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Grand Angle  

Ukraine : A Kherson et à Marioupol, une centaine de Marocains espèrent encore leur évacuation

Les régions de Kherson et de Marioupol en Ukraine font partie de celles qui ont été encerclées par l’armée russe, durant les premiers jours ayant suivi les bombardements du 24 février. Jusque-là, les possibilités d’évacuation n’ont pas permis aux familles marocaines de sortir avec leurs épouses et leurs enfants.

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De civils en Ukraine au cours d'une opération d'évacuation / Ph. Emilio Morenatti - AP
Temps de lecture: 5'

Depuis quelques jours, des bénévoles et des associatifs marocains multiplient les appels pour une intervention de la Croix-Rouge, afin d’évacuer les familles résidentes à Kherson (sud de l’Ukraine) et à Marioupol (Oblast de Donetsk, est). En effet, les deux régions ont été rapidement encerclées par la Russie, quelques jours après l’intervention du 24 février dernier. La situation humanitaire s’y dégrade de manière inquiétante, y compris pour la centaine de ressortissants marocains résidents, a appris Yabiladi. Ce lundi, certains parmi eux à Kherson ont décidé de quitter la ville à pied, malgré les tirs qui se multiplient depuis les premières heures de la matinée.

Récemment, des opérations d’évacuation des étrangers et de leurs familles ont permis à des ressortissants de différentes nationalités de sortir de Kherson, en empruntant les routes menant vers la Russie. De jeunes marocains ont pu sortir, mais ils restent rares, constitués surtout des personnes qui n’ont pas d’attache familiale en Ukraine. «Dans mon cas et il se présente pour la plupart, je ne peux pas envisager une sortie vers la Russie, au risque de perdre mon emploi et ma résidence permanente en Ukraine, puisque les autorités du pays de résidence vont considérer que j’ai pris position par rapport à la guerre», s’inquiète Omar, habitant à Kherson depuis dix ans.

Les familles mixtes inquiètes sur leur sortie vers la Russie

Résident à Novaya Kakhovka dans la même région depuis cinq ans et père d’une fille de neuf mois, Amine confie également à Yabiladi que cette option ne garantit pas à son enfant et à son épouse ukrainienne une évacuation sûre. «Administrativement, le problème ne se pose pas pour moi, mais je ne vis pas seul et je suis responsable sur ma petite famille ; j’ai toujours espéré avoir une petite fille et je ne la laisserai pas en temps de guerre. La loi martiale est instaurée dans le pays depuis le début des bombardements et toute sortie d’un citoyen ukrainien vers le territoire russe est considérée comme haute trahison», explique-t-il.

«Je ne peux pas opter pour une solution qui mettrait en danger ma fille et mon épouse et je ne sortirai pas d’ici en les laissant derrière moi. Si on ne peut pas être évacués de Kherson en étant regroupés et que quelqu’un doit sortir en premier, je préfère que la priorité soit donnée à mon enfant et à sa maman.»

Amine, résident de la région de Kherson

Pour de nombreuses familles marocaines qui vivent la même situation dans les villes encerclées d’Ukraine, «l’issue la plus adéquate est une intervention de la Croix-Rouge en concertation avec les parties russe et ukrainienne, ainsi que les services consulaires, afin d’envisager une évacuation des civils à partir des territoires ukrainiens directement, sans pousser, de ce fait, les uns ou les autres à prendre position par rapport à la guerre sans le vouloir».

Amine est de cet avis, d’autant que selon lui, «tout l’Oblast de Kherson n’est pas uniquement le théâtre de violences entre les soldats des deux pays, mais il se confronte aussi à des interventions de nationalistes armés, qui visent tantôt les Russes, tantôt les Ukrainiens». Ceci pousse parfois à des ripostes des deux côtés. «Lorsque des évacuations sont lancées dans la région, elles sont souvent suspendues à cause de tirs des nationalistes, et non pas des armées des deux pays», déclare encore Amine.

Le week-end dernier, le jeune papa a rejoint un groupe de Marocains résidents à Kherson, dont Omar, afin de réunir toutes les familles et de venir en aide à celles qui en ont besoin le plus. «C’est en temps de guerre qu’il faut que nous restions encore plus solidaires entre nous, jusqu’à ce que nous puissions sortir en sécurité avec nos enfants. Nous essayons de nous organiser pour mettre à la disposition de ceux qui nous rejoignent des villes et des villages de la région des logements, avec l’aide de nos concitoyens marocains qui ont pu quitter l’Oblast et qui nous laissent leurs habitations», explique Omar.

