«Pour vendre au Maroc, il faut produire au Maroc et pour vendre en Algérie, il faut produire en Algérie», résume Jean Baptiste Thomas, chargé des relations de presse auprès de la Direction de communication de PSA. Plutôt que de construire une seule grande usine dans la région qui desserve l’ensemble des deux marchés et au delà, PSA est contrainte de s'implanter à la fois au Maroc et en Algérie.
«On a la nette impression qu'en France et en Algérie de puissants lobbies opèrent pour donner au Maroc le statut de puissance industrielle régionale, au détriment de l'Algérie», s’était indigné le quotidien algérien l’Expression, après l’annonce de l’implantation d’une usine PSA au Maroc, le vendredi 19 juin. C'était quelques jours après la visite éclair de François Hollande annonçant également l’installation de PSA en Algérie.
Annonce précipitée ?
«Il faut une implantation du niveau souhaité en terme d’infrastructures, la présence de fournisseurs du premier au troisième rang et le Maroc comprend tout ça. Il est important de partir d’une base performante. Pour l’Algérie, les conditions sont différentes on va voir quel type d’implantation en volume on va réaliser», détaille Jean-Baptiste Thomas.
De fait, les détails de l'usine PSA en Algérie restent inconnus. Le projet d’implantation d’une usine Peugeot en Algérie «n’a pas été traité. On ne l’a pas encore vu. Il n’est pas sur la table du gouvernement. Je ne sais pas du tout de quoi il s’agit», reconnaissait ainsi Amara Benyounes, ministre algérien du Commerce, dimanche 21 juin.
Pourquoi alors, cette annonce précipitée ? Pour le portail Tout Sur l’Algérie (TSA), l’annonce de Hollande montre que PSA a retenu les leçons de l’expérience de Renault, quelques années plus tôt. «Peugeot veut éviter ainsi le sacré mal de tête qu’avait subi Renault lorsqu’il avait annoncé l’ouverture de son usine à Tanger alors qu’il n’avait rien prévu encore pour l’Algérie, son principal marché au Maghreb».
Le marché algérien 3 fois supérieur au Maroc
A l’époque, la pression diplomatique de l’Algérie avait été telle, que Renault avait cédé et construit une usine à Oran d’une capacité de 25 000 véhicules par an (contre 400 000 pour son usine à Tanger) inaugurée en novembre dernier, à condition de rester le seul constructeur pendant 3 ans. Renault, comme PSA, ne peut pas se priver du marché algérien 3 à 4 fois supérieur à celui du Maroc. Près de 340 000 véhicules ont encore été vendus en Algérie en 2014, contre 122 000 véhicules seulement, la même année au Maroc. Les deux premières marques les plus vendues en Algérie restent Renault, avec 52 000 véhicules et Peugeot avec 42 000 véhicules.
Les tensions entre les deux pays interdisent que les voitures produites au Maroc soient exportées en Algérie, mais elles interdisent également la collaboration des usines. En novembre 2014, quand Jacques Prost, directeur général de Renault Maroc, répondait aux questions de l’Usine nouvelle, aucune pièces ni composant n’étaient échangés entre les deux sites industriels d’Oran et de Tanger. «Le contexte politique que vous connaissez entre l'Algérie et le Maroc ne le permet pas aujourd'hui», reconnaissait-il, mais «des opérateurs algériens sont venus se former à l'IFMIA à Tanger dans ce centre de formation qui est devenu un réel benchmark pour l'ensemble de l'alliance Renault-Nissan.»
PSA fait aujourd’hui face aux mêmes difficultés que Renault et prend les mêmes décisions. «Le marché de cette région [Afrique, péninsule arabique et Turquie, ndlr] devrait atteindre 8 millions d’immatriculations à horizon 2025. PSA ambitionne d’y vendre 1 million de voitures au même horizon. Il y a donc de la place pour une implantation industrielle au-delà de celle que nous avons annoncée au Maroc avec un capacitaire à terme de 200 000 véhicules», ajoute cependant Pierre Olivier Salmon, également chargé des relations de presse auprès de la Direction de communication de PSA . «PSA va s’implanter au Maroc, réfléchit à une implantation en Algérie, a signé un accord au Nigéria, prévoit une installation en Iran et a déjà une usine en Turquie», confirme Jean Baptiste Thomas.