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Grand Angle

Diaspo #250 : Khalid Zahouily, un photochimiste du CNRS devenu entrepreneur

Docteur en Photochimie, Khalid Zahouily est aujourd'hui à la tête d'un laboratoire privé avec de grandes ambitions et de grands clients. Histoire d’un chercheur du CNRS en France qui a fait le choix de s’orienter vers l’entrepreneuriat.

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Docteur en Photochimie, Khalid Zahouily est à la tête de Photon Polymers, laboratoire spécialisé dans le domaine des matériaux photopolymères. / DR
Temps de lecture: 4'

Dans les années 2000, Khalid Zahouily décide de créer son entreprise en France. Alors chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), il ne connaissait pourtant rien du monde de l'entrepreneuriat et n’avait aucune idée sur comment négocier avec des clients ou marketer son produit. Près de 20 ans plus tard, le Marocain, docteur en photochimie, se trouve aujourd’hui à la tête d’un laboratoire privé reconnu pour son efficacité et son esprit d'innovation.

Né en 1961 à Casablanca, dans le quartier Ain Chock, il a intégré le célèbre lycée Khawarizmi sis boulevard La Gironde, grâce à sa mère. «Elle ne savait ni lire ni écrire. Pourtant, elle avait tout fait pour que moi et mon frère -devenu neurochirurgien- intégrions ce lycée», nous confie Khalid Zahouily. Ainsi, après son baccalauréat en sciences mathématiques, il opte pour des classes préparatoires en France. Il se rend ainsi à Orléans pour deux ans d'études post-bac avant d’intégrer l’Ecole de chimie de Mulhouse.

Sur le choix de cette filière, Khalid Zahouily a une histoire amusante. «On habitait près des locaux de la SNRT à Ain Chock. J’étais passionné par les mélanges, les potions magiques et la chimie», confie-t-il. Agé d’à peine dix ans, il profitait des vendredis sans cours pour une chasse au trésor un peu spéciale. «Avec les amis, on allait dans les terrains vagues de Casablanca. J’avais l’habitude de récupérer des médicaments périmés et je faisais des mélanges», se rappelle-t-il. Tel un «véritable chimiste», le jeune notait tout sur un petit carnet. «On allumait un petit feu pour faire bouillir les mélanges», détaille-t-il.

«Mon rêve était de créer une potion magique. Je versais ces mélanges sur des plantes et revenait le vendredi suivant en espérant trouver des arbres géants. En fin de compte, quand j’arrivais, les pauvres plantes étaient mortes.»

Khalid Zahouily

Un scientifique converti en entrepreneur

En 1994, il réalise finalement son rêve d’enfant, en obtenant son doctorat en Photochimie à l'Université de Haute-Alsace. Il travaille ensuite pendant une dizaine d’années au CNRS. C’est grâce à cette expérience qu’il affine son expertise sur les matériaux photopolymères et travaille sur des demandes de grandes sociétés japonaises et américaines. Responsable de la cellule «Valorisation», il se penche sur les liens entre science et industrie et comment répondre aux besoins des industriels dans le domaine des photopolymères, comme les peintures, les vernis et les matériaux. La vie semble alors un long fleuve tranquille.

Mais en 1998-1999, gros grain de sable lorsqu'il reçoit un appel d’une grande société spécialisée dans les sols en polychlorure de vinyle (PVC), qui venait de déposer sur leur produit un vernis photopolymérisable qui sèche à la lumière mais qui avait un souci d’ordre photochimique avec ce vernis. Appelé à se rendre à Lyon auprès de la compagnie le lendemain, Khalid Zahouily se heurte à la bureaucratie. «Mon supérieur m’a autorisé à m’y rendre mais le directeur régional m’a dit qu’il ne peut pas prendre le risque de me laisser partir car l'orde de mission n’était pas rempli à temps, alors qu'il s'agissait d'un potentiel contrat pour le laboratoire», explique-t-il.

Mais le chercheur marocain ne se résigne pas, déposant un jour de congé pour s'y rendre avec ses propres moyens. Il revient en ramenant un contrat de 20 000 euros pour le laboratoire. Mais cette expérience met en relief le décalage existant entre le monde universitaire et le secteur industriel.

En 2001, le gouvernement français décrète une loi permettant aux chercheurs de créer leurs entreprises, utiliser le matériel du CNRS tout en gardant une partie de leur salaire et surtout bénéficier d’un accompagnement. C'est le déclic pour Khalid Zahouily, même s’il a peu de connaissance dans l’entrepreneuriat. «J’étais certes chimiste mais je ne savais pas ce que c’était un business plan ni le marketing. Heureusement, j’étais encadré par de grands spécialistes», reconnaît-il.

Son choix s’avère le bon, car aujourd’hui, Photon Polymers, créée il y a 20 ans, est leader dans le domaine des matériaux photopolymères. Son laboratoire privé développe notamment du revêtement de haut niveau qui peut être appliqué sur divers produits. «Par exemple, les vernis anti-graffiti pour la RATP, des encres photopolymerisables anti-contrefaçon, des vernis bio-sourcés anti-corrosion pour les cadrans de montres pour l’horlogerie suisse», nous explique-t-il.

Photopolymères et impression 3D et 4D

Selon son fondateur, Photon Polymers a même été consultée par la Banque centrale du Maroc pour éviter l’usure prématurée des billets de banque en mettant un vernis spécifique, bien que ce projet ne s'est pas concrétisé. Dernièrement, le laboratoire a développé un vernis UV anti-givre et a déposé cinq brevets avec Airbus industries qui ont demandé trois ans de travail. «Depuis que les avions existent, il y a eu 500 craches dus à de la glace accumulée sur les ailes, ce qu’on appelle le givrage. Notre vernis fait que cette glace ne puisse pas adhérer sur la surface de l’appareil», détaille le chimiste.

La société, bien qu’elle reste «une petite structure», selon son fondateur, jouït d'un portefeuilles clients aussi célèbres qu'exigeants : Airbus, Rolex, Gucci, Lafarge, ... L'innovation qui est au coeur de la stratégie industrielle de l'entreprise lui permet de viser d'autres secteurs de pointe tout aussi exigeants.

«Depuis cinq ans, l’avenir de Photon Polymers est résolument tourné vers le domaine médical, à travers l’impression 3D et 4D. Imprimer des parties d’organes (un mélange de bio-photopolymères et des cellules vivantes), ou des gouttières d’orthodontie, c’est l’avenir. Nous développons des matériaux photopolymères avancés sur mesure, pour la technique stéréolithographie (ou SLA).»

Khalid Zahouily

Le Marocain est également l’un des fondateurs de l’association Meet France-Maroc, avec des cadres franco-marocains en Alsace. «Je préside le pôle "Recherche scientifique & valorisation". J’œuvre à stimuler la valorisation et l'innovation dans les différents domaines scientifiques, soutenir l'entrepreneuriat, le développement économique et la création d'entreprises innovantes», explique-t-il à propos de cette ONG qui réunit des cadres, des ingénieurs, des professeurs universitaires, tous amoureux du Maroc.

«Mon ambition est de faire travailler des chercheurs notamment franco-marocains, marocains ou français sur des thématiques comme l’eau et l’énergie, liées au nouveau modèle de développement pour 2035. L’idée est aussi d’aider les chercheurs marocains à valoriser leurs recherches et à traduire de la science pure en connaissances, en savoir et peut-être en emplois», conclut-il avec espoir.

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