«Pour éviter notamment tout cafouillage qui pourrait survenir lors des opérations de sortie, nous sommes en contact direct avec nos services consulaires marocains en Ukraine, pour identifier l’ensemble des concitoyen et nous coordonner de manière efficace.»

Omar, résident à Kherson

Les résidents de Marioupol «coupés du monde»

Marocaine résidente en France contactée par Yabiladi, Hind Dakoune fait partie des MRE qui ont lancé l’appel pour interpeller la Croix-Rouge sur la situation humanitaire de différentes villes assiégées en Ukraine, notamment Kherson et Marioupol, en coordination avec des bénévoles, étudiants dans le pays de l’Europe de l’est ou parents, ainsi que les Affaires étrangères au Maroc. Cette initiative a été lancée après que l’évacuation des étudiants bloqués à Soumy a permis la sortie de tous les rerssortissants marocains de cette ville, également encerclée par la Russie.

«A Kherson et à Marioupol, l’intervention humanitaire est plus qu’urgente. Nous sommes en contact permanent avec les familles. Il faut permettre l’acheminement des médicaments et de la nourriture aux résidents, d’autant qu’il y a beaucoup d’enfants en bas âge, de femmes enceintes et que les denrées commencent réellement à manquer.»

Hind Dakoune

Pour cette associative, «l’intervention des ONG internationales ne peut se faire sans concertations politiques entre les différentes parties concernées». C’est pourquoi, «les bénévoles alertent quotidiennement la Croix-Rouge, surtout que dans la région de Marioupol, les familles ont perdu tout contact avec leurs proches qui se trouvent au Maroc», a-t-elle insisté. Quelques jours après les bombardements du 24 février en Ukraine, la communication a en effet été coupée avec cette ville de la région de Donetsk.

Rachida, dont le neveu habite là-bas depuis plusieurs années, est rongée d’inquiétude. «Cela fait plus de douze jours qu’ils n’ont ni électricité, ni Internet, ni eau et la nourriture commence à se raréfier», a-t-elle déclaré à Yabiladi.

«Nous sommes réellement traumatisés, nous ne savons jamais ce que la guerre peut avoir comme dénouement, mais ne pouvons que garder espoir. Nous essayons au moins de savoir s’il y a moyen pour que la Croix-Rouge intervienne auprès de la population civile. Toujours est-il que nous sommes pas rassurés. On ne sait pas si nos proches ont été identifiés, puisque la communication est rare à Marioupol. La situation est catastrophique…»

Rachida

Selon Rachida, les familles au Maroc restent toutes dans l’expectative, en attendant des nouvelles de leurs proches à Marioupol. «Tout ce que nous pouvons faire pour le moment, c’est suivre les informations, prier pour que nos proches puissent tenir le coup et que les négociations entre l’Ukraine et la Russie aboutiront à l’ouverture d’un couloir humanitaire, avec des conditions permettant aux familles de sortir sans danger», a-t-elle déclaré.

Dans la ville assiégée, Rachida dit également que la solidarité s’organise entre les résidents marocains. «Malgré les conditions difficiles de la guerre, ils se regroupent pour héberger les familles ; ceux qui n’ont pas d’enfants se rejoignent pour partager les mêmes appartements, afin de laisser les leurs aux parents qui ont des petits. Ils essayent aussi de nous écrire, lorsqu’ils arrivent à communiquer brièvement, mais nous ne pouvons pas savoir comment ils se portent réellement», confie Rachida.

Dans cette région, la situation est particulièrement critique, dans un contexte où le 21 février, trois jours avant l’intervention russe, l’Assemblée fédérale de la fédération de Russie (Douma) a adopté un projet de loi pour la reconnaissance officielle des républiques populaires de Donetsk et de Louhansk comme Etats indépendants. Le texte a été approuvé par le président russe Vladimir Poutine. Pour sa part, le président Volodymyr Zelensky a instauré la loi martiale en Ukraine et le parlement a voté une loi autorisant l’armement des civils.

Article modifié le 14/03/2022 à 23h52

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