Le 8 novembre, le ministre de la Santé interdit aux médecins du public d’exercer dans le privé. Quelques semaines plus tard, les premières démissions commencent à pleuvoir, des sources les estiment à une trentaine. Ses auteurs sont des enseignants universitaires et d’éminents chirurgiens. Des talents très recherchés par les propriétaires de cliniques. La fuite annoncée des compétences des hôpitaux étatique est, ainsi, mise sur les rails. Elle devra se poursuivre avec les autres cadres de la chaine sanitaire : à savoir les médecins et les infirmiers.
Pour le moment, le département de Houcine El Ouardi, droit dans ses bottes, ne montre aucun signe de fléchissement. Il vient juste d’annoncer la création d’une commission interne afin d’examiner les démissions au cas par cas, refusant tout compromis. Les professionnels, de leurs côté, s’accrochent au Temps Plein Aménagé (TPA). Une dérogation qui leur avait offerte, voilà plus de 16 ans.
Un conflit juridique oppose les deux parties
Chacun des deux camps, assurent qu’il est dans la légalité. Le ministre de la Santé présente l’article 15 du Code de la fonction publique qui stipule qu’ «Il est interdit à tout fonctionnaire d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. Il ne pourra être dérogé à cette interdiction qu'exceptionnellement et pour chaque cas par décision du ministre duquel relève l'agent intéressé après approbation du président du conseil. Cette décision, prise à titre précaire, est toujours révocable dans l'intérêt du service.»
Quant aux médecins, ils ont également un argument juridique en leur faveur : l’article 56 du dahir du 21 août 1996 publié au Bulletin officiel du 21 novembre 1996 accorde, en effet, une dérogation aux «professeurs et professeurs agrégés de médecine portant statut particulier du corps des enseignants-chercheurs de médecine, de pharmacie et de médecine dentaire et les médecins, chirurgiens et biologistes des hôpitaux relevant des dispositions portant statut particulier du corps des médecins, chirurgiens, biologistes, pharmaciens et chirurgiens-dentistes des hôpitaux, sont autorisés à exercer de manière libérale dans les cliniques dénommées « cliniques universitaires»» ayant conclues des conventions avec le département de la Santé. Cette dérogation était provisoire, juste cinq ans. Le temps que les cliniques universitaires voient le jour. La réalisation de ce grand projet est renvoyée aux calendes grecques, du coup les blouses blanches estiment que la dérogation de 1996 est toujours en vigueur.
Le patient démunis paiera les pots cassés
Sans le moindre équivoque, ce sont les malades démunis qui pâtiront de cette tension entre le ministère et les médecins. Les hôpitaux publics, amputées de leurs meilleures compétences, seront des coquilles vides. Et tout naturellement, les cliniques privées qui vont largement profiter de cette situation en augmentant leurs chiffres d'affaires
La décision du ministre de la Santé, Houcine El Ouardi, est parfaitement similaire à celle de son collègue à l’Education nationale, Mohamed El Ouafa, interdisant aux enseignants de travailler dans les écoles privées. Deux mesures prises dans la précipitation dans deux secteurs en crise qui tirent, chaque année, le Maroc vers le bas dans le classement des pays en voie de développement. Dans sa dernière version du rapport 2012 du PNUD, le royaume y occupe le 130ème rang sur un total de 187 pays.