Le Marocain Ahmed Errachidi suspecté de terrorisme, emprisonné pendant 5 ans à Guantanamo et libéré il y a 6 ans, publie, avec l’écrivaine et journaliste sud-africaine Gillian Slovo, son histoire : «The General : The Ordinary Man Who Challenged Guantánamo» («Le général : L’homme ordinaire qui a défié Guantanamo»), aux éditions CHATTO & WINDUS, fin mars. «The General» parce qu’entre les mains de ses bourreaux il devient en quelque sorte le leader des prisonniers et défend leurs droits au dépend des siens au point d’être surnommé ainsi. «Homme ordinaire» parce que Ahmed Errachidi n’était qu’un simple cuisinier en Grande Bretagne quand il a été vendu par les Pakistanais aux Américains pour 5000 dollars, rapporte Express.co.uk.
Dans ce livre, il raconte les évènements qui l’ont mené jusqu’à Guantanamo. Ahmed Errachidi avait émigré en Grande Bretagne, en 1984, pour tenter sa chance à Londres, à 18 ans. Il a fait sa vie là bas, comme cuisinier, mais s’est marié au Maroc, à Tanger, où il est né et où naissent ses deux garçons. Son fils cadet tombe gravement malade et doit subir une intervention chirurgicale du cœur pour être sauvé, mais Ahmed Errachidi n’a pas d’argent, alors il se lance dans une entreprise un peu folle : il part pour Islamabad y lancer un commerce d’importation de bijoux en argent au Maroc. Seulement 2 semaines après le 11 septembre, il découvre sur les écrans de télévision de la capitale pakistanaise, l’Afghanistan sous une pluie de bombes.
Cuisinier et bi-polaire
Choqué, il décide de traverser la frontière pakistano-afghane en direction des camps de réfugiés pour les aider. Il n’a pas de plans précis, seulement la vague idée de se servir de ses talents de cuisinier dans un camp de réfugiés, «poussé par un élan qu'il ne pouvait pas contrôler», indique-t-il. Son avocat, Clive Stafford Smith, a une explication a son surprenant comportement : Ahmed Errachidi serait bi-polaire. «Les interrogateurs a Guantanamo ne le croyaient pas, mais l'histoire avait un sens pour moi […] pour Ahmed, tout était possible, même cette dangereuse mission», explique-t-il dans «A Handful of Walnuts», publié par Granta, l’histoire de Ahmed Errachidi écrite pas son avocat.
En réalité, Ahmed Errachidi, sans argent, devient à son tour réfugié. "Il m’a dit que les Pakistanais l’avaient vendu aux Américains. J’ai obtenu des copies de feuilles de primes promettant 5000 dollars par terroriste, avec une photographie d’un arabe barbu ressemblant beaucoup a mon client», continue Clive Stafford Smith.
Leader de 750 détenus
Parce qu’il parle anglais, et en dépit des tortures subies dès son arrestation au Pakistan ou à causes d’elles, en dépit aussi de ses problèmes psychiatriques, il devient le leader officieux de près de 750 détenus dans le camp de Guantanamo. Il organise des manifestations, obtient des droits pour les détenus, quelques feuilles supplémentaires de papier toilette, au départ, déchire les tristement célèbres tenues orange… En retour, il est soumis à des punitions supplémentaires et excessives, même au regard des normes de cet enfer banal.
Les prisonniers sont privés de sommeil, sauvagement battus, mis à l’isolement, des gaz nocifs et des médicaments sont utilisés ainsi que beaucoup d’autres techniques psychologiques. Ahmed Errachidi raconte qu’il a été interrogé quotidiennement par des soldats et des agents de la CIA qui se souciaient peu de ses réponses. Il s’accroche à l’espoir qu’il sera libéré dès que son innocence aura été prouvée, mais rien n’arrive, malgré l’évidence. «Nous avons été incarcérés non pas pour leur permettre de déterminer si nous étions coupables ou innocents, mais ainsi ils pouvaient former de nouveaux interrogateurs», écrit Ahmed Errachidi.