Avant de vouloir évaluer et calculer la contribution du capital immatériel dans l’économie nationale, il convient d’abord de définir, identifier, limiter et adapter le concept selon les spécificités et le contexte marocain. C’est un concept bateau dont la notion diffère non dans le principe mais les composantes d’un pays à l’autre. Il faut aussi faire la différence entre capital immatériel et richesses immatérielles. Une richesse ne peut être considérée comme capital qu’une fois recensée, classifiée et évaluée.
Personne ne peut nier que nous sommes un pays riche de son histoire, sa culture, son patrimoine, sa diversité et son peuple mais on n’arrive pas à localiser cette richesse ni à concevoir comment elle peut être moteur de croissance, rentable et créatrice de valeur ajoutée. C’est là ou commence le travail.
Capitalisons cette richesse
Beaucoup parle de la formation, l’efficacité de la justice, le monde des affaires et de l’entreprise. Mais si le Roi dit qu’il faut améliorer le niveau de vie de ce simple citoyen qui n’a que son savoir-faire acquis, non pas dans des écoles et des universités mais dans le quotidien, ce que ses parents lui ont transmis, de ce qu’il a appris de son contexte et environnement. Comment il vit, il s’habille et il parle, ce qu’il fête et ce qu’il célèbre… bref son identité.
Même la France de qui on a pratiquement importé et inspiré la majorité de nos plans de développement, son Conseil économique et social a effectué une étude sur l’impact de la culture sur le développement économique et sociale en 1998. Récemment, un rapport a été publié montrant que la culture contribue 7 fois plus au PIB français que l'industrie automobile avec 57,8 milliards d'euros de valeur ajoutée par an. Son coût total pour la collectivité approche 21,5 milliards d'euros.
Si on revient à la définition de la culture selon l’UNESCO –adopté par le Maroc-, on voit clairement qu’elle englobe tout : "La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances».
La culture, vision 2020
N’est-ce pas le moment de revoir les secteurs dits prioritaires ? Certes on ne peut nier l’importance ni la contribution de ces industries mais si on veut joindre l’économique au social, il n’y a que le capital immatériel -surtout culturel- qui peut réussir une telle combinaison. En effet, ce dernier ne privilégie pas une partie qualifiée et formée seulement mais il implique les différentes composantes et classes sociales, quel que soit son niveau de formation ou de qualification.
La définition du capital immatériel au niveau macro-économique ne relève pas seulement du travail du comptable ou fiscaliste comme c’est le cas au niveau micro mais c’est un champ pluridisciplinaire (économique, social, environnemental, spirituel, culturel,…).
C’est donc maintenant qu’il faut redonner au ministère de la Culture le rôle qu’il aurait dû toujours avoir, parler d’une industrie de la culture, redéfinir le rôle des collectivités locales et pourquoi pas élargir le champ d’action du «Conseil Economique, Social et Environnemental» au culturel, voire même créer une fondation nationale du patrimoine.
Ce travail doit également passer par une cartographie de ce capital immatériel par région selon la nouvelle conception de régionalisation avancée. Référencer ce qui existe comme patrimoine par territoire afin d’élaborer une stratégie de développement territorial en se basant sur la ressource immatérielle, clé de chaque territoire afin de créer une identité, une image pour caque ville, chaque village, chaque douar.
L'homme au coeur du développement
Mais au final, le capital immatériel ne peut exister, être exploité et contribuer efficacement à l’économie marocaine sans le facteur principal qui est l’homme. Si cet homme lui-même n’est pas conscient de la valeur et l’importance de cette richesse dont il dispose et qui au lieu de ça la méprise et la nargue, on ne peut rien faire. C’est pour cela qu’il convient de l’impliquer dans le processus de détermination et d’évaluation dès le départ.
Focalisons nous sur cette richesse tant méprisée, ignorée, oubliée et marginalisée, cette richesse qui n’existe qu’avec et dans le peuple et qui doit être valorisée et exploitée mais positivement au bénéfice de ce même peuple. Ce capital immatériel ne doit pas être gaspillé, c’est notre dernière chance. C’est aussi l’occasion de préserver notre histoire et où tout citoyen quel que soit son niveau social, économique, culturel ou origine géographique peut être une partie indispensable et un acteur du développement et non pas un sujet de développement.