L’un des dossiers les plus préoccupants pour les associations de MRE est celui liés à la gestion des représentations diplomatiques du Maroc. «Il ne faut surtout pas que le nouveau ministre fasse comme Maâzouz, avec qui nous avons constaté beaucoup de tatônnements et d'approximations», affirme Ahmed Barni, Coordinateur du réseau des associations marocaines dans le Rhône-Alpes-Auvergne.
Revoir la gestion et la communication dans les consulats
D’après lui, M. Birou devrait résoudre les questions liées à la gestion des consulats et éviter les «erreurs» de son prédécesseur, à savoir, «le mauvais rôle des consuls, les conventions sans effet, et surtout la mauvaise gouvernance et les mauvais conseillers». Le militant associatif a surtout, à l’esprit, le cas du consulat de Lyon où de nombreuses «malversations», dénoncées en mai dernier, ont conduit au limogeage du consul de l’époque, Saad Bendourou. D’ailleurs les MRE de la région du Rhône-Alpes ont connu tellement de déboires avec ce diplomate que son successeur, Chafika El Habti, avait suscité beaucoup d’espoir au vu de ses expériences passées à Rennes et Orléans.
Le problème est quasiment le même en Belgique, mais les responsables associatifs MRE affichent moins d’optimisme, car ils ont depuis l’impression de prêcher dans le désert. L’AMDH locale est encore outrée par l'affaire des 300 plaintes de corruption, d’abus et de harcèlement émises par les MRE contre les consulats du pays et médiatisée en août dernier. «Jusqu’à présent, l’Ambassade ne nous a pas répondu», regrette-t-il, estimant que les représentants diplomatiques «doivent revoir leur manière de communiquer». L’homme regrette d’ailleurs que l’affaire n’ait pas été prise au sérieux par les autorités qui ont toujours nié la réception de ces plaintes.
Pour une nouvelle stratégie en faveur des MRE
Ahmed Barni, pour sa part, appelle Anis Birou à l’élaboration d’une «nouvelle stratégie qui tienne compte de tous les intervenants en vue de créer des relais et de pallier les dysfonctionnements et clientélisme des consulats» marocains à l’étranger.
Même son de cloche chez l’association des amis du peuple marocain en Espagne (ITRAN) . «Il faut que le nouveau ministre suive de près la gestion des consulats marocains, les fonctionnaires, …», indique son président, Mohamed Alami Susi.
Revoir les conditions de la traversée du détroit
M. Alami ne passe pas par quatre chemin : «On ne veut pas qu’il nous envoie des moutons pour l’Aid. Nous attendons que le nouveau ministre soit plus attentif aux problèmes des Marocains qui vivent ici [en Espagne, ndlr]». Il dénonce le fait que les MRE du royaume ibère n’aient jamais reçu l’aide promise par le gouvernement Benkirane, afin de faire face à la crise. A noter que celle-ci a mis au chômage 65% de la communauté.
Par ailleurs, Mohamed Alami Susi soulève la question liée aux conditions de la traversée du détroit de Gibraltar. «Le nouveau ministre devrait essayer la traversée en bateau et voir les conditions dans lesquelles les MRE voyagent», estime ce responsable associatif. Il rapporte qu’il y a un mois, un ferry de la compagnie Grimaldi, arrivant d’Italie vers le Maroc avec une escale à Barcelone, «était infesté de puces», mettant ainsi en danger la santé des passagers majoritairement Marocains. D’après lui, ce genre de choses ne devrait pas être toléré.
Prorogation de l’admission temporaire des véhicules, Vote des MRE, …
En outre, les MRE veulent du concret concernant la prorogation de l’admission temporaire des véhicules réclamée depuis longtemps. «Le nouveau ministre, avant même sa nomination, avait montré une certaine volonté de changement en présentant l’amendement y afférent devant le parlement, en novembre 2012», indique Salem Fkire, président de Cap Sud MRE. «Maintenant, nous attendons des actes concrets», ajoute-t-il.
L’autre volet préoccupant pour les Marocains du monde est leur implication dans la vie politique du royaume. Malgré leur participation active à l’économie nationale, avec notamment 65,3 milliards de dirhams de transferts de devises en 2012, les MRE n’ont toujours pas le droit de voter au Maroc. Un droit qu’ils réclament pourtant depuis plusieurs années. «On espère qu’avec ce nouveau ministre, la situation sera débloquée afin qu’on puisse enfin voter», souhaite Salem Fkire.
«Nous n’attendons rien, le Maroc garde le silence quand les droits des MRE sont bafoués»
Au Pays Bas, le discours est très empreint de pessimisme. «Nous n’attendons rien du nouveau ministre», affirme à Yabiladi Abdou Menebhi, président du Centre euro-méditerranéen Migration et Développement (EMCEMO). D’après lui, l’absence d’ «une politique claire de la part de l’Etat», révèle un «manque de volonté politique pour le changement».
M. Menebhi tient pour preuve les deux projets de loi aux Pays-Bas visant à réduire les allocations des MRE, lesquels sont toujours en cours. Il se dit surtout dérangé par «le silence du gouvernement marocain, au moment où les droits des MRE sont bafoués». Il se montre donc plutôt sceptique, soulignant le fait qu’Anis Birou s’occupera non seulement des Marocains du monde, mais aussi de la migration au Maroc. «Ce sont deux dossiers lourds», affirme-t-il, estimant que bien qu’il faille positiver, «avec l’expérience de cinq ministres sans résultats concrets, permettez-moi de douter».
«Nous n’avons jamais trouvé de solutions à nos problèmes auprès de ce ministère»
Le discours est le même, sinon pire pour d’autres MRE. «Sincèrement, nous n’attendons rien de ce ministère, car il n’a jamais résolu aucun de nos problèmes, depuis nos dix ans d’existance», déclare Abdeslam Habiballah, président de l’Association des Marocains en Afrique du Sud. D’après lui, les prédécesseurs d’Anis Birou n’ont jamais répondu à ses courriers, malgré toutes leurs promesses en début de mandat. Cette année même, il n’a jamais su ce qui c’était passé pour que le Maroc ait des «drapeaux honteux» à la Coupe d’Afrique des nations (CAN) organisée en janvier 2013 au pays de Nelson Mandela. Pire, en août dernier, il a porté en vain, devant la diplomatie marocaine, le cas d’un MRE qui, atteint d’une maladie du cœur, avait besoin de plus de 100 000 dirhams pour se faire opérer.
M. Habiballah considère le budget alloué au département des MRE comme «un véritable gaspillage d'argent». «A part les visites touristiques que fait ce ministère pour les MRE ? Rien du tout», tranche-t-il.
Toutes ces réclamations reflètent, en partie, le ressenti des Marocains à travers le monde vis à vis du ministre des MRE, excepté ceux de Chine, qui montrent généralement une certaine satisfaction des services diplomatiques dans leur pays d’accueil. C'est dire si les attentes sont importantes et la tâche qui attend Anas Birou se révèle des plus ardue avec l'ajout de la question migratoire au Maroc dans ses prérogatives.