A 12h30, aujourd’hui, mercredi 3 avril, l’avion transportant François Hollande, président de la République française, 8 ou 9 ministres, mais vraisemblablement pas Arnaud Montebourg pourfendeur des délocalisations devant l’éternel, et une soixantaine de grands patrons français, atterrira à l’aéroport Mohammed VI de Casablanca pour une visite officielle de deux jours.
«Ce voyage devrait coïncider avec la signature d'accords, mais pas de contrats majeurs», indique Reuters, ce matin, repris en cœur par toute la presse française. Les deux pays ont déjà eu leur lot de grands contrats : le futur TGV sur l’axe Casa-Tanger, le tramway de Casablanca, les usines Renault qui s’installent à Tanger... «Bien qu'étant le premier partenaire du Maroc, nous ne voulons pas nous reposer sur nos lauriers, nous ne considérons pas que nous avons des positions acquises, et nous investissons dans des domaines d'avenir», a indiqué un diplomate parisien.
Retrouver sa place de n°1 au Maroc
Aujourd’hui, les sociétés françaises se tournent vers le secteur des énergies renouvelables à révélé l’ambassadeur de France à Rabat, Charles Fries, le 21 mars, en préambule de la visite présidentielle. «Si nos entreprises sont déjà bien présentes dans l'éolien [GDF Suez a décroché, en février, le projet de construction du parc éolien de Tarfaya, ndlr] nous voulons nous impliquer davantage [sur] le plan solaire marocain», a relevé Charles Fries, précisant que Paris plaçait ainsi «beaucoup d'espoir dans le prochain appel d'offres lancé sur la 2e tranche de la centrale solaire de Ouarzazate».
Ces nouveaux investissements sont une nécessité pour la France, si le pays veut conserver sa place de partenaire commercial n°1 du Maroc. En octobre dernier, les statistiques économiques ont révélé que l’Espagne était devenu, officiellement (sans considérer le marché noir), le premier fournisseur du Maroc. «Il faut […] rester son premier partenaire, notamment commercial», dit-on dans l’entourage du président français, aujourd’hui.
Les appels du pieds d'Amrani
Hier, lundi 2 mars, Youssef El Amrani, ministre marocain délégué au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, était à Madrid, comme un signe discret lancé à l’adresse de la France : ‘votre premier concurrent au Maroc n’est pas loin’. En présence, du ministre espagnol des affaires Etrangères et de la Coopération, José Manuel Garcia-Margallo, Youssef El Amrani a déclaré : «On ne peut pas permettre que cette région [le Sahel, ndlr] soit exposée à l'incertitude qui aggraverait les vulnérabilités déjà existantes.» Message adressé autant à l’Espagne qu’à la France pour les appeler à soutenir le plan marocain d’autonomie du Sahara, que le Maroc présente comme la seule solution de stabilité pour la région, dans le contexte de la guerre au Mali.
Parce que le Maroc a soutenu l’intervention militaire française et autorisé le survol de son territoire, «légitimement, François Hollande va donc s'employer à remercier le Maroc mais aussi à s'assurer de son soutien pour l'après-guerre, qui s'annonce semé d'embûches», analyse, aujourd’hui, le Figaro. La position de soutien de la France au plan marocain pour le Sahara ne changera donc pas.
Hollande comme Sarkozy
Intérêts économiques et géostratégiques jouent donc de concert pour favoriser un renforcement des relations entre le Maroc et la France, en dépit du départ de Nicolas Sarkozy de la présidence française, lui qui était connu pour entretenir des relations amicales avec le roi du Maroc. «François Hollande a semblé vouloir se démarquer de ses prédécesseurs, mais en réalité les liens incestueux qu’entretiennent les élites au pouvoir des deux pays sont telles que la volonté présidentielle de garder ses distances avec le Palais demeure bien marginale», analyse Ali Amar, sur Atlantico.
Dans ce contexte, François Hollande est venu protéger et renforcer les intérêts français au Maroc, il va donc devoir s’adonner au petit jeu habituel de tous les présidents en voyage à l’étranger : faire face, comme à chacun de ses voyages à l’étranger, aux doléances diverses qui lui seront adressées sans jamais pointer du doigt les autorités du Maroc. Il y a quelques jours, l’association Droit et justice défendant les intérêts de Français et d’Européens dans des affaires de spoliations immobilières au Maroc est parvenue à faire passer à l’Elysée un récapitulatif des affaires qu’elle a recensé, rapporte 20 minutes.
Doléances multiples
Lundi 1er avril, 22 détenus français au Maroc ont entamé une grève de la faim pour se faire entendre du président de la république dont ils demandent le soutien. Comme les premiers, ils souhaitent que François Hollande glisse un mot en leur faveur. Ils espèrent le voir intervenir pour que leurs transferts en France soient plus rapides, les procès iniques annulés, les tortionnaires jugés …
Human Right Watch est la dernière en date à avoir exprimé une requête à l’adresse de François Hollande. «Le président de la République française, François Hollande, devrait exercer davantage de pression pour que le Maroc approfondisse ses réformes en matière de droits humains, lors de sa première visite officielle à cet allié de longue date de la France», a conseillé, hier, mardi 2 avril l’ONG, dans un communiqué.
En réponse, le président français va donc décliner une proposition déjà avancée par l’Elysée et qui reste exactement la même d’un gouvernement à l’autre. «Le Maroc a changé, il change, il va dans la bonne direction. Dans un contexte où les printemps arabes offrent beaucoup de potentiel, mais aussi des risques, le Maroc a trouvé sa voie», indique-t-on, aujourd’hui, dans l'entourage du président français.