« Récits de retours » : Un site web pour inciter les immigrés à renter chez eux ?

« Bien réfléchir à son intégration et avoir l’aide de sa famille. » Le conseil ne vient pas d’une quelconque responsable politique de l’Union européenne, mais de Sabrina, une jeune marocaine qui a décidé de revenir au Maroc après un séjour illégal et infructueux en Irlande. Son témoignage est rapporté sur le site web «Récits de retour» qu’a lancé, cette semaine, le bureau de l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) en Irlande.

Sabrina a vécu 5 ans, en Irlande, en situation irrégulière en vivant de petits boulots de serveuses dans des bars avant de se diriger vers le bureau de l’OIM qui offre une aide au retour volontaire. Elle voulait rentrer, mais n’en avait pas les moyens, explique le site. Au Maroc, elle est retournée vivre chez ses parents et prend des cours d’anglais pour trouver un emploi car elle est encore au chômage. «La décision de rentrer au pays est souvent le résultat de circonstances difficiles ou imprévues» déclare Theodora Suter, Chef de mission de l’OIM en Irlande, dans un communiqué.

Retour : le chemin à suivre ?

L’ensemble du site propose ainsi une carte interactive, avec des flèches partant d’Irlande en direction des pays du Sud et de l’Est de l’Europe. Une façon explicite et visuelle d’expliquer le chemin à suivre à tous les immigrés ? «Ce site Internet n’a pas pour objectif de présenter le retour comme la solution appropriée pour tous les migrants, mais de mettre en lumière, à travers des récits individuels, quelques-uns des défis et des opportunités qu’offrent le retour volontaire et la réintégration», se défend Théodora Suter.

Pour autant, la création de site internet s’inscrit dans du programme d’aide au retour volontaire et à l’intégration de l’OIM. Ce programme prévoit un travail de fond pour organiser le retour des immigrés en situation irrégulière : sélection des personnes accessibles au programme, réflexion sur les points de chutes professionnels possibles dans le pays d’origine et financement, selon les personnes, d’un petit commerce ou d’une formation professionnelle pour assurer un retour le meilleur et le plus durable possible. En 2009 et 2010, l’OIM France avait organisé le même programme. Le montant moyen octroyé aux individus était de 2600 euros.

2600 euros par retour

La fonction première de l’OIM est d’aider, au niveau internationale à une «gestion humaine et ordonnée des migrations, […] à la recherche de solutions pratiques aux problèmes de migration et de fournir une assistance humanitaire aux migrants dans le besoin […]», indique le site officiel de l’OIM Irlande. Pourtant, sur les trois programmes actifs de l’OIM en Irlande, deux touchent au retour des immigrés dans leur pays d’origine : l’aide au retour volontaire et l’aide à la réintégration.

Dans ce cadre, le nouveau site «Récits de retour» peut difficilement être pris pour autre chose qu’un outil de communication visant à faire la publicité de ces retours, aussi humains et pertinents soient-ils. «Le site Internet […] a aussi pour but de donner aux individus les informations dont ils ont besoin pour prendre une décision en toute connaissance de cause, et de présenter de nouvelles possibilités à ceux qui décident finalement de rentrer au pays», indique le communiqué de l’OIM.

Financé par l'UE

Si les programmes d’aides au retour volontaire et à la réintégration ont la particularité d’être volontaire et positifs, ils n’en restent pas moins fondés sur l’intention de voir partir les immigrés. Car l’OIM ne dispose pas d’un budget propre quelle alloue en fonction de ses programmes. Elle ne peut mettre en place que les programmes qu’elle parvient à financer, or ses bailleurs de fonds ne sont autres que les gouvernements européens eux-mêmes et l’Union européenne.

Dans le cadre du programme d’aide au retour volontaire en Irlande, l’OIM voit son programmé co-financé par le Fonds européen pour le retour et le ministère irlandais de la Justice et de l’Egalité. Avec un tel fonctionnement, l’OIM ne devient-elle pas le bras «humain» des politiques migratoires européennes ? Ne se transforme-t-elle pas en une agence gouvernementale comme une autre ?