Elections américaines: les musulmans de St Petersburg voteront Obama

Lorsque vous vous rendez dans un endroit et que vous souhaitez entrer en contact avec la communauté marocaine de cette ville ou pays, le premier réflexe à avoir est de contacter les restaurants marocains locaux. Vous pouvez être sûr que soit le patron ou le chef cuisinier est marocain. A St Petersburg (appelée couramment St Petes), ville située dans l’ouest de la Floride, c’est peine perdue. Il n’existe aucun restaurant marocain dans la ville. Le seul et l’unique, le Fez restaurant a été fermé il y a plusieurs années de cela. L’autre alternative est de se tourner vers la mosquée de la ville. Bingo ! L’imam de la mosquée Masjid al Sunnah de St Petes est Marocain. Il s’appelle Mohamed Benkhaled et est originaire du quartier casablancais Derb Soltane. Cela fait près de 25 ans qu’il vit aux Etats-Unis. Il est arrivé aux USA en tant qu’étudiant alors qu’il n’était âgé que de 19 ans. Il est imam depuis 8 ans. Mariée à une marocaine, il  est père de 6 filles. Je prends donc contact avec lui grâce à la journaliste du quotidien Tampa Bay Times chargée d’écrire des articles sur les minorités ethniques de la région qui me communique son numéro de portable. Très aimable au téléphone, Mohamed m’invite chaleureusement à venir à la mosquée pour la prière du vendredi 2 novembre et à écouter son sermon hebdomadaire prévus à 13h30. (écouter le son du sermon à la fin de l'article)

Près de 15000 musulmans à St Petersburg

La mosquée Masjid al Sunnah est située dans un quartier majoritairement habité par une population noire américaine. Un quartier isolé à moins de 10 minutes en voiture des belles avenues chics du centre ville où se mélangent luxueux appartements, restaurants et hôtels avec une vue imprenable sur la mer. Un quartier que mon chauffeur de taxi «blanc» qualifiera de «dangereux». «Lorsque vous voulez retourner à votre hôtel, appelez-moi sur mon portable, c’est plus sûr pour vous. Jamais vous verrez un taxi venir dans ce quartier !», me lance-t-il d’un ton ferme derrière ses grosses lunettes de soleil en me tendant sa carte de visite.

Une fois arrivée sur place, première surprise. La mosquée est une ancienne église reconvertie. Le clocher est toujours présent. La croix bien entendu retirée. «L’ancienne église était «out of business» [n’attirait plus personne] et nous l’avons acheté il y a trois ans à la mairie», explique Mohamed Benkhaled. Une autre mosquée existe à St Petes. D’après ses estimations, il y a à peu près 15 000 musulmans dans la ville et ses environs. Les Palestiniens sont la plus grande communauté de la ville, suivis ensuite des Marocains. Il ajoute que les Marocains sont très présents dans la ville d'Orlando.

D’après l’imam, si les Marocains sont peu visibles dans la ville, c’est tout simplement parce qu’ils passent de longues journées au travail tout au long de la semaine. Certains accumulent plusieurs jobs dans la semaine et les week-ends. L’un des revers de la médaille du rêve américain.

Les Afro-américains nombreux à se convertir à l’islam

Je suis donc invitée par l’un des fidèles à entrer dans la salle de prière réservée aux femmes. Une salle moyennement grande pouvant accueillir plusieurs dizaines de fidèles. Deux jeunes afro-américaines parlant entre elles sont assises par terre sur la moquette. Elles ne sont pas musulmanes. Ce sont des lycéennes faisant un exposé sur la communauté musulmane de la ville pour l’une de leur matière sur les religions. Elles ont été invitées par Mohamed à assister à la prière du vendredi. «Je trouve que l’islam est une très belle religion. Les musulmans ici sont des gens honnêtes et je pense qu’ils sont très serviables et dévoués pour leur communauté. Je suis chrétienne et ce que je souhaite faire dorénavant est de pratiquer ma religion en la combinant avec les préceptes de l’islam. Le petit ami de ma mère est musulman. Il était imam en prison et il connait bien l’islam.» déclare l’une des deux jeunes filles.

«Près de 3 personnes se convertissent à l’islam chaque mois dans la région de St Petersburg, le nombre est plus important pendant le Ramadan», précise Mohamed Benkhaled. «Nous avons également des membres de la communauté afro-américaine qui font partie de ses conversions. Certains d’entre eux décident de se convertir à l’islam après avoir passé un séjour en prison où ils ont découvert l’islam aux côtés des détenus musulmans. Ce qui est fabuleux dans notre religion est qu’elle accepte tout le monde, quelque soit la couleur de sa peau ou son origine» poursuit-il.

