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Grand Angle

Sahara-CIA files #8 : Le Mur des sables, la «Grande muraille du Maroc» selon les Etats-Unis

Dans un document daté de 1985, la CIA a décrit la berme en construction dans le Sahara comme étant une «Grande muraille du Maroc». Le projet a attiré l’attention des experts militaires américains et soviétiques, qui y ont vu l’une des «applications réussies» de la technologie contre l’insurrection armée.

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Le 16 août 1985, la CIA a consacré un document au Mur des sables, construit par le Maroc au Sahara. Déclassifié le 13 janvier 2012, cet écrit qualifie le projet de «Grande muraille». Une vue aérienne permet d’en mesurer l’étenue «contre les combattants du Polisario, comme une fine contusion brune à travers le vaste vide gris du désert, se fondant dans le mirage qui scintille à l’horizon», soulignent les renseignements américains.

«Il s’étend sur plus de 1 500 milles, depuis la frontière algérienne au nord-est, serpentant vers le sud, puis vers l’ouest, longeant la frontière mauritanienne jusqu’à l’océan Atlantique, traversant un désert si chaud que les caméras ne fonctionnent pas et que les corbeaux ne volent pas», décrit encore la CIA.

«Dans le vide sablonneux du Sahara, se trouvent des murs de terre de 9 pieds de haut, équipés de radars antipersonnel de l’ère spatiale, de capteurs sismiques, d’artillerie, de mines et d’unités d’infanterie mécanisées.»

Document de la CIA

Une installation de défense sans précédent

«Pour la première fois depuis une décennie, des experts militaires occidentaux affirment que le mur inverse le cours de la guerre contre le Front Polisario en faveur du Maroc», note la CIA. Elle cite par ailleurs le général marocain Abdelaziz Bennani, commandant de la zone militaire du sud à ce moment-là, comme étant «le principal architecte de la stratégie du mur».

Dans ce sens, les renseignements américains soulignent le caractère inédit de cette construction «sans précédent dans l’histoire». Selon l’agence, le mur est en effet «constitué de centaines de points forts espacés d’environ 3 kilomètres, le long du haut talus de sable. Chaque point protège son voisin par des tirs superposés, tandis que de petites unités mécanisées ont été déployées à proximité pour intercepter les combattants du Polisario qui parviendraient à atteindre le mur».

«Avec quelques moyens, nous maintenons une force suffisante le long du mur. Cela oblige le Front Polisario à engager nos forces selon nos conditions.»

Abdelaziz Bennani

Le document indique que «la dernière fois qu’il a été dit que des soldats du Polisario avaient tenté de pénétrer le Mur par la force, c’était en octobre dernier (1984), lorsque les forces marocaines ont prouvé le point de vue du général Bennani avec une efficacité meurtrière».

Il explique que lorsque les milices du Polisario se sont approchées du mur, elles «se sont livrées à un échange de tirs qui a entraîné la mort de dizaines d’entre eux et la destruction ou la saisie de plus d’une vingtaine de véhicules» par la partie marocaine.

Un revirement pour la situation sécuritaire de la région

Sur le terrain comme au regard de la CIA, le Mur des sables a constitué un revirement de la situation sur tous les plans. Pour cause, les milices du Polisario n’ont plus osé s’en approcher. Depuis, selon les responsables marocains, les rebelles du mouvement séparatiste ont été tenus à distance. Il se sont contentés de manœuvres limitées et occasionnelles, en utilisant des missiles puis en se retirant rapidement, avant que les radars marocains ne tracent leur emplacement.

Le document a par ailleurs confirmé qu’un an plus tôt, le Front Polisario parlait même de contrôler les deux tiers de la région du Sahara. Mais «quand le Maroc aura achevé son Mur de sable, les experts militaires occidentaux disent que les rebelles contrôleront moins d’un tiers de l’ancienne colonie espagnole».

Pour toutes ces raisons, selon le document de la CIA, le mur a attiré «l’attention des experts militaires américains et soviétiques» comme étant l’une des «applications réussies de la technologie contre l’insurrection de la guérilla». Les renseignements américains poursuivent : «Les autorités marocaines n’ont pas révélé le coût de la construction du mur, mais les experts militaires occidentaux l’estiment à hauteur de 10 millions de dollars».

«La nature de l’insurrection a changé. Avant, il s’agissait de rebelles à pied et en jeep. Aujourd’hui, il s’agit de rebelles utilisant des chars et des missiles SAM-6. Le mur a été adapté à la nouvelle situation», a déclaré le général Abdelaziz Bennani. «Notre stratégie de défense est de ramener le Polisario dans ses bases. Nous voulons arrêter la guerre et non pas la déclencher», a-t-il insisté.

Parmi les avantages du Mur des sables, la CIA mentionne «la réduction des tensions et de l’incertitude économique dans le sud du Maroc». Un an plus tôt, Laâyoune a justement été «une cible fréquente des attaques du Polisario». Mais une fois la berme érigée, «un nouveau club nautique a été ouvert» dans la ville côtière, proposant notamment «de la plongée sous-marine et des sorties nocturnes en jeep dans le désert».

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