est pas la plus probable. La réaction menaçante de Salaheddine Mezzouar après l’annonce du jugement en atteste. Le Maroc acceptera-t-il de montrer patte blanche sur l’affaire la plus sensible du royaume ? Acceptera-t-il ce qu’il pourrait considérer comme une ingérence dans ses affaires internes ?
La deuxième option : la renégociation est laborieuse et prend beaucoup de temps. Le Maroc a déjà montré qu’il était capable de résister à la pression de l’Union européenne. En 2011, le Parlement européen a retoqué la prorogation de l’accord de pêche et appelé la Commission à «négocier un nouvel accord qui soit plus avantageux d'un point de vue économique et environnemental, et [qui] prenne en compte les intérêts de la population sahraouie». Dans le nouvel accord conclut 2 ans plus tard le montant de la contrepartie financière était, au contraire, augmenté et aucune mention n’y est faite du Sahara.
Cette option n’est cependant pas la plus probable, parce que contrairement, à 2011, le Maroc n’est pas en position de force. Il a bien plus à perdre que l’Union européenne. Les exportations agricoles du Maroc vers l’Union européenne, représentent, en 2014, 42% des exportations agricoles du pays et 8,7% du total de ses exportations, tous secteurs confondus. Pour l’Union européenne, ses exportations agricoles vers le Maroc ne représentent que 1,25% de ses exportations agricoles et 0,06% de ses exportations totales.
La troisième option : le Maroc et l’Union européenne ne parviennent pas à tomber d’accord et décident d’exclure le Sahara de l’accord. C’est possible : il existe un précédent de taille. L’accord de libre-échange signé avec les Etats Unis n’inclut pas le Sahara. Cependant, cette option est très défavorable au royaume qui considère tout accord appliqué au Sahara comme une victoire diplomatique. Pour preuve, l’enthousiasme des lobbyistes marocains aux Etats Unis, quand l’administration américaine a accepté que l’aide fournie par l’USAID au Maroc s’étende aussi au territoire du Sahara.
Cette option constituerait également une grande menace pour les intérêts européens car le Polisario a déposé la même requête contre l’accord de pêche. Or c’est précisément au sud que les pêcheurs européens, en particuliers espagnols, opèrent le plus souvent. Exclure le Sahara de l’accord agricole ce serait risquer de devoir l’exclure également de l’accord de pêche.
La quatrième option : Le Maroc et l’Union européenne ne parviennent à aucun accord et l’accord est dénoncé. Cette option n’est probablement envisagée ni acceptable pour personne.