Pour la jeune lycéenne, les Américains ne connaissent pas assez l’islam. Cela est entre autre dû, selon elle, aux informations télévisées. «Ce que les Américains ont vu ces derniers années à la télévision ne parlent que des évènements du 11 septembre et ne savent pas ce qu’est réellement l’islam. Et je pense que ce n’est pas juste de les médiatiser de cette façon. Si on leur expliquait ce qu’est vraiment cette religion, ils apprécieraient ses valeurs», poursuit la jeune femme. Pour Mohamed, il est important que la communauté musulmane de St Petersburg ne soit pas isolée et qu’elle interagisse avec les autres habitants de la ville. «Cela va même de notre responsabilité de créer cette interaction avec les habitants pour mieux faire connaitre notre religion», lance-t-il. Ainsi l’imam n’hésite pas à se déplacer régulièrement dans les écoles des environs, sur leur invitation, pour parler de l’islam aux enfants et à répondre à leurs questions. Le terrorisme fait parti des thèmes des questions qui reviennent le plus souvent.

Obama aura le vote des musulmans de St Petes

D’autres femmes entrent ensuite dans la salle de prière. L’une est américaine de couleur âgée d’une cinquantaine d’années. Une autre est d’origine indienne et vit aux USA depuis une vingtaine d’années. Elle accompagne une jeune femme américaine blanche timide qui s’est convertie récemment à l’Islam. Elle la guide dans sa prière. L’américaine fraichement convertie refusera de répondre à mes questions. Une autre fidèle entre dans la salle de prière. Fazia est originaire de Guyana, petit pays à ne pas confondre avec la Guyane française, situé en Amérique du Sud au nord de l’Equateur dans lequel les musulmans ne sont qu’une minorité. Elle est née musulmane. Cela fait 30 ans qu’elle vit aux Etats-Unis. «Pour moi, être musulmane dans ce pays n’a jamais vraiment été un problème. Aux Etats-Unis, vous avez le droit de pratiquer votre religion comme vous le voulez et de vivre en tant que musulman. Mais des problèmes peuvent intervenir par exemple lorsque vous cherchez un travail où vous pouvez vous sentir exclu. Peu de chefs d’entreprise auront l’honnêteté de vous employer pour ce que vous êtes vraiment», explique-t-elle. «C’est pour cela qu’en tant que musulmane, il faut voter car si vous choisissez un mauvais président, cela peut avoir un impact sur l’ensemble de la communauté musulmane», ajoute-t-elle confiant qu’elle votera pour Barack Obama.

D’après Mohamed Benkhaled, une grande majorité des musulmans de la ville vont voter pour Barack Obama. «Les républicains ne sont que des créateurs de guerre, regardez ce qu’a fait Bush en Irak et nous, on ne veut pas revivre ça !» estime Mohamed. Lui aussi votera pour Barack Obama. Il n’a pas voté en 2008 car il était sûr qu’Obama remporterait l’élection. Malgré cela, Mohamed reste assez mitigé sur le bilan de ces quatre dernières du président américain. Ce qu’il retient sont les différents discours prononcés par Obama appelant à les Etats-Unis à s’ouvrir vers le monde musulman et ce, notamment dans son discours du Caire de juin 2009. «Mais beaucoup de promesses n’ont pas été tenues !», ajoute-t-il faisant référence au conflit israélo-palestinien, dans lequel les Etats-Unis peinent à trouver une issue. 

Au total, le sermon aura duré un peu plus d’une heure. A la sortie de la salle de prière, Mohamed m’invite à rencontrer quelques Marocains fidèles de la mosquée. «Ca serait bien d’organiser un diner ce dimanche avec les Marocains de la mosquée, tu fais passer le message Hassan au reste de la communauté. Chacun ramène quelque chose et on se réunit à la mosquée», dit-il en s’adressant à l’un des Marocains originaire de Casablanca. Puis Mohamed se tourne vers moi m’invitant ce dimanche à prendre part à ce diner. Il ne me reste plus qu’à rentrer dans mon hôtel. Pas besoin d’appeler Michael, le chauffeur de taxi aux grosses lunettes de soleil pour qu’il revienne me chercher. C’est l'imam qui me raccompagnera à mon hôtel.