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Grand Angle

France : Les ouvrier agricoles marocains victimes du « travail forcé »

La Joseph Rowntree Fondation vient de publier un rapport sur le travail forcé dans 9 pays d'Europe. Dans le cas de la France, il souligne particulièrement les violations des droits des immigrés marocains dans les exploitations agricoles. Il rappelle également que le secours offert aux victime du travail forcé est, dans toute l'Europe, très réduit.

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Près de 800 000 personnes peuvent être qualifiées de travailleurs forcés en Europe. Le rapport de la Joseph Rowntree Fondation, «Détecter et combattre le travail forcé en Europe» rendu public en juin 2013 en Grande Bretagne, souligne que les Marocains employés dans les exploitations agricoles françaises sont plus particulièrement touchés par le phénomène. Le travail forcé est défini par l’Organisation internationale du travail comme un «travail ou un service exigé […] sous la menace d'une peine quelconque et qu’il [le travailleur] n’a pas offert de plein gré». Au niveau européen, les premières victimes du travail forcé sont les immigrés en situation administrative irrégulière.

Le rapport révèle notamment l’histoire de Aït Baloua recueillie par le Codetrace (Collectif de défense des droits des travailleurs étrangers dans l’agriculture). Ce Marocain a travaillé pendant 23 ans pour un exploitant dans les Bouches du Rhône. Chaque année son contrat était prolongé de 8 mois jusqu’à ce que l’exploitant fasse faillite.

3 ans de travail volé

L’ouvrier avait fait le calcul de toutes les heures qu’il avait travaillées au cours de ces 23 ans. Ses avocats ont calculé que l’exploitant lui avait ainsi volé trois ans de salaire complets et que chaque 8 mois travaillés étaient l’équivalent d’une année entière. En 2010, le Marocain a reçu 40 000 euros grâce à un accord avec son employeur d’alors en échange de l’arrêt des poursuites judicaires.

Le rapport dénonce aussi la faiblesse de la règlementation française contre les employeurs qui exploitent leurs travailleurs. «En France les inspecteurs du travail n'ont aucun pouvoir pour forcer un employeur à verser son salaire à l’un de ses employés. Ils ne peuvent donner aucune instruction à un employeur […]», regrette le rapport, mais il souligne l’efficacité, dans plusieurs cas, du recours aux Prud’hommes.

«Employeur illégal»

La Joseph Rowntree Fondation constate plus globalement que la tendance en Europe de la règlementation est plus à la poursuite et la condamnation des réseaux qui mènent au travail forcé qu’à la protection de ceux qui en sont victimes. Théoriquement, en France, les victimes ont le droit à des indemnités pour le préjudice subi, mais en 2011, seules deux d’entre elles en ont bénéficié sans que l’on sache si c’était en raison de travail forcé, note le rapport.

«Dans aucun des neufs pays [étudiés le rapport, ndlr] n’existe le terme «employeur illégal» alors que d’un autre côté les termes «immigrant clandestin» et «travailleur irrégulier» dominent. «Quand il s'agit de [travail forcé] gouvernements sont presque entièrement concentrés sur les contrôles aux frontières plutôt que la protection au travail. C'est toujours commode de prétendre que si vous durcissez la fermeture des frontières, vous pouvez contrôler le travail forcé. C’est une affirmation au mieux fallacieuse et au pire délibérément erronée», insiste Nick Clark, chercheur à la London Metropolitan University et auteur principal du rapport, au Guardian.

Besoins économiques

« S’il y a une immigration vers l’Europe, irrégulière ou non, c’est qu’il y a une demande de main d’œuvre. La relation étroite entre le taux de croissance de l’Europe et l’émigration marocaine montre bien que l’immigration répond à une demande, y compris l’immigration irrégulière», explique Hein de Haas, co-directeur de l'International migration institut de l'université d'Oxford qui travaille depuis une vingtaine d'années sur l'émigration marocaine.

En France, «il existe une main d’œuvre illégale et corvéable qui existe sans qu’il ne soit jamais clairement dit qu’elle appartient réellement au marché du travail. Pourtant, le nombre d’illégaux participe à la stabilité de ce marché», estime Denise Helly, professeure titulaire à l'Institut National de Recherche Scientifique (INRS), à Montréal, spécialiste de l’immigration et de l’intégration au Canada. Si les travailleurs irréguliers participent bien à l’économie nationale leur invisibilité tient à la fois à «l’incapacité de la France à se voir comme un pays d’immigration», souligne Catherine de Wenden, et à la faiblesse du lobby patronal.

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