Les musulmans de France sont sous le choc, après l’annonce, mercredi, de la décapitation d’Hervé Gourdel, otage français enlevé dimanche dernier en Algérie par un groupe lié à l’Etat islamique. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a été parmi les premiers à réagir à la vidéo de son assassinat. Dans un communiqué diffusé mercredi soir, celui-ci s’est dit «horrifié par l’annonce dramatique qui affirme que notre compatriote M. Hervé Gourdel vient d’être odieusement exécuté par ses ravisseurs.
Colère noire
«Ce crime barbare heurte toutes les consciences et nous amène à condamner avec la plus grande énergie un tel acte hautement condamnable par toutes les valeurs humaines universelles», écrit l’instance qui représente la plus importante communauté musulmane d’Europe, présidée par le recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur.
«Le CFCM s’associe à la douleur de la famille et à l’ensemble de la Nation devant un tel crime qui ne mérite qu’un châtiment exemplaire par la justice de Dieu et celle des hommes» et appelle «de tous ses vœux pour que soit mis fin à ces actes barbares par une solidarité entre toutes les nations».
«Je suis dans une colère noire, j'ai la rage contre ces criminels, ces assassins d'une organisation qu'on peut appeler Daesh, État islamique, qui n'a rien à voir avec l'islam ni aucune religion», a confié de son côté Abdallah Zekri, l'un des responsables du CFCM, à l'AFP.
L’ignominie à la barbarie
L’Union des organisations islamiques de France, fédération qui regroupe plus de 250 associations musulmanes réparties sur le territoire français, a, elle, exprimé «sa très vive émotion» et condamné «avec la plus grande fermeté l’assassinat ignoble de notre compatriote Hervé Gourdel».
«Ajoutant l’ignominie à la barbarie, les terroristes du groupe Jund al Khalifah affiliés à Daesh ont assassiné un homme innocent, juste parce qu’il était français. Tel le guide de montagne chevronné qu’il était, Hervé Gourdel était venu partager son savoir-faire en Algérie, dans la région de Kabylie où il a été enlevé. L’UOIF s’associe à la douleur de la famille, des collègues, des amis ainsi que celle des habitants de Nice et de Saint-Martin-Vésubie et leur présente toutes ses condoléances», souligne la fédération dans un communiqué publié également mercredi. «Les musulmans de France et du Monde refusent d’être associés de près ou de loin à de tels crimes», ajoute l’UOIF.
Risque de stigmatisation
«C’est un acte qu’on ne peut pas associer à l’Islam», a estimé Nassera Ben Marnia, représentante de l’Association des familles musulmanes des Bouches-du-Rhône, interrogée par Europe 1. «C’est quelque chose d’effroyable pour nous. Je suis en colère. La religion musulmane, ce ne sont pas ces gens-là. Être musulman, ce ne sont pas ces jeunes illuminés qui partent faire le djihad. C’est tout sauf ça être musulman», a-t-elle ajouté.
Comme beaucoup de musulmans de France et d’ailleurs, Nassera Ben Marnia craint que ces derniers soient ciblés par une montée d’islamophobie. «Dans leurs actes, ces gens cherchent à créer une fracture entre la communauté musulmane et les autres communautés. De tels actes n’arrangent pas le regard qui est porté sur nous», regrette-t-elle. Et de souligner : «à chaque fois, on nous montre un peu plus du doigt. Je sens cette islamophobie monter».
«Il faut que les imams dans les mosquées fassent une campagne contre ces dérives. Il faut développer un esprit critique chez les jeunes croyants. Il faut élever le niveau intellectuel qui permet la résistance à ce type de barbarie», a estimé pour sa part le recteur de la mosquée de Bordeaux, Tareq Oubrou, interrogée par la même source.
Enlevé en Algérie
Hervé Gourdel avait été enlevé dimanche en Kabylie, dans l’est de l’Algérie, par un groupe qui menaçait de le tuer «sous 24 heures» si la France ne renonçait pas à ses frappes en Irak. Le groupe en question, qui se fait appeler Jund al Khilafa et lié à l’Etat islamique, a annoncé sa décapitation mercredi, dans une vidéo postée sur des sites djihadistes, intitulée «Message de sang pour le gouvernement français». La justice française avait ouvert mardi une enquête «pour enlèvement et séquestration en lien avec une entreprise terroriste».