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Interview

Mohamed El Ghalloussi : «Malgré les rapports de la Cour des Comptes, la corruption s’amplifie au Maroc»

Mohamed El Ghalloussi, le président de l’Instance Nationale pour la Protection des Biens Publics au Maroc, ne mâche pas ses mots. Malgré les nombreux rapports de la Cour des comptes, l'action de cette dernière reste limitée : la corruption ne faiblit pas au Maroc. 

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Mohamed El Ghalloussi, le président de l’Instance Nationale pour la Protection des Biens Publics au Maroc / DR
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La Cour des Comptes a publié son dernier rapport, quel regard portez-vous sur son contenu ?

La publication annuelle de rapports de la Cour des Comptes cadre avec la mission principale de cette institution. L’article 147 de la constitution du 1er juillet 2011 précise que la «Cour des Comptes a pour mission la protection des principes et valeurs de bonne gouvernance, de transparence et de reddition des comptes de l'État et des organismes publics. Elle s'assure de la régularité des opérations de recettes et de dépenses des organismes soumis à son contrôle en vertu de la loi et en apprécie la gestion». Par ses recommandations, la Cour des Comptes contribue, dans une certaines mesure et sans être nihiliste, à la moralisation de la vie publique. Ces rapports sont un cadre idoine pour orienter les actions des collectivités locales et les établissements publics en vue de les encourager à corriger les irrégularités. D’ailleurs, ses rapports irritent certaines parties au Maroc. Néanmoins, le rôle de la Cour des Comptes reste limité et fragile.  

Quel est l'impact de ces rapports sur le quotidien des Marocains ?

Certes l’élaboration d’un rapport nécessite des efforts moral et financier mais la question qui taraude l’opinion publique est la suivante : Est-ce que ces rapports contribuent au processus de reddition des comptes ?, un principe constitutionnel, qui confirment que les Marocains sont tous égaux devant la loi. Or, jusqu’à présent, les personnes poursuivies devant les juridictions financières, suite à ces rapports, sont de petits fonctionnaires, des élus et des entrepreneurs.

Donc pour vous, la Cour des Comptes ne contribue pas au mécanisme de reddition des comptes ?

Malheureusement, la publication régulière des rapports de la Cour des Comptes n’a pas freiné la prolifération de la corruption. Pire, elle s’amplifie et prend des proportions inquiétantes, menaçant la politique de développement du pays.

Pour éviter ce scénario que propose l’Instance Nationale pour la Protection des Biens Publics au Maroc pour une meilleure contribution de la Cour des Comptes à la moralisation de la vie publique ?

La Cour des Comptes est un soldat qu’il faut équiper en armes pour gagner cette guerre contre la corruption. Cela commence en permettant à l’institution de soumettre directement aux juridictions financières les dossiers de dilapidation de deniers publics sans passer par le parquet. Actuellement, les ressources humaines font défaut à la Cour des Comptes alors que ses champs d’actions sont multiples. Par exemple, une Cour des Comptes Régionale ne peut remplir convenablement ses missions avec 30 ou 40 fonctionnaires. Par ailleurs, il faut que la justice donne un coup d’accélérateur aux procédures d’examens de dossiers de dilapidation des deniers publics. Nous sommes pour le respect de la présomption d’innocence mais il est anormal que les procédures, enclenchées depuis 10 ou 15 ans, ne connaissent toujours pas d'issue. Ses observations sont également valables pour les autres conseils de contrôle, tels l’'Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption et le Conseil de la Concurrence.

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