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Interview

Météo : Vers la fin de la saison pluvieuse au Maroc ? L’avis de Mohamed Benabbou, expert en climat

Ces derniers jours, plusieurs régions du Maroc ont connu une augmentation inhabituelle des températures, pour un mois de janvier qui constitue la période la plus froide et la plus pluvieuse de l’année. Dans cette interview, Mohamed Benabbou, expert en climat et en développement durable, analyse ces dérèglements et leur impact sur les réserves en eau, dans un pays qui connaît des périodes de sécheresse sans précédent.

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Que nous disent les records des températures de ces derniers jours sur l’impact du dérèglement climatique sur le Maroc ?

La température que connaît le Maroc ces derniers jours, qui a quelque peu diminué depuis mardi, est principalement due au changement climatique qui jette son ombre sur le pays. Nous assistons désormais à une hausse des températures qui ne se limite plus à une saison spécifique, mais qui s’étend sur toute l’année. En 2023, des températures records ont été enregistrées en mars et avril, puis en juillet et en août dans plusieurs villes, notamment Agadir. Au cours du mois d’octobre, nous avons également enregistré des chiffres records.

Nous sommes en janvier et nous enregistrons encore des maximales dans un ensemble de villes et de régions, dont Sidi Ifni, Agadir et Nouaceur, où la température a dépassé les 31 degrés. Tout tend à indiquer que le Maroc subit considérablement les effets du changement climatique et qu’il en paierait un lourd tribut.

A moyen terme, ce scénario deviendra-t-il une nouvelle normalité ?

Il existe une sécheresse structurelle depuis 2018, faisant que les ressources en eau tendent à diminuer. Les canicules exceptionnelles d’aujourd’hui deviendront le scénario normal.

La situation géographique du Maroc, en Méditerranée, fait aussi que le record des températures dépasse la moyenne internationale. Si cette dernière augmente de 1,1 degré, le Maroc enregistre une hausse de 1,37 degré comme moyenne au niveau national.

Tant que la densité des gaz à effet de serre augmentera dans l’atmosphère, les températures continueront de grimper également. Cette évolution alarmante deviendra une normalité, notamment au cours des mois connus pour être les plus froids.

Nous vivons maintenant dans une saison de sécheresse, accompagnée d’une hausse des températures. La pluviométrie actuelle est équivalente aux précipitations estivales, enregistrées habituellement en période normale. Au cours des années 1970 et 1980, les pluies ont toujours duré une semaine ou deux au cours du mois de janvier.

Peut-on dire que les effets de cette augmentation de températures se ressentent d’ores et déjà ?

Les températures élevées affectent grandement les réserves d’eau collectées dans les barrages. Nous perdons quotidiennement environ 1,6 million de mètres cubes à cause de l’évaporation.

Quelles seraient les solutions, selon vous ?

Il deviendra nécessaire de s’adapter à ce phénomène, en plus d’élaborer un plan aux niveaux national et local, puisque toutes les régions du Maroc doivent désormais avoir des réponses au défi du dérèglement climatique qui les concerne. Il est prioritairement question d’assurer la sécurité hydrique et la sécurité alimentaire. Il est également impératif de reconsidérer les cultures gourmandes en eau, sachant que le secteur agricole consomme 87% des ressources hydriques nationales.

Le Maroc s’oriente vers la création de nouveaux bassins agricoles dans les régions de l’Oriental et du Sud, en s’appuyant sur des usines de dessalement d’eau de mer. Il envisage, de cette façon, de couvrir 100 000 hectares des besoins d’irrigation. L’expérience de Chtouka Ait Baha (région du Souss) a été pionnière en la matière. Actuellement, on a réussi à ce que 15 000 hectares des terres agricoles soient irriguées à partir de l’eau dessalée, et non par les ressources conventionnelles ou les eaux souterraines.

Nous avons des côtes étendues de la mer Méditerranée et à l’océan Atlantique. Elles peuvent être exploitées en tant que ressources non conventionnelles, comme l’indiquent le rapport du comité du Nouveau modèle de développement et les discours du roi Mohammed VI à ce sujet.

La solution consiste à combiner le dessalement de l’eau de mer avec le traitement des eaux usées. Ces dernières peuvent être utilisées par ailleurs pour irriguer les espaces verts et les terrains de sport, de manière à préserver les ressources tarissables de nos nappes phréatiques.

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