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Grand Angle

Corse : Les nationalistes tentent de rassurer les musulmans

Le calme est revenu en Corse en ce début de semaine avec le déploiement d'un important dispositif de sécurité autour du quartier populaire des jardins de l'Empereur. Mais des manifestants souhaitent toujours se rassembler en dépit des mesures préfectorales. Pour apaiser les tensions, des élus nationalistes ont rendu visite aux pompiers et apporté leur soutien aux musulmans de Corses. Ces derniers ont même reçu l’appui de l'assemblée corse.

Publié
Crédit Photo: La Croix
Temps de lecture: 3'

Alors que certains font le rapprochement entre les tensions sur l’île de Beauté et l’arrivée du mouvement nationaliste au pouvoir, des élus nationalistes corses sont sortis hier de leur silence pour tenter de calmer la situation. Gilles Simeoni, le chef de l’exécutif corse nouvellement élu, avait déjà donné le ton en rendant visite aux pompiers et au policier agressé dans le quartier populaire des Jardins de l’Empereur. Au sortir de cette visite l’élu nationaliste avait condamné tout autant l’agression des pompiers que le saccage de la mosquée par des manifestants.

L’élu a également souhaité faire appel à l’histoire en évoquant l’exil en 1953 du roi Mohammed V sur l’île et bien avant la participation des Marocains à la libération de la Corse pendant la Seconde Guerre Mondiale. «Il faut sortir de la surenchère raciste. La Corse n'est pas raciste», déclare Gilles Simeoni repris par RTL. Pour lui, la réponse à apporter à la parole raciste qui s’exprime «souvent en France et en Europe» passe par «des politiques de fond en matière d’intégration et le refus de ghettoïsation». Refusant tout parallèle entre le mouvement nationaliste et l’extrême droite, le chef de l’exécutif corse, explique que son mouvement est «ouvert et progressiste». «Nous considérons comme Corses celles et ceux qui vivent ici et épousent le destin de cette île, sans considération de leur origine, de leur religion ou de leur couleur de peau», fait-il savoir.

"Vous êtes ici chez vous", déclare l'assemblée corse à des musulmans inquiets

Abondant dans le même sens, le président de l’assemblée corse, Jean-Guy Talamoni a déclaré à l’AFP que «La Corse a été la première terre d'Europe à instaurer la tolérance religieuse au milieu du XVIIIe siècle. Pendant la Seconde guerre mondiale, les juifs étaient protégés en Corse, il n'y a pas eu de déportation des Juifs, ce qui faisait dire à certains responsables de la communauté juive que la Corse a été l'île des Justes», a souligné le nouvel élu. «Eh bien cette île des Justes ne peut pas accepter qu'il y ait des dégradations de lieu de culte. C'est quelque-chose d'absolument incompatible avec notre tradition politique, avec notre culture», a-t-il tenu à ajouter. 

Le président de l’assemblée corse dénonce l’utilisation de slogans racistes par des personnes qui bafouent la langue corse par un usage approximatif et n’exclut pas que certains tracts aient été faits par le FN. «La plupart des gens qui ont sympathisé avec ceux qui ont dévasté le centre de culte sont des gens qui ne votent pas pour le nationalisme, qui ne soutiennent pas les nationalistes, ce sont des gens qui à notre avis votent plutôt Front national», soutient-il.

Après la visite aux pompiers agressés, les élus de l'assemblée corse ont reçu hier en fin d’après-midi à huis-clos, des membres de la communauté musulmane pour marquer leur soutien. «Vous êtes ici chez vous, et quand on vous touche, c'est aussi à nous que nous touchons», ont fait savoir les élus. Un soutien de taille mais qui n'est pas de nature à dissiper toutes les inquiétudes des musulmans de Corse.

Même s'il se définit «100% Marocain, 100% Corse et 100% Français», ce père de famille qui témoigne à l’AFP, se dit inquiet depuis le saccage de la mosquée. «Il faut essayer d'apaiser les choses», lance-t-il comme appel. «Les enfants, j'essaie de les laisser sur la Playstation pour ne pas qu'ils regardent la télé. On est très inquiets, mais on n'est pas terrorisés. On est des hommes quand même», ajoute-t-il.

Dans le quartier populaire, les rencontres sont souvent synonymes d'incompréhension. «Je suis Corse, moi! J'ai la bandera sur mon balcon», lance une standardiste à un autre habitant de l'île. «Moi aussi je suis Corse, je vis là, je paie mes impôts! La racaille, elle est blanche, elle est noire, elle est de toutes les couleurs, la religion n'a rien à voir là-dedans», réplique-t-il. Mais au milieu de cette incompréhension, des personnes savent faire la part des choses. «Ce matin dans mon entreprise, beaucoup de personnes sont venues me voir pour me dire "tu as des amis". La vraie question c'est pour ma fille: est-ce qu'elle aura des amis?», s'interroge-t-il.

Article modifié le 2015/12/29 à 17h00

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