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Grand Angle

Le colonel Jalloud : «Boumédiène n’était pas pour la proclamation du Polisario et de la "RASD"»

Dans ses mémoires, le colonel libyen Abdessalam Jalloud affirme que le président algérien, Houari Boumédiène, n’était guère favorable à la création du Polisario en 1972 à Tripoli ou à la proclamation de la «RASD» en 1976. Cet ancien responsable lève le voile dans son livre sur les initiatives, militaires, diplomatiques et financières, prises par Kadhafi pour soutenir l’armée algérienne après sa défaite dans la bataille d’Amgala de janvier 1976 face aux Forces armées royales.

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Le colonel Abdessalam Jalloud avec Mouammar Kadhafi. / DR
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Avant de rompre avec Mouammar Kadhafi en 1993, le colonel Abdessalam Jalloud était longtemps considéré le véritable numéro 2 en Libye. Le militaire a écrit ses mémoires et le conflit du Sahara occidental occupe une partie dans son livre, publié cette année.

Dans son récit, Jalloud tord le cou à certaines informations, longtemps véhiculées et élevées au rang de vérités sacrées. En témoignent les circonstances de la proclamation du Polisario. Officiellement, le mouvement est créé le 10 mai 1973 à Zouerate en Mauritanie. Une date que la direction du Front commémore annuellement par l’organisation de parades militaires dans les camps de Tindouf.

Une version démentie par le colonel. «En 1972, le frère Mouammar Kadhafi annonçait, en présence du président algérien, la création du Polisario pour lutter contre l’occupation espagnole du Sahara occidental sous la direction du moudjahid et révolutionnaire Mustapha El Ouali Errguibi. Une annonce que Houari Boumédiène avait accueillie avec surprise et un sourire moqueur», raconte-t-il.

Les réserves algériennes, souligne le Libyen, se sont poursuivies jusqu’à l’organisation par le roi Hassan II de la Marche verte en novembre 1975. Pour rappel, au sommet de la Ligue arabe de 1974 à Rabat, Boumediene avait manifesté solennellement son appui aux revendications territoriales marocaines et mauritaniennes sur le Sahara.

Défaite de l’armée algérienne à Amgala

Dans ses révélations, le colonel apporte aussi un autre son de cloche totalement différent de l’Algérie, sur l’issue de la bataille d’Amgala de janvier 1976, ayant opposé l’armée algérienne aux Forces armées royales. Après la défaite, Kadhafi a envoyé en urgence son bras droit à Alger.

«Nous avons offert à Boumédiène toutes nos ressources militaires, car nous avons considéré que le problème n’est pas le Sahara mais la confrontation entre la révolution algérienne et le régime féodal au Maroc. Nous avons envoyé des armes et des munitions à l’Algérie, dont la première livraison de chars T-62 (soviétiques) qui venait juste d’arriver au port de Tripoli», poursuit-il.

Dans son élan sans limite à soutenir l’Algérie, Jalloud a proposé à Boumédiène de frapper à la porte de l’Union soviétique. Les deux se sont rendus secrètement à Moscou pour y rencontrer le président Léonid Brejnev. «Au cours de la réunion, j’ai demandé à Brejnev de fournir les armes que l’Algérie demande et je lui ai assuré que la Libye est disposée à en payer la facture. C’était une visite réussie», se rappelle-t-il.

Malgré l’appui militaire et financier au Polisario, le colonel libyen dit regretter l’«abandon de Kadhafi des Sahraouis» lors de la proclamation, le 27 février 1976, de la «république arabe démocratique sahraouie (RASD)». Comme lors de la création du mouvement séparatiste en 1972, le président algérien n’y était pas favorable à franchir ce pas. «Boumédiène y était opposé mais le frère Kadhafi l’a convaincu du bienfondé de la décision. Kadhafi a demandé ensuite au chef de l’Etat algérien de reconnaitre d’abord la république sahraouie et la Libye lui emboitera le pas dans les prochaines vingt-quatre heures». Une reconnaissance qui a accusé un retard de quatre années.

Les mémoires lèvent aussi le voile sur l’empressement de la Libye à appuyer la tentative du coup d’Etat de 1971 au royaume. «Boumédiène a rejeté toutes nos demandes d’apporter de l’aide aux militaires marocains. Face à un tel refus, nous étions décidés à entreprendre une aventure en envoyant nos avions bombarder le siège de la Radio marocaine, le palais royal et d’autres objectif mais le président algérien n'a pas autorisé nos appareils à décoller des aéroports algériens pour mener des opérations au Maroc», a déploré le colonel Jalloud.

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