Menu

Grand Angle

Coupe budgétaire de 15 milliards de dirhams au Maroc : Benkirane critiqué de toute part

Depuis que l’Etat a décidé de réduire de 15 milliards de dirhams l’enveloppe allouée aux investissements pour l’exercice 2013, les réactions s’enchainent. Politiques, économistes, tous déplorent les orientations du gouvernement Benkirane, appelant notamment à des réformes structurelles.

Publié
DR
Temps de lecture: 3'

Vendredi 5 avril dernier, le ministre des Finances Nizar Baraka a annoncé une coupe 15 milliards de dirhams dans le budget alloué aux investissements en 2013. Cela devrait permettre à l’Etat de «faire face aux répercussions de la conjoncture actuelle sur l'équilibre des finances publiques», tel qu'expliqué par le porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi.

Seulement, les réactions à cette nouvelle orientation ne se sont pas faites attendre au niveau des politiques, tant chez l’opposition qu'auprès de la majorité. C’est une «orientation dangereuse pour l’avenir du pays», selon le premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachgar, qui a tenu une conférence sur le sujet vendredi dernier à Rabat. Il estime le gouvernement Benkirane «incapable de trouver des solutions créatives face à la crise». Deux jours plutôt, c’est le secrétaire général du PPS, Nabil Benabdellah, qui lui aussi, critiquait. «Il n’y a pas de pays qui sort de la crise en adoptant seulement une politique d’austérité. Ce n’est pas simplement une question de dépenses», a-t-il affirmé. Selon le ministre de l'Habitat, les investissements doivent se pérenniser pour permettre à l’économie de se développer, d’une part. Et d’autre part, il faut «trouver des équilibres financiers».

Problème structurel et non conjoncturel

De son côté, l’économiste Najib Akesbi prône le mise en oeuvre de réformes structurelles. «Cette histoire de coupe budgétaire n’est qu’un maillon dans une chaine. Des maillons encore plus douloureux sont à venir», affirme-t-il à Yabiladi. L’économiste reste formel : la situation actuelle du Maroc «n’est pas due à des problèmes conjoncturels, mais structurels». En effet, dans la structure de financement du budget général de l'Etat de 2013, les recettes fiscales ne couvrent que 60% des dépenses budgétaires, alors que les 40% restants devraient être financés par le recours à l'endettement. «En ce moment, l’Etat est acculé à l’endettement. Il est obligé d’emprunter, pas uniquement cette année, mais également au cours des trois ou quatre prochaines années», explique cet universitaire. Le Maroc n’étant pas un pays rentier, il n’a pas beaucoup de ressources. «Par conséquent, il devrait normalement couvrir 85% de ses dépenses par des recettes fiscales. Or le système fiscal au Maroc est devenu incapable d’assumer ses premières fonctions, à savoir, couvrir les charges de l’Etat», déplore M. Akesbi.

Contraints par les bailleurs de fonds ?

«Malheureusement, le gouvernement est dans une logique d’ajustement budgétaire comme c’est le cas depuis de longues années», regrette l’économiste. Et d’ajouter : la seule différence c’est que les gouvernements précédents ne l’annonçaient pas. L’on constatait. Cependant, «je ne crois pas que le gouvernement fait cette annonce pour les beaux yeux de la transparence. Il le fait parce qu’il est aujourd’hui soumis au regard du FMI ainsi que des agences de notation».

Après l’avoir déclaré l’année dernière après la sortie du trésor sur le marché international, Najib Akesbi persiste et signe : «le Maroc a déjà perdu sa souveraineté en matière de décision économique». «On est obligé de gérer en fonction de ce que veulent les bailleurs de fonds», dit-il.

On ne le dira pas assez, l’un des défis majeurs de l’Etat chérifien aujourd’hui reste la réforme de sa caisse de compensation. La réforme est prévue en juin prochain, mais ses contours restent méconnus. Le FMI, dans son dernier rapport a proposé de relever les prix des produits de base, tout en accordant des aides directes aux populations défavorisées. La question reste cependant sensible pour la société civile et le gouvernement ne semble pas d'ailleurs s’inscrire dans cette logique, après avoir annoncé qu'il n'y aura pas de hausse des prix des matières premières cette année. 

M. Akesbi pour sa part recommande une «réforme radicale» de la caisse de compensation. Il rejoint le FMI, proposant un  «changement du système en supprimant l'aide sur les prix en mettant en place des aides directes» aux populations défavorisées. D'autant que la question des subventions au Maroc a souvent posé problème, car les plus nantis en profitent souvent plus que les nécessiteux. «Ce sont les cours mondiaux qui déterminent l’ampleur de notre déficit, explique l’économiste. Or, nous sommes déjà dans une très mauvaise posture alors que ces cours sont calmes actuellement. Si le cours du pétrole ou du sucre augmente, ce n’est pas 15 millions qu’il va falloir couper, mais 30».

Soyez le premier à donner votre avis...
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com